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Atlantisme, sanctions et dossiers épineux : la politique étrangère de Biden a 100 jours

Joseph Biden avait critiqué avec vigueur les choix de son prédécesseur sur la scène internationale. 100 jours après son investiture, où en est l'administration américaine en matière de politique étrangère ?

Joseph Biden passe ce 29 avril le cap symbolique des 100 premiers jours de son mandat. En amont de l'élection présidentielle américaine du 3 novembre 2020, il avait annoncé la couleur d'une politique étrangère en rupture avec celle du chef d'Etat sortant, notamment en haussant le ton vis-à-vis de la Russie.

Des relations russo-américaines envenimées

«J'ai affronté les Castro de ce monde, j'ai affronté les Poutine de ce monde, j'ai affronté tous ces dictateurs. Je suis celui qui leur fait savoir : Ça s'arrête ici. Ça s'arrête avec moi comme président», claironnait déjà le candidat démocrate en octobre 2020, soit un mois avant l'élection présidentielle. Voilà qui annonçait un dialogue compliqué avec la Russie. Dans les faits, durant les trois mois qui ont suivi son investiture, le président américain démocrate a dans un premier temps refusé d'organiser un dialogue public avec Vladimir Poutine, malgré les appels en ce sens de la part de Moscou. Joe Biden a en revanche proposé le 13 avril à Vladimir Poutine la tenue d’un sommet «dans un pays tiers». Pour rappel, le premier échange téléphonique entre les deux chefs d'Etat a eu lieu le 26 janvier.

A l'occasion de sa prise de parole devant le Congrès américain le 28 avril, Joseph Biden a prôné une coopération avec la Russie en cas d'«intérêt mutuel», citant les exemples du prolongement du traité New Start sur les armes nucléaires ou encore des initiatives liées au climat. Toutefois, le président américain s'est aussi félicité d'avoir récemment initié des mesures coercitives à l'encontre de Moscou, régulièrement accusé par Washington d'ingérence dans les élections américaines.

Ainsi, si les deux diplomaties s'accordent pour l'heure officiellement sur la nécessité d'une «désescalade», plusieurs éléments témoignent d'une détérioration de leurs relations bilatérales. 

Sur fond d'allégations imputant à Moscou des cyberattaques visant les Etats-Unis, Joseph Biden a par exemple signé le 15 avril un décret visant à imposer des sanctions à la Russie : les Etats-Unis interdisent notamment à leurs entreprises d'acquérir des dettes russes émises par la Banque centrale, le Fonds de la richesse nationale et le ministère des Finances.

En outre, simultanément aux manifestations d'hostilité prononcées par l'actuel président des Etats-Unis à l'encontre de Vladimir Poutine, qu'il a notamment qualifié de «tueur sans âme», le bras de fer entre les deux nations s'est notamment traduit par des expulsions réciproques de diplomates. 

Le 25 avril, la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova a fait savoir que Moscou allait bientôt considérer les Etats-Unis comme un «Etat hostile». «[Joe] Biden a exprimé son intérêt pour une normalisation des relations mais les actions de l’administration [américaine] prouvent le contraire [...] Il y aura un prix à payer pour la dégradation des relations bilatérales», avait-elle déjà averti deux semaines plus tôt, alors que l'administration américaine, soutenue par l'OTAN, venait d'annoncer de nouvelles sanctions visant Moscou et l'expulsion des Etats-Unis de 10 diplomates russes sur fond d'accusations d'ingérences électorales en 2020.

S'exprimant sur l'escalade des tensions entre les deux pays, le chef de la diplomatie russe Sergei Lavrov, a récemment regretté «une réaction en chaîne» et réaffirmé sa volonté d'apaiser la situation. «Si cela ne dépendait que de nous, nous reviendrions à des relations normales, et dans un premier temps, nous ferions une chose évidente et simple : nous annulerions les mesures visant à restreindre le travail des diplomates russes aux Etats-Unis et les mesures que nous avons prises en réponse concernant les diplomates américains en Russie», a-t-il déclaré lors d'un entretien accordé à RIA Novosti.

Il est à noter que l'affaire Navalny est régulièrement invoquée à Washington, alimentant une rhétorique accusatoire envers la Russie qui sert régulièrement de base à de nouvelles sanctions.

Enfin, le projet gazier russo-allemand Nord Stream 2 continue de nourrir des frictions entre Moscou et Washington. Sa réalisation a fait l'objet d'une constante opposition de l'administration américaine et ce, qu'elle soit démocrate ou républicaine. Le gazoduc, qui est censé garantir la sécurité des approvisionnements en gaz russe de l'Europe occidentale via la mer Baltique, est régulièrement attaqué de la part de Washington, à coup de mesures coercitives.

