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Rohani estime que la fuite d'un enregistrement controversé a pour but de créer la «discorde» en Iran

Un enregistrement audio de propos du ministre Mohammad Djavad Zarif regrettant l'influence de l'armée dans la diplomatie iranienne a fuité, en pleine négociation de Téhéran au sujet de son programme nucléaire dans le cadre de l'accord de Vienne.

Le président iranien Hassan Rohani a estimé ce 28 avril que la fuite d'un enregistrement audio de son ministre des Affaires étrangères, Mohammad Djavad Zarif, visait à créer la «discorde» à Téhéran, en pleines discussions internationales pour relancer l'accord sur le nucléaire iranien.

Selon Hassan Rohani, «voler un document, une cassette, c'est quelque chose qui doit faire l'objet d'une enquête. Pourquoi à ce moment-là ? À mon avis, cet enregistrement [...] aurait pu être publié il y a une semaine également», a-t-il expliqué lors d'une réunion de son cabinet, dans une déclaration retransmise à la télévision. Le président iranien a déploré que la divulgation de l'enregistrement intervienne «juste au moment où les [pourparlers] de Vienne étaient à l'apogée de leur succès, de manière à créer la discorde à l'intérieur [de l'Iran]». La veille, le chef d'Etat avait ordonné l'ouverture d'une enquête visant à identifier le ou les auteurs de la fuite.

Plusieurs médias comme le New York Times ont diffusé le 25 avril ce qu'ils ont présenté comme des extraits d'une conversation enregistrée de Mohammad Djavad Zarif, sans préciser comment ils les avaient obtenus. Selon le média iranien Press TV, cette conversation entre le chef de la diplomatie iranienne et l'économiste Saeed Laylaz, enregistrée le 24 février dans le cadre d'un projet de recherche «d'histoire orale», a d'abord été divulguée par la chaîne de télévision basée à Londres Iran International, dont la maison mère est détenue par Adel Abdulkarim, un citoyen saoudien.

Dans cette conversation, Mohammad Djavad Zarif évoque l'influence de l'armée dans la diplomatie iranienne. D'après un extrait publié par le New York Times, le ministre déclare notamment que «dans la République islamique, le champ militaire règne», en référence au rôle dans la politique étrangère du pays du général Qassem Soleimani, tué dans une frappe américaine de drone à Bagdad en janvier 2020. «J'ai sacrifié la diplomatie au [profit] du champ militaire», explique-t-il en outre, soulignant que, d'après lui, c'est au militaire d'être au service de la diplomatie.

Dans une réaction publique ce 28 avril sur Instagram, Mohammad Djavad Zarif a précisé souhaiter un «ajustement intelligent» entre les domaines militaire et diplomatique en Iran, regrettant «la façon dont une discussion théoriquement secrète concernant la nécessité de synergie entre la diplomatie et le domaine [militaire] se transforme en querelles intestines». Le «point principal» des observations faites dans cet enregistrement était selon lui de souligner «la nécessité d'un ajustement intelligent de la relation entre ces deux ailes [du pouvoir iranien]».

Présidentielle à venir en Iran et négociations à Vienne sur le nucléaire

En tout état de cause, cette fuite d'un document audio intervient à moins de deux mois de l'élection présidentielle en Iran, le 18 juin. Alors qu'Hassan Rohani ne se représentera pas après deux mandats, Mohammad Djavad Zarif était cité comme un candidat possible bien qu'il ait déclaré ne pas avoir l'intention de concourir.

Comme l'a par ailleurs souligné Hassan Rohani, les propos de son ministre ont été divulgués alors que l'Iran et les grandes puissances sont engagés dans des pourparlers à Vienne pour ramener les Etats-Unis à l'accord de 2015 qu'ils ont abandonné sous la présidence de Donald Trump et persuader l’Iran de se plier aux obligations nucléaires auxquelles il avait renoncé en retour.

Les représentants des Etats toujours parties à l'accord de 2015 (Iran, Chine, Russie, France, Allemagne, Royaume-Uni) se sont retrouvés le 27 avril dans la capitale autrichienne et ont convenu «d'accélérer le processus», selon Téhéran, pour sauver l'accord. L'Iran continue de réclamer la levée des sanctions internationales liées à son programme nucléaire, comme l'a répété ce 28 avril Hassan Rohani.