Confiscation des avoirs russes : JP Morgan met en garde contre l’accélération de la dédollarisation
La possibilité de saisir au profit de Kiev les avoirs russes gelés aux États-Unis, fraîchement actée par Washington, risque d’ébranler la confiance des investisseurs dans la monnaie américaine et conduire à la dédollarisation de l’économie mondiale, a souligné le 24 avril l'agence Bloomberg, citant notamment la première banque des États-Unis.
«Nous avons déjà beaucoup de pression sur les marchés obligataires américains, entre l’inflation et les déficits que nous avons, donc, oui, je suis inquiet à ce sujet», a déclaré le 23 avril James David Vance, sénateur républicain de l’Ohio cité par Bloomberg, qui avait alerté sur les «conséquences désastreuses» du REPO Act. «Nous devons être prudents», a-t-il ajouté.
Le Congrès des États-Unis a accordé à l'exécutif, le 23 avril, dans le projet de loi d'aide, le pouvoir de saisir les avoirs russes aux États-Unis au profit de Kiev. Ce texte est connu sous le nom de REPO Act, pour «Reconstruction de la prospérité et des opportunités économiques pour les Ukrainiens».
Quelque 5 milliards de dollars d’actifs de la Banque centrale de Russie ont été identifiés aux États-Unis, contre 191 milliards d’euros dans les caisses d’Euroclear Bank (EB), un organisme international de dépôts de fonds basé à Bruxelles. Fin janvier, les Européens ont jeté les premiers jalons d’une confiscation de ces milliards russes en actant celle de leurs intérêts.
Si la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, a salué le franchissement d’«une étape importante», indiquant qu’elle poursuivrait ses efforts afin de convaincre les autres pays du G7 d’avancer «sur une voie collective à suivre», des voix s’élèvent à Washington contre cette mesure qui pourrait avoir un impact délétère sur la confiance des investisseurs envers les États-Unis.
70% du commerce de la Chine libellé en dollar, selon JP Morgan
Dans cet article paru le 24 avril, Gerard DiPippo, analyste géoéconomique auprès de Bloomberg Economics, a souligné la nécessité pour les États-Unis de ne pas être les seuls à prendre une telle mesure, sous peine d’avoir à en assumer tous les risques.
Du côté de JP Morgan, on met en avant le risque d’affaiblissement du dollar, qu’une telle mesure de confiscation pourrait entraîner. Dans un communiqué adressé à ses clients, cité par Bloomberg, la plus grande banque des États-Unis a souligné le risque que l’Empire du Milieu puisse «accélérer le processus de dédollarisation» après avoir rappelé qu’environ 70% du commerce international de la Chine était encore libellé en dollars.
«La militarisation de la monnaie américaine par la saisie des réserves de dollars va certainement amener les rivaux des États-Unis» à envisager la dédollarisation, confie également à l’agence américaine Eswar Prasad un ex-responsable du Fonds monétaire international (FMI).
La patronne de la BCE alerte sur le risque de «briser l’ordre international»
Dès le mois de décembre, l’instance financière washingtonienne avait, dans un rapport, mis en garde contre les «risques de réputation» qu’une confiscation pourrait entraîner pour les autorités de régulation européennes.
Auprès du Council of Foreign Relations, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, avait également mis en garde le 17 avril les chancelleries occidentales partisanes de cette initiative poussée par les États-Unis, estimant qu’elle pourrait «briser l’ordre international que nous voulons protéger».
De leur côté, les autorités russes ont à maintes reprises prévenu qu’elles riposteraient à une telle confiscation, tant sur le plan judiciaire qu’en prenant des mesures miroirs à l’encontre des actifs occidentaux en Russie.