Syrie : le groupe djihadiste HTS refuse de se retirer de la poche d'Idleb et menace la trêve
L'accord russo-turc de 2018 ne parvient toujours pas à débloquer la situation dans l'enclave d'Idleb où des djihadistes ont été régulièrement concentrés au fil du conflit. Dans la province, les héritiers d'al-Nosra ont même consolidé leurs positions.
Le chef du groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTS, ex-al-Nosra, branche syrienne d'al-Qaïda), Abou Mohammed al-Joulani, a affirmé refuser, le 3 août, tout retrait d'une future zone tampon dans la région d'Idleb. Ce malgré l'entrée en vigueur d'une trêve le 1er août, acceptée par Damas, dans cette zone du nord-ouest de la Syrie. «Ce que le régime n'a pas pris militairement et par la force, il ne l'obtiendra pas de manière pacifique par la négociation et la politique [...] Nous ne nous retirerons jamais de la zone» appelée à être démilitarisée, a martelé Abou Mohammed al-Joulani cité par l'AFP, alors que le leader djihadiste s'exprimait à l'occasion d'une rencontre entre son organisation terroriste avec des journalistes.
Nous ne nous retirerons jamais de la zone
Cette province du nord de la Syrie reçoit les djihadistes battus sur d'autres théâtres de guerre du pays, ainsi que leur famille. Un système permettant aux autorités syriennes d'accélérer la reddition des combattants, comme à Alep, en 2016. Mais cette stratégie montre ses limites depuis plusieurs mois, les djihadistes profitant de leur regroupement pour se restructurer.
La Russie et la Turquie ont ensuite tenté de débloquer la situation avec un accord, en septembre 2018, sur la sécurisation d’une «zone démilitarisée». Cette initiative prévoyait, entre autres, la création d'une zone tampon de 15 à 20 kilomètres de large, en forme de fer à cheval, sous le contrôle conjoint de la Russie et de la Turquie, non seulement dans la province d'Idleb, mais aussi des secteurs des régions voisines d'Alep, Hama et Lattaquié. Cette zone tampon visait à séparer les secteurs tenus par les djihadistes des régions adjacentes sous contrôle gouvernemental. Les djihadistes devaient s'en retirer, avec leurs armes lourdes, de façon à ne plus se mélanger aux populations civiles. HTS avait toutefois, déjà, et avec constance, refusé ces dispositions.
Face à l'enracinement de l'organisation terroriste et de ses groupuscules affiliés, Damas n'est jamais parvenu à reprendre la main. En janvier 2019, les djihadistes consolidaient encore un peu plus leurs positions à la suite d'un accord entre HTS et des rebelles regroupés notamment au sein du Front national de libération (FNL), une coalition appuyée par la Turquie qui joue un rôle pour le moins ambigu dans le conflit syrien. Les combats entre armée régulière syrienne et djihadistes retranchés au milieu de nombreux civils a fait de nombreuses victimes.
Difficile coordination entre Ankara, Moscou et Damas
En mai dernier, l'armée syrienne avait déjà décrété un premier cessez-le-feu «unilatéral», mais sans succès. Selon le Centre russe pour la réconciliation des parties en conflit en Syrie, des tirs en provenance des groupes djihadistes avaient immédiatement suivi, prenant pour cibles des positions des forces gouvernementales et les civils dans les provinces de Hama, de Lattaquié et d'Alep. «La Russie poursuit sa coopération avec la Turquie, à qui revient la responsabilité d'empêcher de telles attaques», avait alors souligné le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, façon de rappeler à Ankara ses obligations dans la résolution du conflit en Syrie. Le porte-parole avait alors également souligné que les groupes terroristes menaient depuis l'enclave d'Idleb des attaques contre des infrastructures civiles d'une part, et contre des installations militaires russes d'autre part.
Selon l’agence gouvernementale syrienne Sana, au moins cinq civils, dont quatre enfants, avaient été tués à la suite de tirs de missiles menés par des terroristes dans la province syrienne de Hama, voisine d'Idleb.
Toujours selon Sana, des unités de l’armée syrienne avaient essuyé des attaques des terroristes d'HTS. Les troupes régulières avaient alors riposté par des bombardements sur des localités tenues par ce groupe. L’armée affirme y avoir détruit des rampes servant au lancement de roquettes ainsi que des infrastructures des groupes djihadistes. Le controversé Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) impute de son côté aux bombardements de l'armée syrienne ou de la Russie visant la région d'Idleb, la mort de plus de 730 civils, depuis le début de l'escalade fin avril.
Belligérant et observateur attentif des tentatives de concertation entre Damas, Ankara et Moscou dans la région d'Idleb, les Etats-Unis ont prudemment salué le 4 août le nouveau cessez-le-feu, tout en insistant sur la nécessité que les «attaques contres les civils» prennent vraiment fin. Mais sans vraiment préciser qui attaquait qui.
Alexandre Keller
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