2018, annus horribilis pour l'UE et ses partisans

2018, annus horribilis pour l'UE et ses partisans
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Le déclin d'Emmanuel Macron, la crise italienne ou encore l'essor des mouvements populistes... En 2018, les partisans du projet européen ont de quoi faire la grimace. Et pourtant, les anti-UE sont encore très loin de parvenir à leurs fins.

A bien des égards, l'année 2018 marquera une étape dans l'histoire de l'Union européenne. Non qu'elle ait été marquée par des bouleversements radicaux, comme l'a été l'année 2016 avec la victoire du «oui» lors du référendum sur le Brexit, ou qu'elle ait donné lieu à des modifications substantielles de la politique bruxelloise ; mais elle aura vu s'accélérer et s'approfondir les crises et les oppositions à un point tel que même les européistes les plus convaincus semblent désormais en proie au doute, à seulement quelques mois des élections européennes de 2019.

L'arrivée au pouvoir en France d'Emmanuel Macron en 2017 avait suscité un vent d'espoir chez les partisans d'une intégration européenne plus poussée. Célébrant sa victoire électorale au son de l'Ode à la joie de Beethoven, le nouveau chef de l'Etat avait clairement annoncé son ambition : relancer une UE moribonde depuis la crise grecque et le Brexit, notamment grâce au volontarisme et à l'optimisme politiques. La crise personnelle traversée par Angela Merkel dans son pays devait en outre lui dégager la voie vers un leadership européen sans autres prétendants crédibles. Las, l'affaire Benalla et la crise des Gilets jaunes auront ironiquement placé Emmanuel Macron face aux mêmes difficultés internes. Avec une cote de confiance à 21% en cette fin d'année, celui que l'on surnommait il y a peu encore Jupiter semble désormais marcher dans les pas de François Hollande. 

Or, cet affaiblissement d'Emmanuel Macron provoque incidemment l’affaiblissement de ceux qui voyaient en lui un (ultime) rempart contre les «populismes» triomphants en Europe – un rôle que le président français a lui-même voulu assumer. En août dernier, alors que le Premier ministre hongrois Viktor Orban et le ministre de l'Intérieur italien Matteo Salvini l'avaient désigné comme leur opposant principal sur la scène européenne, Emmanuel Macron avait en effet accepté sa fonction avec honneur : «S'ils ont voulu voir en ma personne leur opposant principal, ils ont raison.» En adoptant une stratégie qui consiste à réduire le débat à une opposition entre les «pro-UE» et les «anti-UE», polarisation chère aux seconds mais que les premiers avaient toujours rejetée au nom du caractère non-négociable du projet européen, le chef de l'Etat français a en grande partie conditionné l'issue des européennes à ses propres succès politiques... et donc aussi à ses déboires. 

La crise italienne : un révélateur des rapports de force

Pour autant, l'effondrement de la cote de confiance d'Emmanuel Macron auprès des Français est loin d'expliquer à lui seul la posture plus que délicate dans laquelle se trouvent les partisans de l'UE à la veille des élections européennes. Anciens et profonds, les dysfonctionnements de l'idée européenne telle qu'elle est appliquée depuis au moins 2008 et l'adoption du traité de Lisbonne, ont été cruellement mis au jour en mars dernier, lors des élections générales italiennes. Pour la première fois, un gouvernement ouvertement hostile à Bruxelles remportait une élection nationale dans l'un des grands Etats de l'UE, membre fondateur qui plus est. Pour la première fois, l'UE a semblé vouloir assumer frontalement l'application de l'adage formulé par Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne : «Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens.»

En effet, entre le résultat du vote, à teneur fortement anti-européenne, et les engagements antérieurs de la République italienne, dont le président Sergio Mattarella a subitement voulu se faire le garant zélé, l'incompatibilité était manifeste. La crise politique qui a suivi n'a fait que rappeler la tension existant, depuis le «non» au référendum de 2005, entre un projet européen parfois développé à marche forcée et la défiance des électeurs européens. Il ne s'agissait plus cette fois d'un référendum, mais bel et bien d'une élection. Le passage en force ne pouvait donc être déguisé : il fallait autoriser ou interdire le verdict des urnes. Bruxelles a d'ailleurs tenté le coup, en cherchant à imposer son propre chef de gouvernement.

