Avec l'arrivé de Donald Trump au pouvoir, le président ukrainien risque de perdre le soutien politique et financier de Washington. C'est pourquoi il a commencé une nouvelle escalade du conflit ukrainien, explique le journaliste Bryan MacDonald.
Une vieille maxime de journaliste, «rapporter ce que vous connaissez et restez-en aux faits», était difficile à respecter lors du conflit ukrainien. Car, tandis que toute confrontation militaire se fait dans un «brouillard de guerre», ce conflit s'est enfoncé encore plus loin. Il y a une sorte de «nuage de guerre». Et c’est un nuage gris très épais, qui enveloppe toute personne essayant d’y pénétrer de toutes sortes de boues, de crasses ou de fumiers.
Tandis que l’ancien président américain considérait l’Ukraine comme un mal de tête inutile, il s'en est remis à des personnages puissants qui avaient des intérêts dans ce jeu
A partir de ce moment-là, presque tous les observateurs qui s'y sont frottés ont été contaminés et c’est pourquoi tout le monde – sauf les pauvres et malheureuses populations locales prises au piège sur le champ de bataille – s’est senti soulagé, quand les hostilités sont retombées après les accords de Minsk.
Mais maintenant, la situation a changé. Et dramatiquement. Depuis 2014, jusqu’à il y a deux semaines, la ligne de démarcation était claire. Le régime kiévien était soutenu et renforcé par l’administration Obama à Washington. Et les rebelles d’ethnicité russe, contre lesquels ils luttaient, ont été appuyés par Moscou.
Tandis que l’ancien président américain considérait évidemment l’Ukraine comme un mal de tête inutile, il s'en est remis à des personnages puissants qui avaient des intérêts dans ce jeu. Comme Joe Biden, dont la famille avait des intérêts commerciaux, et comme Victoria Nuland, un idéologue qui a aidé à créer le mouvement de Maïdan et qui a choisi les dirigeants qui sont arrivés à Kiev.
Il y avait aussi un soutien bi-partisan de la part de gens comme John McCain et d'autres républicains, qui continuaient à adhérer aux principes de l’époque de Bush à l’égard de l’expansion de l’OTAN. Sans mentionner le «confinement» (containment) de la Russie et la volonté permanente d’empêcher tout rapprochement potentiel entre Moscou et les autres pays européens, notamment l’Allemagne, qui pourrait présenter une menace pour l’hégémonie des Etats-Unis dans la région.
Nouvelles idées
Mais maintenant, un nouveau shérif est arrivé dans la ville. Apparemment, c’est quelqu’un qui n’a pas de temps pour le consensus qui a dominé depuis 1945, à savoir, dire que «la Russie est utile uniquement si elle faible».
Aujourd’hui, du point de vue de Donald Trump, les menaces majeures pour la sécurité américaine n’émanent pas du Kremlin. Au lieu de cela, il y a le terrorisme islamique et la montée de la Chine. En plus, le nouveau président croit apparemment que la Russie peut être utile dans ces deux situations. Cela dit, Moscou qui a cultivé des relations étroites avec Pékin, ne vise qu’à coopérer dans le cadre de la première de ces missions.
Quand Trump a remporté la victoire, contre toute attente, c’était un désastre pour Kiev
En jetant de l’huile sur le feu, Donald Trump peut conduire ici une vendetta personnelle. Après tout, c’était une ingérence ukrainienne dans les élections de l’année passée, qui entraîné la chute de Paul Manafort, conseiller éminent. Et l’équipe de Petro Porochenko avait clairement énoncé ce qu’elle attendait de l'entrée d'Hillary Clinton à la Maison Blanche : qu'elle la finance durant les quatre années à venir. Quand Trump l’a battue, contre toute attente, cela a été un désastre pour Kiev.
Paul Simon chantonnait : «Bonjour obscurité, ma vieille amie, je suis venu te parler à nouveau.» Voilà à quoi ressemble la reprise de la violence en Ukraine. Parce qu’il n’y a rien à gagner. En bref, la Russie n’a pas de ressources, ni de volonté d’envahir ou de réprimer un pays entier. Et Kiev ne peut pas vaincre les rebelles d’origine ethnique russe dans l’Est, si Moscou ne décide pas de les abandonner. Ce qui est très peu probable.
Mais le problème maintenant, c’est que le régime de Petro Porochenko se sent coincé parce qu’il a peut-être perdu son sponsor principal à Washington. Les commentaires insipides dénués de réprobations arrogantes contre la Russie du département d'Etat sur la recrudescence de la violence [début février 2017] l'ont mis en évidence. En outre, le département d'Etat a également contredit les chiffres de Kiev sur le nombre de victimes.
