Les dirigeants européens ont fait une grande erreur, n'ayant pas considéré les flux migratoires comme le plus grave des problèmes, affirme l'ancien Premier ministre italien Enrico Letta.
RT : Vous avez un jour dit que l'impulsion initiale pour l'intégration européenne a été la crainte de la menace de l'Union soviétique. Aujourd'hui, l'UE est confrontée à la nécessité d'une réforme fondamentale. Sera-t-elle capable de fonctionner dans ces conditions, quand il faudra réagir à certaines situations externes, comme par exemple c’était le cas avec la crise en Ukraine ?
Enrico Letta (E. L.) : Nous devons trouver les forces pour réformer l'Union européenne, pour la relancer. Mais l'intégration européenne ne s’est jamais basée sur les questions de sécurité. Jusqu'à récemment, avant la crise de l'euro, c’était un projet réussi, parce que cette intégration donnait à nos citoyens davantage de possibilités. En Ukraine, il fallait cesser un conflit militaire. C’était une guerre aux portes de l'Europe. Je pense que c’est pour cette raison que [la chancelière allemande Angela] Merkel et [le président français François] Hollande ont fait une bonne chose en rencontrant le président [russe Vladimir] Poutine et le président ukrainien [Petro Porochenko] en Biélorussie afin de trouver un moyen d’en sortir.
A ce stade, on ne peut pas dire que la réaction des dirigeants européens a été juste
Les accords de Minsk ont été une bonne mesure. C’était un geste de bonne volonté de la part de l'UE. Oui, bien sûr, les sanctions ont été imposées. Mais l'Union européenne n'a jamais été bâtie sur la peur. L'intégration européenne a toujours été une source de nouvelles opportunités pour les Européens et pour nos voisins. Par conséquent, les relations avec nos voisins, y compris la Russie, doivent également être considérées à cet égard, et pas seulement dans le cadre de la sécurité, de la protection contre les menaces.
RT : L'un des éléments importants du discours des eurosceptiques tient en la problématique migratoire – une question vraiment vitale. L'Italie a été confrontée à ce problème avant même que les événements en Syrie et en Union européenne ne montrent qu’une politique commune sur cette question est nécessaire. Cependant, ce but n'a pas été atteint. Quelle en est la raison?
E. L. : Le problème n’est pas dans l'Union européenne, mais dans les positions des différents pays européens. Après la tragédie de Lampedusa en 2013 [la mort de plus de 400 migrants dans un naufrage], nous avons immédiatement demandé aux autres pays de nous aider. On nous a répondu que c’était le problème de l’Italie. Voilà pourquoi nous avons mis en place la mission militaro-humanitaire Mare Nostrum dans le but de sauver les migrants.
Les relations entre l'UE et la Russie ne sont pas une question très compliquée
Pour nous, la priorité est la protection des droits de l'homme. Je pense que dans la question de migration l'Union européenne et les pays européens ont fait une grande erreur. L'erreur est le fait que la question des réfugiés n’a pas été considéré comme le problème le plus grave, non seulement dans l'avenir immédiat, mais aussi pour une dizaine d'années. A ce stade, on ne peut pas dire que la réaction des dirigeants européens, des gouvernements européens, de toute l'Union, a été juste.
RT : Un autre problème important pour l'Europe ce sont ses relations avec la Russie. Quelles perspectives envisagez-vous ?
E. L. : A mon avis, les relations entre l'UE et la Russie ne sont pas une question très compliquée. Je suis sûr que, dans les mois et les années à venir, nous allons comprendre comment résoudre les problèmes et éviter une nouvelle crise. Comment vois-je l'avenir des relations entre la Russie et l'UE ? Il n’y pas de raisons pour s’inquiéter ou être pessimiste à cet égard.
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