Rattachement de la Crimée à la Russie : la grande rupture de l'Occident avec Moscou

 Rattachement de la Crimée à la Russie : la grande rupture de l'Occident avec Moscou© Aleksey Nikolskyi Source: Sputnik
Le président russe Vladimir Poutine s'exprime sur le résultat du référendum en Crimée le 18 mars 2014, devant le Parlement russe réuni en congrès.
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Le 18 mars 2014, après un référendum, la Crimée rejoignait le giron russe. Un événement majeur qui explique cinq années de sanctions occidentales visant Moscou, mais aussi une nouvelle géopolitique toujours plus conflictuelle.

S'il est un moment déterminant de la rupture entre la Russie et l'Union européenne – et plus largement les Etats-Unis – c'est sans doute le rattachement de la Crimée à la Russie. Le 18 mars 2014, deux jours après un référendum d'autodétermination fondé sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, la péninsule rejoignait la Fédération de Russie.

L'événement a sans aucun doute radicalement bouleversé la vie quotidienne des quelque deux millions de Criméens, russophones et culturellement russes, comme du reste, des habitants de la région du Donbass, entrée en sécession dès le printemps 2014 suite à la révolution du Maïdan, soutenue par les Etats Unis et l'Union européenne (UE). Victoria Nuland, secrétaire d'Etat assistant pour l'Europe et l'Eurasie de 2013 à 2017, et ambassadrice états-unienne auprès de l'OTAN de 2000 à 2003, a ainsi suivi de près la composition du nouveau gouvernement issu du coup d'Etat de février 2014.

Mais, au-delà du bilan humain des «opérations antiterroristes» (ATO en anglais) contre les républiques autoproclamées du Donbass, la révolution du Maïdan aurait de lourdes conséquences en matière de relations internationales. Ligne rouge pour la Russie, la Crimée devait aussi constituer un casus belli pour les Etats-Unis, et, partant, leurs alliés européens. Compte tenu de la progression de l'OTAN vers l'est, de la politique résolument russophobe à l'égard des populations de l'est de l'Ukraine, et face à l'importance stratégique de la péninsule de la Crimée, accès vital de la Russie à la mer Noire et à la Méditerranée, Moscou se devait de protéger ses intérêts nationaux et stratégiques. En face, l'Occident ne pardonnerait pas à la Russie d'avoir entravé sa géopolitique expansionniste, après un premier coup d'arrêt imposé par Moscou lors de la crise géorgienne de 2008.

Des sanctions contreproductives 

Dès 2014, sur fond d'accusations largement relayées par les médias concernant une hypothétique présence militaire russe dans le Donbass, et en réaction au rattachement à la Russie de la Crimée, ukrainienne par la volonté de Khrouchtchev depuis 1954 seulement, les Occidentaux décident de punir Moscou.

Mais le train de sanctions économiques destinées à faire plier la Russie se révèle très vite inefficace. Sur le plan géopolitique, elles poussent la Russie, pays historiquement et culturellement européen, à se rapprocher de la Chine, et plus largement de tout pays se réclamant de la tradition des non-alignés. Sur le plan économique, les sanctions bénéficient à l'agriculture. N'important plus de fromage français ou de porc breton, la Russie développe sa propre politique d'indépendance agricole. Effet boomerang, les agriculteurs européens sont confrontés à une surproduction de porc, dont le cours s'effondre, mais aussi à la fermeture brutale, décidée par l'UE et mise en place par les Etats membres, de débouchés à l'exportation.

Aussi, malgré la pression politique de l'allié américain, les considérations économiques et commerciales semblent peser de plus en plus lourd pour les Européens. En décembre 2017, le ministre français de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, dénonce les effets délétères des sanctions antirusses sur le commerce extérieur. Plus récemment, en juillet 2018, le ministre italien de l'Intérieur Matteo Salvini déplore à son tour le manque à gagner pour la troisième économie de la zone euro. «L'Italie est le pays européen qui a le plus souffert de ces sanctions contre la Russie», regrette-t-il alors.

