«Il semble qu’il y ait une telle crainte des médias, un tel souci du politiquement et du bourgeoisement corrects chez nos décideurs, qu’ils estiment impossible de prendre des mesures fortes», estime l'analyste Philippe Migault.
Le décret signé par Donald Trump, interdisant pour des raisons de sécurité l’entrée du territoire des Etats-Unis aux citoyens de sept Etats musulmans d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient pour 90 jours, a déclenché une tempête de protestations. Les Etats concernés par cette mesure l’ont, bien entendu, vivement condamné. Mais ce sont surtout les nations visées par ce terrorisme islamiste qui se sont le plus indignées. Sans que cela, pourtant, ne soit en rien paradoxal.
Rien de surprenant en ce qui concerne les Etats-Unis. Ainsi, une fraction de la population, essentiellement constituée d’activistes appuyés par les médias anti-Trump, est engagée depuis l’élection de ce dernier dans un troisième tour permanent. Ils ne refusent pas seulement ce décret. C’est tout le package Trump qu’ils rejettent, rêvant de poursuivre la mobilisation jusqu’à une hypothétique procédure d’impeachment du président américain.
Dans la plupart des rédactions on préférera toujours le consensus mou de Macron aux accents volontaristes de Fillon. A fortiori de Trump
Réaction logique, également, d’une partie de la population française. Engagés dans une campagne présidentielle dont l’identité nationale est l’un des enjeux principaux, les Français sont de plus en plus conduits à se déterminer par rapport à l’Islam. Les uns le perçoivent comme une idéologie allogène, menaçante pour la France. Les autres estiment qu’il n’est qu’une expression de spiritualité comme une autre, parfaitement intégrable au sein de la République. Un clivage qui s’apparente à une ligne de fracture de plus en plus profonde et suscitant des réactions de plus en plus passionnelles. En clair, que l’on penche d’un côté ou de l’autre, on s’inscrit soit dans le camp des conservateurs, des réactionnaires, bref des racistes, soit dans celui des héritiers des Lumières, du progressisme et de l’amour partagé au sein du village global. Dans ce cadre il est logique que la majorité de la presse française soit vent debout contre la mesure de Trump. Très majoritairement ancrés à gauche, nos médias estiment que combattre le Président américain, c’est aussi lutter contre la fraction de l’électorat français rêvant d’un protectionnisme protégeant ses emplois, aspirant à donner la priorité aux intérêts de la nation, non à la construction «européenne», estimant que sa sécurité passe avant la soi-disant «vocation de la France, terre d’asile». Dans la plupart des rédactions on préférera toujours le consensus mou de Macron, pour lequel on fait campagne, aux accents volontaristes de Fillon. A fortiori de Trump.
Il suffit pourtant d’observer ce courant d’indignation pour en saisir le caractère angélique, naïf et fréquemment cynique.
Naïveté et cynisme en premier lieu des contestataires américains.
Les indignés clamant leur humanisme font rarement le tri entre le bon grain et l’ivraie lorsqu’il s’agit de lutte anti-terroriste
On entend très peu ces derniers argumenter, s’étonner que les Etats musulmans visés ne soient même pas nécessairement les bons, opposer à Trump des objections fondées sur l’analyse. Il est vrai que les indignés clamant leur humanisme, appelant comme Justin Trudeau à répondre à la haine «par l’amour et la compassion», font rarement le tri entre le bon grain et l’ivraie lorsqu’il s’agit de lutte anti-terroriste.
Pourtant que nul ne relève que le terrorisme chiite a cessé depuis longtemps de viser les intérêts «occidentaux» et que l’Iran – auquel Donald Trump s’en est pris à de nombreuses reprises lors de la campagne présidentielle – n’a rien à faire sur cette liste, laisse songeur. Réflexe conditionné des années Bush, classant les Iraniens au sein d’un «axe du mal» auquel une majorité d’Américains croit encore ?
