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«Leur victoire serait la nôtre» : ces Syriens qui vibrent pour la Russie pendant la Coupe du monde

13 juin 2018, 20:48
«Leur victoire serait la nôtre» : ces Syriens qui vibrent pour la Russie pendant la Coupe du monde
LOUAI BESHARA / AFP

A l'approche du Mondial 2018, la Russie, pays organisateur et indéfectible allié du gouvernement syrien, s'est fait une place de choix dans le cœur de nombreux supporters syriens, qui pourront cette année avoir la tête au sport.

«Avant la guerre, personne en Syrie ne soutenait l'équipe russe, considérée comme quelconque», explique à l'AFP Ahmad al-Modramani, qui tient un magasin d'électronique dans le quartier de Qaymariyé, où les fanions de supporters côtoient les lanternes du ramadan. 

Mais depuis l'implication militaire de Moscou, «davantage de Syriens éprouvent de la sympathie pour la Russie», selon ce trentenaire, qui gère une page Facebook consacrée au football qui compte plus de 70 000 membres. Si la plupart de ces internautes soutiennent des équipes fortes comme le Brésil et l'Argentine pour cette compétition, «le nom de l'équipe russe se fait de plus en plus présent», d'après lui.

Cet engouement pour le pays hôte du Mondial, qui ouvrira le bal le 14 juin contre l'Arabie saoudite, vient récompenser le soutien déterminant que Moscou apporte au gouvernement de Bachar el-Assad dans le conflit qui déchire la Syrie depuis 2011. Depuis le début de l'intervention militaire russe en Syrie en 2015, sur demande de Damas et conformément au droit international, les forces pro-gouvernementales syriennes ont pu retourner une situation qui semblait critique et ont alors enchaîné les victoires.

Cette année, elles ont ainsi repris le contrôle total de la capitale et de ses environs pour la première fois depuis 2012. «Les gens se sentent aujourd'hui plus à l'aise à Damas, ils peuvent suivre la Coupe du monde sans crainte alors que lors du Mondial 2014, la guerre était à son apogée et les habitants étaient davantage soucieux de leur propre sécurité», explique Ahmad al-Modramani.

«But politique»

Assis sur une chaise en bois posée devant une modeste boutique garnie d'accessoires pour la Coupe du monde, Hammoud Khamiss répond en souriant aux passants et clients qui s'enquièrent des prix de ses produits.

«Nous vendions des drapeaux russes à la veille des réunions du Conseil de sécurité ou d’échéances politiques majeures», se rappelle cet homme de 37 ans.

«Désormais, ceux qui achètent le drapeau russe le font dans un but politique. Ils veulent faire passer un message à travers le sport», explique Hammoud Khamiss. Les prix varient entre 500 livres syriennes (0,83 euro) pour un drapeau de taille moyenne et 2 000 livres (3,30 euros) pour un grand. Quant aux enfants et adolescents, ils raffolent des bandanas à seulement 200 livres (0,33 euro).

Alliés en temps de guerre, de paix... et en sport

Dans son échoppe exiguë du souk de Soueika, marché réputé pour les produits électroniques, Mahmoud Abou Malek reçoit une nouvelle commande de «décodeurs». Ces boîtiers permettent aux Syriens de capter illégalement des chaînes sportives satellitaires auxquelles ils ne peuvent pas se permettre de s'abonner, moyennant 5 000 livres (8,3 euros) pour une semaine ou dix fois plus pour un an.

Après avoir empilé de nouvelles boîtes sur une étagère, le quinquagénaire appelle son grossiste pour le prévenir d'un possible besoin de réapprovisionnement en cas d'afflux massif de clients.

«La demande est importante cette année pour la Coupe du monde», explique Abou Malek. «Il y a les équipes fortes, les équipes arabes et les équipes alliées», dit-il, en référence notamment à la Russie. Il convient toutefois que les clients ne s'abonnent pas sur la durée pour soutenir la Sbornaya (le surnom de l'équipe russe), dont peu de gens estiment qu'elle a une chance de sortir du groupe A, où figurent également l'Uruguay, l'Egypte et l'Arabie saoudite.

A quelques dizaines de mètres de là, Bassem al-Rezz a décidé d'offrir une ristourne aux fans de l'Argentine qui fréquentent sa boutique de chaussures. «Je soutiens l'Argentine en priorité, mais la Russie est un pays allié», dit cet homme de 33 ans. «Nous sommes alliés en temps de guerre et de paix, nous le serons donc aussi en sport», fait-il valoir. Et d'assurer : «Un grand nombre de Syriens encouragent l'équipe russe. Leur victoire serait la nôtre.»

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