Mais ce que l'épisode italien du printemps aura surtout permis d'observer, c'est la mesure dont la Commission européenne aura finalement fait preuve, en acceptant de laisser la Ligue et le Mouvement 5 étoiles diriger l'Italie ensemble. Cette décision témoigne de la prudence qui semble désormais de mise au sommet de l'UE : elle fournit la preuve que la marge de manœuvre, en contexte de crise, est plus restreinte. Bien sûr, le gouvernement italien a dû donner des gages, et l'UE, de son côté, ne se prive pas de lui mettre des bâtons dans les roues, comme en témoigne le bras de fer autour du déficit budgétaire. Mais Rome a démontré que, fort d'un soutien populaire, un gouvernement national pouvait encore tenir tête aux instances supranationales européennes. Un tel tour de force aurait-il été possible il y a quelques années ? Rien n'est moins certain...

L'impossible émergence d'un front anti-UE

L'UE s'apprêterait-elle à affronter un «réveil des peuples», exacerbé par des thématiques qui touchent au quotidien des citoyens, comme l'immigration ou le pouvoir d'achat ? C'est ce que veulent croire ceux qui, de Marine Le Pen à Viktor Orban en passant par Matteo Salvini ou Sebastian Kurz, le chancelier autrichien, comptent sur les prochaines élections européennes pour s'imposer sur la scène politique nationale de leurs pays. Tel est d'ailleurs la difficulté de la situation dans laquelle ils se trouvent : coordonner des oppositions n'est pas chose simple. Et malgré les symboles de rapprochements sporadiques, comme la rencontre entre Marine Le Pen et Matteo Salvini en octobre dernier, ou les rumeurs autour du rôle de Steve Bannon dans sa création, un réel front anti-UE peine à naître.

Tout d'abord parce que, derrière des objectifs communs, les positions divergent. Le discours économique de Viktor Orban, désireux d'augmenter la participation de son pays au budget de l'UE, est à l'opposé de celui de Matteo Salvini, qui souhaite au contraire réduire celle de son pays. Ensuite parce que chaque formation politique obéit à des stratégies différentes selon le contexte : Sebastian Kurz dirige son pays et son parti forme des alliances depuis plusieurs décennies avec d'autres partis autrichiens, quand Marine Le Pen peine à accéder au pouvoir malgré la dédiabolisation du Rassemblement national (RN). Rien qu'en France, les formations politiques développant un discours hostile ou critique à l'égard de l'UE sont encore très loin de s'entendre, même ponctuellement, pour s'allier lors des élections européennes, et privilégient la concurrence à toute alliance.

Selon plusieurs sondages, le Parti populaire européen (auquel sont rattachés Les Républicains, mais aussi le Fidesz de Viktor Orban) et le Parti socialiste européen (auquel est rattaché le Parti socialiste) devraient arriver tous deux largement en tête lors des prochaines élections européennes. L'équilibre des forces au Parlement européen ne devrait donc pas bouger, et ce malgré les dynamiques observées localement. L'effondrement du Parti socialiste (PS) lui garantira donc toujours une place au sein de la majorité européenne, quand la percée de La République en marche (LREM) ces deux dernières années ne devrait pas permettre aux libéraux européens d'espérer autre chose qu'une maigre troisième place.

La stabilité des institutions politiques européennes semble ainsi garantir une relative imperméabilité du Parlement aux rebondissements nationaux. Cela explique en grande partie que, même affaibli, le camp des européistes ne devrait être que peu ébranlé au niveau européen et que, même renforcés, les eurosceptiques ne devraient pas pour autant parvenir à s'imposer à Strasbourg. Loin d'être un paradoxe, ce constat démontre plus que jamais que l'histoire de l'UE ne s'écrit pas tant au sein de ses institutions qu'à l'extérieur et que son avenir dépend moins d'elle-même que de ses Etats membres. A ce titre, parce qu'ils en sont réduits à chercher des contre-arguments dans un débat dont ils ne maîtrisent plus les contours, les partisans de l'intégration européenne ont perdu une manche décisive. 

Hadrien Galassier

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