Nul ne s’étonne non plus, ou presque, que les Etats les plus engagés en faveur du terrorisme wahhabite ne soient pas concernés par le décret. Saoudiens, Qataris, Pakistanais…tous financent les mouvements islamistes les plus radicaux. Pourquoi ne sont-ils pas sur la liste ? Quinze des dix-neuf auteurs des attentats du 11 septembre 2001 étaient Saoudiens. L’Arabie Saoudite devrait être la première visée. Les déclarations de Trump, qui prétend qu’il souhaite éradiquer l’Islam radical, laissent à penser qu’il est décidé à faire la guerre, sans retenue, dans la tradition américaine, celle de l’écrasement de l’adversaire. US : Cela signifie aussi Unconditional Surrender, capitulation sans conditions, selon la formule du Président Grant. Mais dans les faits, en refusant de s’en prendre aux monarchies pétrolières du Golfe, Trump se comporte comme un homme qui aurait voulu écraser le nazisme sans s’en prendre à l’Allemagne. Qui relève ce manque de cohérence outre-Atlantique ? Personne. Car d’Obama, qui a toujours refusé de s’opposer à Riyad, à son successeur, une logique prévaut : «Oil first !» L’indignation a ses limites, celles du cynisme. Le volontarisme patriotique de Trump doit être estimé à cette aune comme celui de ses compatriotes…
Qui s’élève aujourd’hui, aux Etats-Unis, contre une décision n’impactant pas directement les citoyens ? Une minorité
Nombre d’Américains ont, par ailleurs, protesté sous l’administration Bush contre le Patriot Act restreignant leurs libertés. Mais pas la majorité de la population. Or qui s’élève aujourd’hui, aux Etats-Unis, contre une décision n’impactant pas directement les citoyens ? Une minorité. Et qui se souvient des précédentes mesures analogues prises par les prédécesseurs de Trump ? Qui les condamne ? Personne. Selon que vous soyez Républicain ou Démocrate…Cynisme, là encore.
Angélisme aussi de bien des Français vis-à-vis de Trump et de ce décret. Le terrorisme islamiste a tué 241 innocents en France depuis 2012. On ne cesse de nous répéter que «nous sommes en guerre». En «guerre» ? Vraiment ? Ou bien s’agit-il d’une aimable posture, à l’image de l’opération Sentinelle, pour jouer aux matamores et aux chefs de guerre vis-à-vis d’une opinion publique française se détournant de plus en plus de ses «élites» politiques ? Car disons les choses telles qu’elles sont, si nous sommes en guerre, nous devons agir en conséquence pour protéger au mieux nos concitoyens. Et cela passe, notamment, par un contrôle extrêmement renforcé des flux migratoires, par le refoulement sans états d’âmes des suspects ; par ce que préconise, peu ou prou, Trump.
Certes cela ne permettrait pas d’éradiquer le terrorisme. La majorité des terroristes ayant frappé en France depuis une trentaine d’années sont des enfants de «réfugiés économiques» nés dans l’hexagone, dotés de la nationalité française. Mais cela permettrait, du moins, d’empêcher de nuire ceux qui se glissent parmi l’actuel afflux de réfugiés, comme l’ont fait Ammar Ramadan Mansour Mohamad al Sabbawi et Mohammad Al Mahmod, deux des kamikazes de l’Etat Islamique ayant frappé au Stade de France le 13 novembre 2015 après être entrés en Europe via le camp de migrants de Délos.
Certes cela engendrerait aussi, nécessairement, des injustices. En France comme aux Etats-Unis, des résidents, ou des citoyens porteurs d’une double nationalité posant problème, pourraient se voir temporairement privés, à tort, de l’accès au territoire, à leurs familles, à leur travail. Mais le destin des victimes de Nice ou du Bataclan, des victimes passées ou futures du terrorisme, est bien plus injuste encore.
Il semble qu’il y ait une telle crainte des médias, un tel souci du politiquement et du bourgeoisement corrects chez nos décideurs, qu’ils estiment impossible de prendre des mesures fortes
Enfin, il existe un principe, inscrit dans la constitution française, le principe de précaution. Evoqué à tout bout de champ, à tort ou à raison, pour interdire Paris aux automobilistes, fermer Fessenheim, bannir les OGM ou le poulet aux hormones américain, il n’est étrangement évoqué par aucun de nos hommes politiques en matière de lutte anti-terroriste. Ceux-ci, si soucieux, habituellement, de s’abriter derrière lui pour ne surtout prendre aucun risque et limiter les libertés, devraient pourtant l’évoquer dans un champ d’action, celui de la sécurité, dont il constitue l’impératif majeur. Mais il semble qu’il y ait une telle crainte des médias, un tel souci du politiquement et du bourgeoisement corrects chez nos décideurs, qu’ils estiment impossible de prendre des mesures fortes. A tort, tant du point de vue de la sécurité que du calcul politique.
Car les courants dits «populistes» progressent en France plus rapidement qu’ailleurs. Ils prônent la primauté de l’intérêt national, la préférence nationale, deux idées dans lesquelles, pour des motifs divers, de plus en plus de Français se retrouvent. Ces derniers sont prêts à suivre un candidat qui tiendra immédiatement ses promesses de campagne et prendra le risque d’être impopulaire parmi les «corps intermédiaires» pour assurer leur sécurité. Dans ce contexte Trump, véritable épouvantail pour nos «élites», incarne un modèle. Ce qui explique l’hostilité hystérique dont il fait l’objet.
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