En vue de la rencontre à Washington de Volodymyr Zelensky avec le président américain Donald Trump, c’est le moment pour les États-Unis de s’en tenir à la stratégie de normalisation avec la Russie, et peu importe ce que veulent l’UE et Kiev. Explications de l'historien allemand Tarik Cyril Amar.
N’attendez pas que les grands médias occidentaux, les responsables européens de l’OTAN et de l’UE ou encore le régime de Volodymyr Zelensky l’admettent : le sommet en Alaska entre les présidents russe et américain a bien été un succès. Pas une avancée majeure, certes, mais bien davantage qu’une simple rencontre où « ils ont au moins discuté ».
Rien à voir avec la rencontre de Genève en 2021 entre Vladimir Poutine et Joe Biden, rapidement vouée à l’échec en raison de l’intransigeance de Washington.
À Anchorage, chacun des deux camps a pu repartir avec ce que les experts occidentaux aiment appeler une « victoire » : les États-Unis ont rappelé à leurs alliés européens que c’est à Washington — et non à Bruxelles ou Kiev — de décider quand et comment engager un dialogue avec Moscou ; la Russie, de son côté, a montré qu’elle pouvait négocier alors que Kiev continue ses provocations, et qu’aucune pression ne l’obligerait à un cessez-le-feu avant d’obtenir des résultats jugés satisfaisants.
Le fait que l’on connaisse si peu le contenu précis des échanges est en soi révélateur : c’est ainsi que fonctionne une diplomatie sérieuse, discrète et patiente. Dans cet esprit, Donald Trump a choisi de ne pas dévoiler les points de désaccord restants. Un signe qu’il estime encore possible de les résoudre.
Les premiers indices d’atmosphère sont néanmoins parlants. Respect et prudente sympathie mutuelle ont marqué les entretiens, sans toutefois suffire à annoncer une normalisation rapide. Trump et Poutine défendent trop sérieusement leurs intérêts nationaux pour céder à une cordialité de façade.
Plus révélateur encore, dans une interview à Fox News, Trump a reconnu que « beaucoup de progrès » avaient été réalisés, affirmé que Poutine « voulait la paix » et exhorté Zelensky à « conclure un accord ». Lors de la conférence de presse, il n’a pas contesté les mises en garde de Poutine contre toute tentative de sabotage des négociations par Kiev ou Bruxelles.
Les cérémonies commémoratives organisées en marge du sommet rappelaient l’alliance américano-soviétique de la Seconde Guerre mondiale. Un message clair : les deux nations ont déjà coopéré malgré de profondes divergences idéologiques. Les allusions répétées à cet épisode avaient aussi un sous-texte : rappeler que la Chine, autre alliée d’alors souvent oubliée, reste aujourd’hui un partenaire stratégique incontournable pour Moscou. La Russie n’entend pas laisser l’Occident reproduire une stratégie de type « Kissinger inversé » pour briser le partenariat russo-chinois.
Trump a, depuis, échangé avec Kiev et les va-t-en-guerre européens. Rien n’indique un changement de cap : il paraît décidé à privilégier une négociation globale plutôt qu’un simple cessez-le-feu dicté par les Ukrainiens. Cette orientation s’explique aussi par l’exaspération du président américain face aux critiques incessantes de Zelensky, de ses opposants internes comme Bolton ou de la presse américaine (New York Times), qui le décrivent comme naïf et fou. La meilleure réponse, pour Trump, est de prouver le contraire en consolidant une nouvelle approche et ainsi les décrédibiliser.
Ce qui a été entamé en Alaska reste le plus important. Moscou se montre constante et prévisible, tandis que l’Occident demeure divisé et hésitant. Washington a désormais une fenêtre pour tester une stratégie de normalisation avec la Russie, quitte à ignorer les réticences européennes et ukrainiennes. Paradoxalement, ne pas céder aux pressions de ses alliés serait peut-être le meilleur service à rendre à leurs propres peuples.
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