L'annonce du possible décès du chef de l'Etat islamique lors de bombardements russes s'avère pour le général Etienne Copel «hautement probable» tant l'organisation terroriste est encerclée de toute part et ne peut éviter «son déclin».
RT France : La Défense russe a annoncé que le chef de Daesh Abou Bakr al-Baghdadi aurait été tué lors d'un de ses bombardements le 28 mai dernier. Si cette information se révélait exacte, quelles en seraient les conséquences pour l'organisation terroriste ?
Etienne Copel (E. C.) : Cet épisode, s'il s'avère vrai, était prévisible. En Syrie, l'Etat islamique est totalement encerclé et a perdu tout contact avec l'extérieur. Il n'a plus de frontière avec la Turquie. Ses camions et ses trafics – de pétrole, d'armes, etc. – ont été totalement bloqués. Daesh est désormais complètement isolé. Même avec des millions et des millions de tonnes d'or ou des milliards de dollars, lorsqu'on est encerclé ainsi, on ne peut éviter des problèmes majeurs et les pertes des leaders. C'est pour cela qu'a priori, l'annonce de la mort d'Abou Bakr al-Baghdadi paraît hautement probable. Il est néanmoins possible qu'il ait pu fuir et se soit réfugié en Afghanistan par exemple où un nouveau front semble s'ouvrir.
Moscou, en tant qu'allié de Bachar el-Assad, tient beaucoup à ce que Raqqa ne tombe pas exclusivement entre les mains des Kurdes
La question que se posent certains observateurs est de savoir pourquoi les Russes auraient bombardé cette zone. Je crois que Moscou, en tant qu'allié de Bachar el-Assad, tient beaucoup à ce que Raqqa ne tombe pas exclusivement entre les mains des Kurdes. Les forces kurdes sont en effet les plus actives dans cette bataille et je ne crois pas que cela soit considéré comme dans l'intérêt du régime syrien qu'elles soient les uniques forces libératrices de cette zone. Jusqu'à présent, les Russes ont plutôt eu tendance à frapper les positions de l'armée syrienne libre. Aujourd'hui, les positions de Daesh semblent être devenues leur priorité.
RT France : Comme vous le soulignez, la Russie a souvent été accusée par la coalition internationale de ne pas bombarder les positions de Daesh en Syrie. Si cette annonce se révélait juste, mettrait-elle fin à ces accusations et permettrait-elle une collaboration plus étroite dans la lutte contre le terrorisme ?
E. C. : Probablement un petit peu. L'opinion internationale prendra conscience que les Russes peuvent être un allié dans la lutte contre le terrorisme et contre Daesh. A priori, on peut dire que cela pourrait servir Vladimir Poutine en montrant que son armée est un acteur essentiel en Syrie. La Russie n'est néanmoins pas le seul pays a y être actif : l'Iran l'est aussi et tout comme les forces kurdes, qui avec leurs excellents combattants se montrent aujourd'hui les plus efficaces sur le terrain dans la lutte contre Daesh notamment dans les combats pour reprendre à Raqqa.
Le retour ne sera pas facile pour les combattants étrangers venus en Irak et en Syrie. Il leur faudra passer les frontières et tous leurs contrôles, échapper à l'ensemble des services de renseignement
RT France : Au début de l'offensive sur Mossoul, Abou Bakr al-Baghdadi avait demandé à ses combattants de fuir l'Irak, de rejoindre leurs pays d'origine et d'y poursuivre là-bas leur lutte. Doit-on s'attendre, selon vous, à un retour massif des djihadistes étrangers et à une recrudescence d'attentats ?
E. C. : Fort heureusement, le retour ne sera pas facile pour les combattants étrangers venus en Irak et en Syrie. Il leur faudra passer les frontières et tous les contrôles, échapper à l'ensemble des services de renseignement... Ainsi s'il est évident qu'un certain nombre de combattants auront envie de revenir dans leur pays et d'y continuer le combat, il est bien moins sûr qu'ils y arriveront facilement.
Des systèmes de filtres sont mis en place pour faire en sorte que tous les civils qui sortent de Raqqa soient très longuement interrogés afin de repérer parmi eux les djihadistes, membres et sympathisants de Daesh. Bien sûr, certaines personnes arriveront à passer au travers de ces vérifications, mais leur voyage retour ne sera pas forcément aisé.
Tant qu'un groupe va vers la victoire, il est attirant, quand les défaites s'accumulent le phénomène s'inverse
De plus, il faut prendre en compte l'idée qu'entre les défaites sur le terrain et la possible mort d'Abou Bakr al-Baghdadi, Daesh devient de moins en moins attractif. Les recrues potentielles extérieures excitées par le discours guerrier de l'Etat islamique seront de moins en moins nombreuses à vouloir rejoindre le combat. Il faut comprendre que tant qu'un groupe va vers la victoire, il est attirant. Quand les défaites s'accumulent, le phénomène s'inverse. Or, l'Etat islamique est en train de perdre sur tous les tableaux en Irak et en Syrie. Le pic de cette organisation est passé, elle va désormais vers son déclin.
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