Référendum de 2005 : 13 ans après le «non» français, l'UE toujours en délicatesse avec la démocratie

Référendum de 2005 : 13 ans après le «non» français, l'UE toujours en délicatesse avec la démocratie
Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et Angela Merkel en octobre 2017, photo ©Dario Pignatelli/Reuters
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En 2005, prenant à contre-pied les élites et les médias, les Français refusaient le traité de Constitution européenne. Depuis, les peuples qui ont voté à l'encontre des préconisations européennes ont vu leurs espoirs quelque peu douchés.

La construction européenne est-elle à ce point nécessaire qu'elle nécessite de passer outre les processus électoraux et les référendums ?

Le 29 mai 2005, les Français disaient «non», malgré un battage médiatique en faveur du «oui», à près de 54,7%. Infligeant un camouflet cinglant aux élites et aux promoteurs de la construction européenne, le corps électoral français refusait d'approuver le traité instituant une Constitution pour l'Europe, le traité de Rome II, signé par les Etats membres de l'Union européenne (UE) un an plus tôt. 

La désillusion des supranationalistes européens devait encore se renforcer trois jours plus tard, alors que les Néerlandais rejetaient à leur tour le traité constitutionnel, le 1er juin 2005. Un coup de tonnerre dans le ciel bleu de l'idéal européen, trois ans seulement après l'introduction de l'euro, la monnaie unique.

Et pourtant, chassé par la grande porte du suffrage universel, le projet devait revenir par la fenêtre, un peu plus de deux ans plus tard, avec le Traité de Lisbonne, sous une forme certes édulcorée, mais dont les visées supranationales étaient intactes. Cette séquence, refus du traité de Rome-ratification du traité de Lisbonne, continue de produire ses effets, confrontant les partisans d'une construction européenne, si besoin à marche forcée, à des peuples souvent réticents.

13 ans après, il apparaît que le refus de la France – ou plus exactement de ses citoyens, fut révélateur de la ligne de fracture entre représentants politiques, quasi-unanimes, et corps électoral.

La Grèce : un référendum annulé, un autre renié

En 2011, la Grèce, empêtrée dans la crise de la dette souveraine, devait ainsi se plier aux exigences de la «troïka», expression recouvrant le trio formé par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international (FMI). Sous la pression des dirigeants européens, et notamment, de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, le Premier ministre grec Georges Papandréou, pourtant arrivé au pouvoir démocratiquement à la suite des élections législatives de 2009, devait renoncer à consulter ses citoyens sur la pertinence d'un plan d'austérité imposé par l'Europe. Il démissionnera même peu après.

Cette réticence des dirigeants européen pour les référendums, nourrie par l'épisode français de 2005, devait se confirmer par la suite, et de façon de plus en plus ouverte et franche. En 2015, alors que la Grèce continuait sa descente aux enfers économiques, Alexis Tsipras, fort des espoirs des Grecs et de la victoire de son parti Syriza aux législatives en janvier 2015, essayait à son tour de se mesurer à Bruxelles. Elu en janvier 2015, le leader de Syriza avait fait campagne autour d'un retour de la souveraineté grecque et fait preuve par la suite de résistance dans les négociations avec l'Eurogroupe.

Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens déjà ratifiés

Coincé dans les négociations, l'exécutif grec avait ainsi alors joué son va-tout, convoquant son peuple contre Bruxelles et la troïka. Cette fois aussi, malgré plus de 61% de «non» contre les nouvelles mesures de rigueur exigées par les créanciers constitués par la Troïka, Alexis Tsipras devait renier les promesses faites à ses électeurs et accepter les conditions de Bruxelles. A rebours du programme qu'il portait en 2015, pressé de réformer le pays, Alexis Tsipras préconise désormais une restriction du droit de grève.

Après la victoire de Syriza, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait prévenu. «Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens déjà ratifiés», avait-il alors lancé sans ambages.

L'UE contre les urnes ?

Malgré une situation économique florissante, les Pays-Bas se heurtent eux aussi à l'Union européenne, alors que les électeurs néerlandais votent par référendum contre l'accord d'association avec l'Ukraine. En juillet 2017, le Conseil de l'UE tranche, après le feu vert du Parlement néerlandais, en dépit du résultat du référendum : l'accord d'association entre l'Union et l'Ukraine est finalement adopté.

Dans cette longue liste d'exemples, où pourrait aussi notamment figurer la Hongrie de Viktor Orban, le référendum sur le Brexit tient une place à part, puisqu'il s'agit, en l'espèce, de la sortie de l'Union européenne d'un pays membre majeur : le Royaume-Uni. Et là aussi, depuis juin 2016, Bruxelles livre une guerre de tranchée visant à rendre la sortie du Royaume-Uni si ce n'est impossible, du moins la plus douloureuse possible.

Dernier épisode en date suggérant une intrusion de l'Union européenne dans les affaires démocratique nationales : le 27 mai dernier, le président de la République italienne Sergio Mattarella rejetait la composition du gouvernement proposée par Giuseppe Conte, au motif de la présence d'un ministre des Finances ouvertement eurosceptique. Giuseppe Conte donnait dans la foulée sa démission, renonçant ainsi à devenir Premier ministre pour être remplacé par le président italien par un technicien, Carlo Cottarelli, ancien haut responsable du FMI. Et pourtant, Giuseppe Conte, malgré les subtilités complexes de la Constitution italienne, tenait sa légitimité des hauts scores aux élections législatives des partis Mouvement 5 étoiles et Lega, qui ont décidé de former coalition.

Déjà dans les derniers jours de la campagne des élections législatives, Bruxelles s'affairait en coulisses, pressentant le résultat.

Pour les Italiens, le choix d'un gouvernement «technique» a un air de déjà vu. En 2011, sur fond de contestation contre l'Union européenne, Silvio Berlusconi était poussé par Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel sans ménagement vers la sortie, pour être remplacé par le gouvernement technique de Mario Monti... avec à la clé une mise sous tutelle économique de l'Italie.

En 2018, la posture des dirigeants européens n'a semble-t-il pas varié. Ce 28 mai, Emmanuel Macron n'a ainsi pas hésité entre résultat des urnes et un projet européen qui lui tient à cœur. «Je redis mon amitié et mon soutien au président Mattarella qui a une tâche essentielle à mener, celle de la stabilité institutionnelle et démocratique de son pays, ce qu'il fait avec beaucoup de courage et un grand esprit de responsabilité», a-t-il déclaré... invoquant la «démocratie».

Alexandre Keller

Lire aussi : Eurosceptique chassé du gouvernement italien : FN et LFI déplorent une atteinte à la démocratie

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