Les alliés engagés ?
De plus, les pays d'Europe, à l'exception de la Suède, de la Pologne et des pays Baltes, ne se sont jamais trop intéressés à l’Ukraine. Personne ne peut démontrer qu'il y a eu un effort concerté pour la soutenir financièrement et on a compris que l’adhésion à l’UE ne s'est jamais retrouvée sur la table du plus pauvre – et probablement le plus corrompu – des Etat du continent. Au lieu de cela, les pays membres de l’UE ont obtenu des directives de Washington, mais ils ont exprimé sans entrain une solidarité limitée. Le meilleur exemple, c’est la tristement célèbre expression de Victoria Nuland [secrétaire d'Etat assistante pour l'Europe et l'Asie] «F**k the EU», qu’elle avait lancée à l’ancien ambassadeur américain, Geoff Pyatt. Ainsi, Kiev, a finalement atteint le stade où il n’y a rien à perdre. Et cela explique la soudaine escalade militaire. Petro Porochenko et les «bataillons de volontaires» ultranationalistes auxquels il doit se remettre, essaient de battre la noirceur jusqu’à ce qu’elle saigne de la lumière. Et c’est absolument inutile.
Les Russes ethniques n’ont rien à gagner d’une nouvelle offensive
Nous savons que le président ukrainien s'est rendu à Berlin pour négocier avec Angela Merkel. Des sources à Berlin supposent que la chancelière l'a vertement réprimandé concernant la corruption et qu'il a invoqué la reprise des hostilités très opportune comme excuse [Petro Poroshenko a interrompu son séjour pour rentrer à Kiev], afin d'éviter tout sermon prévu par les responsables allemands pour le second jour de sa visite .
Kiev est tombé tout de suite dans l’hystérie, en insistant sur le fait que les rebelles auraient lancé une espèce d’attaque contre leurs forces. Mais cela n’a aucun sens, car les Russes ethniques n’ont rien à gagner d’une nouvelle offensive.
Et personne ne croit que Moscou qui cherche les moyens d’établir de nouvelles relations avec l’Occident, consentirait à une provocation quelconque à ce moment précis.
Ce qui semble s’être passé, c’est qu’une avancée rampante de l’armée ukrainienne vers la ville d’Avdievka a eu lieu presque sans difficultés, jusqu’au moment où les insurgés l’ont interrompue, en répondant avec leur artillerie. Cela a fait un grand nombre de victimes.
Difficile à accepter
Comme les autorités de Kiev jouaient les victimes avec succès depuis 2014, elles ont immédiatement rejeté la faute sur les rebelles. Mais il était clair qu’ils criaient au loup ce qui allait se savoir peu de temps après, grâce aux déclarations tellement niaises du vice-ministre de la Défense, Igor Pavlovsky, qu'il est nécessaire de présenter des excuse personnes niaises.
«A partir d’aujourd’hui, malgré toutes les circonstances, mètre après mètre, pas à pas, autant que possible, nos garçons avançaient», a-t-il déclaré aux médias locaux. Et de cette façon, tout simplement, il a détruit toute la thèse défendue par Kiev. En démontrant, comment le régime avait provoqué l’escalade. Même les médias allemands l'ont vu. Le journal Süddeutsche Zeitung, considéré comme un journal sérieux et de l’establishment, a décrit comment Berlin se laissait aveugler par les larmes de crocodile de Kiev.
Petro Porochenko a reçu un coup de pied. Il a probablement perdu ses patrons américains et les Européens sont fatigués par son verbiage
Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, était d’accord. «Même la presse allemande partiale a reconnu que Petro Porochenko était derrière tout cela», a-t-il grommelé.
Pour sa part, Moscou est conséquente quant aux moyens de résoudre cette crise. Il faut mettre en œuvre les accords de Minsk, selon lesquels Kiev a consenti à accorder une semi-autonomie aux régions de Lougansk et de Donetsk, en échange du retour des territoires sous la juridiction de l’Ukraine après les élections. Le problème c’est que le régime – vulnérable aux nationalistes radicaux qui ont de plus en plus d’influence sur la police – ne peut pas appliquer ce qu’il a signé sans risquer de prendre un autre coup.
Petro Porochenko a reçu un coup de pied. Il a probablement perdu ses patrons américains et les Européens sont fatigués par son verbiage. En même temps, il ne peut pas parler avec Moscou, car ses propres partisans le lyncheraient. En fin de compte, Kiev a misé sur Hillary et a perdu.
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