Enfin, ultime conséquence indésirable pour le leadership américain, les sanctions prenant pour prétexte la crise ukrainienne confortent un peu plus la volonté de Moscou, et d'autres pays, de se passer du dollar dans leurs échanges. Menaçant ainsi le «privilège exorbitant» du billet vert, selon l'expression de Valery Giscard d'Estaing en 1964, alors ministre des Finances de De Gaulle...

Lire aussi : Poutine : la dédollarisation du monde, fruit d'une «erreur de l'empire» américain

Retour de la Russie comme acteur majeur sur la scène internationale

Le coup de poker réalisé en Ukraine par les Etats-Unis, suivis par leurs alliés européens, puis le rattachement de la Crimée à la Russie, marquent également une inflexion déterminante dans la politique étrangère de Moscou.

En Syrie, pour contrer l'ingérence occidentale et préserver un Etat unitaire légitime du point de vue du droit international, la Russie intervient militairement fin 2015, à la demande de Damas, contre un Etat islamique alors à son apogée. Là aussi, l'intérêt géopolitique de la Russie se heurte aux projets occidentaux de changement de régime et de redécoupage du Moyen-Orient. Sur fond de guerre souterraine des gazoducs et des accès aux hydrocarbures, la coalition internationale sous commandement américain, jusque-là impuissante à contrecarrer Daesh et paraissant plutôt se concentrer sur le renversement du président syrien Bachar el-Assad, voit les forces armées syriennes regagner du terrain avec l'appui logistique et stratégique de Moscou.

Cinq ans pour couper les ponts

Volonté de mater l'ours russe ? En réponse, les Occidentaux accentuent la pression sur la Russie. Outre la multiplication des sanctions, tous azimuts, Moscou se voit accusé de mener une guerre hybride contre l'Occident.

Dès 2016, les Etats-Unis accusent la Russie de propager de fausses nouvelles, afin, supposément, d'interférer avec les processus démocratiques. Dans le même temps, l'OTAN presse ses membres européens de se préparer à une guerre dont l'adversaire est de plus en plus clairement désigné : la Russie. En cinq ans, les prétextes justifiant une rupture toujours plus irréversible se sont accumulés. L'affaire Skripal qui éclate en mars 2018, vient ainsi justifier de nouvelles mesures antirusses. La crise se traduit par la plus importante vague d'expulsions croisées de diplomates de l'après-guerre froide. Le 14 mars 2018, le Royaume-Uni décide d'expulser 23 diplomates russes et annonce le gel des relations bilatérales entre les deux pays. La Russie riposte alors en ordonnant l'expulsion de diplomates britanniques, tandis que le 26 mars suivant, une vingtaine d'Etats emboîtaient le pas à Londres avec l'expulsion de plus de 100 diplomates russes.

La Russie ne peut plus être considérée comme un partenaire stratégique de l'UE

Signe de la dégradation des relations, le chef d'état-major de l'armée britannique émet en novembre 2018 un jugement que l'on aurait difficilement imaginé possible cinq ans plus tôt. «La Russie aujourd'hui représente indiscutablement une menace bien plus grande pour notre sécurité nationale que les menaces extrémistes islamistes que constituent Al-Qaïda et le groupe Etat islamique», déclare ainsi le général Mark Cerleton-Smith dans un entretien au quotidien The Telegraph.

A l'approche du cinquième anniversaire du retour de la Crimée dans le giron russe, le Parlement européen enfonce encore le clou. Une résolution des députés européens votée à une large majorité tranche : «La Russie ne peut plus être considérée comme un partenaire stratégique de l'UE». Le point d'orgue d'une séparation toujours plus clairement exprimée par les Occidentaux et qui prend sa source dans la crise ukrainienne – coup d'Etat du Maïdan, puis rattachement de la Crimée à la Russie – de 2014.

Alexandre Keller 

Lire aussi : Le Parlement européen ne veut plus de la Russie comme «partenaire stratégique»

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