Si les relations russo-américaines se sont détériorées depuis l'arrivée à la Maison Blanche de Joe Biden, il est à noter qu'elles étaient loin d'être idylliques sous Donald Trump : celui-ci avait tenu en début de mandat des propos d'ouverture à l'égard de Moscou mais de nouvelles et nombreuses sanctions antirusses ont été appliquées sous sa présidence.

Biden en phase avec les Européens sur le climat et l'OTAN

De façon générale, l'arrivée de Biden à la Maison blanche a été chaleureusement accueillie par les chancelleries occidentales, notamment en raison des positions du démocrate sur le climat (au regard du retrait des Etats-Unis de l'accord de Paris sous Donald Trump) et sur les relations transatlantiques, quelque peu malmenées sous son prédécesseur.

Depuis son investiture, Joe Biden a déjà eu trois mois pour opérer une nouvelle politique étrangère, dont seule une analyse sur la durée permettra de constater les résultats. Pour l'heure, le chef d'Etat l'a revendiqué à plusieurs reprises : «L'alliance transatlantique est de retour.» Ainsi, durant son premier grand discours de politique étrangère pour la Conférence sur la sécurité de Munich, le chef d'Etat américain a directement visé Moscou, Pékin et Téhéran, qu'il a respectivement accusés de vouloir «saboter» l'unité atlantique, de s'affranchir «des règles économiques internationales» et de mener des activités «déstabilisatrices au Moyen-Orient».

Relations toujours tendues avec Pékin, négociations à l'œuvre avec Téhéran

L'actuel locataire de la Maison blanche a en outre hérité d'épineux dossiers sur la scène international. Parmi eux figurent la relation avec la Chine, vis-à-vis de laquelle Mike Pompeo s'était félicité d'avoir mis fin à des décennies d'apaisement. Joe Biden a eu l'occasion d'échanger pour la première fois avec Xi Jinping au mois de février ; selon la Maison blanche, le président américain a, pendant cet entretien téléphonique, adressé de nombreuses remontrances à son homologue chinois, notamment sur les pratiques commerciales «coercitives et injustes» du pays, «la répression à Hongkong», «les atteintes aux droits de l’homme au Xinjiang» ou encore la politique chinoise à l’égard de Taïwan. En amont de cette première conversation, Joe Biden avait en outre prévenu que la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine prendrait la forme d'une «compétition extrême», tout en assurant qu'il voulait éviter un «conflit» entre les deux premières puissances mondiales. Le chef d'Etat américain avait par ailleurs estimé que son homologue chinois n'avait «pas une once de démocratie en lui».

Autre dossier phare pour l'administration Biden : les relations avec Téhéran, un dossier brûlant au regard du retrait américain de l'accord sur le nucléaire iranien, mais aussi d'une escalade des tensions inédite liée à la frappe américaine du 3 janvier 2020 ayant tué le général Qassem Soleimani. La tension à ce sujet est récemment montée d'un cran après l’incident qui a touché le 11 avril une usine d’enrichissement d’uranium du pays : dans la foulée, le ministre des Affaires étrangères iranien a en effet averti les Etats-Unis qu’ils n’obtiendraient aucun avantage dans le cadre des discussions sur le programme nucléaire par des actions «de sabotage» ou la mise en place de «sanctions». Il est à noter que Washington avait envoyé un peu plus tôt dans le mois des signaux positifs en se disant «prêt à lever les sanctions en contradiction avec l'accord». Une «position réaliste et prometteuse» qui «pourrait être le début de la correction du mauvais processus qui avait mis la diplomatie dans l'impasse», avait réagi Téhéran. Actuellement, des discussions internationales pour relancer l'accord sur le nucléaire iranien sont à l'œuvre. 

Autre zone géographique qui attire traditionnellement l'attention de Washington : l'Amérique latine. A l'heure où nous écrivons ces lignes, l'administration Biden poursuit ses efforts afin d'affaiblir certains systèmes politiques en place. En janvier, le secrétaire d'Etat américain avait par exemple déclaré que Washington continuerait à recourir aux sanctions pour «viser plus efficacement» le Venezuela dans le cadre d'une stratégie visant à chasser Nicolas Maduro du pouvoir. Plus récemment, c'est le président cubain Miguel Diaz-Canel qui a dénoncé «l'accusation indigne, immorale et menteuse» du département d'Etat américain, après la publication d'un rapport pointant l'absence d'élections libres et des cas de torture à Cuba.

Une ligne sur l'Amérique latine qui, comme sur de nombreux autres dossiers stratégiques, témoigne d'une continuité de la position de Washington au-delà des alternances partisanes à la Maison Blanche.