Après l'attaque perpétrée contre six soldats à Levallois-Perret, l'élu et ancien commandant de gendarmerie Benoît Kandel fustige la passivité et le manque de stratégie des politiques, qui rendent la France «de plus en plus faible face au terrorisme».
RT France : Six soldats ont été attaqués à Levallois-Perret au matin du 9 août. Quel sentiment vous laisse cette nouvelle attaque contre les forces de l'ordre ?
Benoît Kandel (B. K.) : Il va falloir attendre un peu pour connaître le profil de l'assaillant, mais tout porte à croire qu'il s’agissait de quelqu'un de motivé par des idées terroristes. On va encore nous expliquer qu'il s'agit de quelqu'un de dément, mais on voit finalement que ces attaques se répètent contre nos forces de police et nos militaires. Tout cela est insupportable.
Ce qui est choquant reste que le gouvernement leur en demande énormément et que dans le même temps, il diminue fortement les crédits budgétaires alloués aux armées
RT France : Selon le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, cette attaque est la sixième menée contre des militaires de l'opération Sentinelle depuis les attentats de 2015. Entre cette menace et l'épuisement lié à cette opération, les soldats français ont-ils encore les moyens de protéger la population ?
B. K. : Oui, les soldats sont formés pour avoir un moral exemplaire et faire face au danger et au combat. Ce qui est choquant reste que le gouvernement leur en demande énormément et que dans le même temps, il diminue fortement les crédits budgétaires alloués aux armées, sans prendre aucune disposition pour lutter contre les flux migratoires illégaux qui alimentent, directement ou indirectement, le terrorisme.
L'opération Sentinelle est quasiment une opération de communication, qui vise à rassurer la population
RT France : Ces attaques récurrentes contre les militaires remettent elles en question l'opération Sentinelle ?
B. K. : L'opération Sentinelle n'a pas pour objectif de lutter contre le terrorisme, mais de rassurer les Français. Il ne s'agit pas de mesures très efficaces contre les terroristes eux-mêmes. Il faut combattre ces derniers avec des opérations de renseignement et de police, avec des actions offensives sur les foyers identifiés comme terroristes. L'opération Sentinelle est quasiment une opération de communication, qui vise à rassurer la population. En cela, elle est assez critiquable car elle coûte très cher aux armées et mobilise beaucoup de militaires pour un résultat très minime. On voit bien que les militaires, au lieu d'être des combattants des terroristes, sont devenus la cible de ces derniers. Ils ne sont d'ailleurs pas les seuls visés : la police, la police municipale, ainsi que les gendarmes sont également pris pour cible. Tous les représentants de l'Etat en général sont visés par les terroristes. Ce qui me désespère, c'est qu'on ne voit pas vraiment de stratégie globale visant à contrer cette menace terroriste. Selon moi, on devrait commencer par mener le combat sur le plan idéologique. Or, il n'est pas mené contre le salafisme ni le wahhabisme.
Cette passivité [des gouvernants] fait que nous sommes de plus en plus faibles face aux terroristes
RT France : Comment expliquez-vous que les forces de l'ordre soient devenues des cibles privilégiées ?
B. K. : C'est parce que la stratégie globale de nos gouvernants est une stratégie de défense, alors qu'on devrait être à l'offensive. Quand vous êtes menacés aussi gravement, il ne faut pas attendre de prendre des coups, il faut organiser les choses de manière à détruire l'ennemi là où il se trouve. Le détruire autant physiquement qu'idéologiquement. Aujourd'hui, on reste trop passif, on attend de voir où se produira la prochaine attaque. C'est cette passivité qui fait finalement que nous sommes de plus en plus faibles face aux terroristes.
RT France : Pensez-vous que la loi de sécurité en préparation mettra fin à cette passivité que vous décriez ?
B. K. : Aujourd'hui, la seule stratégie que l'on voit consiste à attendre et tenter de limiter l'impact de la prochaine attaque, mais certainement pas à passer à l'offensive. C’est vrai aussi dans notre manière de concevoir la politique étrangère. On a des dispositions qui me paraissent inutilement agressives à l'égard de la Russie, mais on continue d'avoir des relations privilégiées avec l'Arabie saoudite. Or, tout le monde sait que la Russie ne représente pas une menace directe, alors que le wahhabisme et le salafisme, qui ont pour origine l'Arabie saoudite, constituent, eux, un véritable danger pour notre pays. On se trompe d'adversaire et d'ennemi.
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