Kerry à la TV russe : «Washington ne cherche pas à changer le gouvernement, mais Assad doit partir»
Le président syrien «aimante les terroristes», principale raison pour laquelle il ne peut pas rester au pouvoir dans le pays, a estimé le secrétaire d’Etat américain John Kerry lors de sa visite à Moscou ce samedi.
«Nous n’essayons pas de changer le gouvernement. Nous ne sommes pas impliqués dans une révolution de couleur. Nous ne nous immisçons pas dans les affaires d’un autre pays… Nous cherchons à obtenir la paix», a souligné le chef de la diplomatie américaine lors d’une interview qu’il a eu le temps d’accorder à la chaîne Rossiya 24, entre les rencontres avec son homologue russe Serguei Lavrov et le dirigeant russe Vladimir Poutine.
Il est très important pour le peuple russe de comprendre l’approche américaine à la crise syrienne, a remarqué Kerry, en notant en même temps que la position de Washington sur ce sujet restait inchangée.
«Nous ne sommes pas capables d’arrêter cette guerre», estime le diplomate américain. «La Russie ne peut pas arrêter cette guerre tant que Bachar el-Assad reste au pouvoir. Assad aimante les rebelles étrangers. Assad est un aimant à terroristes, parce qu’ils viennent en Syrie pour se battre contre lui en personne», a déclaré John Kerry.
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«Donc, si vous voulez arrêter la guerre en Syrie, et nous le voulons nous aussi, si vous voulez combattre Daesh et arrêter la prolifération du terrorisme, vous devez résoudre le problème de la présence d’Assad au pouvoir. Cela ne veut pas dire que nous voulons changer tous les partis au pouvoir. Nous ne voulons pas de ça», a ajouté le diplomate, en tentant d’éclaircir la position des Etats-Unis sur la question.
Le secrétaire d’Etat a également expliqué qu’il n’excluait pas la possibilité que les forces gouvernementales syriennes soient perçues par Washington comme une partie acceptable de l’opération contre les terroristes de Daesh.
«Absolument», a-t-il répondu lors de la discussion sur ce sujet, mais uniquement sous certaines conditions : «en cas de processus de transition légitime, appelé par le communiqué de Genève, et en cas de présence d’un gouvernement de transition qui comprendrait aussi des forces d’opposition, et aussi, la résolution de la question d’Assad dans le cadre de ce processus».
«Dans de telles circonstances, il devient tout à fait possible d’envisager l’armée syrienne lutter contre Daesh aux côtés de l’opposition, à conditions qu’Assad disparaisse sur le long terme», a estimé le diplomate américain.
«Ne pas assurer une transition politique en Syrie était une faute»
En abordant le sujet du conflit qui continue toujours en Libye depuis que la campagne aérienne de l’OTAN a aidé les rebelles à évincer Mouammar Kadhafi en 2011, John Kerry a insisté que la meilleure chose à faire était de destituer le dirigeant.
Cependant, le secrétaire d’Etat a remarqué que «ne pas en avoir assez fait pour s’assurer qu’auront lieu la transition politique et la composition du gouvernement légitime, ça c’était une faute» de la part des Etats-Unis et de leurs alliés.
Comme le rapporte le responsable, «la plupart des Libyens des deux côtés se réunissent actuellement pour former leur gouvernement et nous sommes prêts à leur prêter main forte dans l’espoir d’apaiser la situation en Libye. Et cela nous permettra de diriger nos forces contre le terrorisme».
«Pas de détails sur le SU-24 russe abattu par la Turquie»
Kerry a refusé de répondre à la question de savoir si Washington a informé Ankara sur les déplacements de l’aviation russe en Syrie avant l’incident avec l’avion russe abattu par l’armée turque le 24 novembre.
«La Russie et les Etats-Unis se sont mis d’accord sur la coordination de leur campagnes respectives. Nous partageons l’information quant à l’entrée dans la partie ouest de l’espace aérien de la Syrie pour la lutte contre Daesh. L’espace aérien turc, quant à lui, est contrôlé par la Turquie», a souligné le diplomate.
Alors qu’Ankara insiste que l’avion russe a violé l’espace aérien turc pour 17 secondes, Moscou, Damas et le pilote survivant de l’avion abattu démentent qu’une quelconque violation ait eu lieu. Kerry, de son côté, a indiqué que la Maison Blanche ne disposait pas de détails concernant cet incident.
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«Nous avons certains indices à ce sujet grâce à nos radars et nous avons une certaine idée de ce qu’il s’est passé mais je pense que le processus formel et l’échange d’informations continuent et je ne voudrais pas commenter personnellement les conclusions, sans en avoir les données précises», a remarqué le secrétaire d’Etat.
«Washington continuera de pousser Kiev à respecter les accords de Minsk»
Les Etats-Unis et la Russie doivent résoudre le problème ukrainien, a déclaré le diplomate, en ajoutant que Washington «ne cherche pas de confrontation» sur ce sujet.
«A New York, j’ai été témoin de la rencontre des présidents Poutine et Obama. Le président Obama a alors regardé le président Poutine et lui a dit directement «Vladimir, terminons cela. Cessons le conflit autour de l’Ukraine. Aide-nous à résoudre ça, en appliquant les accords de Minsk»», a raconté John Kerry.
«Nous allons bien entendu continuer à faire pression sur les autorités ukrainiennes. Ils ont des engagements et ils doivent les respecter», a-t-il aussitôt souligné, en appelant en même temps Moscou à «exercer la très importante influence dont elle dispose sur les séparatistes et s’assurer qu’ils respectent les accords de Minsk».
«Les Etats-Unis souhaitent voir une Russie forte qui contribuerait à la résolution des conflits internationaux»
Kerry s’est également vu solliciter un commentaire concernant l’intervention d’Obama à l’Assemblée générale de l’ONU en septembre, où il a évoqué la Russie, l’Etat islamique et le virus d’Ebola comme trois menaces principales à la sécurité des Etats-Unis.
«En fait, le président ne les a pas tous mis dans le même panier. Il a évoqué les différents défis auxquels nous sommes confrontés. Et à l’époque, la crise ukrainienne était le principal problème. Mais depuis, nous avons considérablement avancé et voilà, je suis à Moscou», a expliqué le responsable.
D’après Kerry, sa seconde visite en Russie en l’espace d’une année «reflète le fait que malgré nos désaccords, la Russie et les Etats-Unis sont capables et désirent travailler ensemble de manière efficace».
«Je suis venu ici pour discuter de la Syrie avec Poutine et de la nécessité de nos actions communes pour la stabilisation de la situation dans ce pays. Il faut essayer d’établir la paix, qui permettrait de préserver l’intégrité de la Syrie, et ce qui est le plus important, d’éradiquer Daesh. Cette organisation terroriste est une menace pour nous tous. Nous avons un intérêt commun et nous devons travailler ensemble», a noté le diplomate, en évoquant la conclusion de l’accord sur le nucléaire iranien et du traité lors de la conférence sur le climat à Paris comme des exemples de coopération fructueuse entre Washington et Moscou.
«Nous désirons être liés à la Russie par des relations normales, nous désirons voir une Russie forte et puissante, qui contribuerait à la résolution des conflits sur la scène internationale, puisque nous avons suffisamment de défis», a déclaré John Kerry.