Morts, viols, tortures, enfants soldats, blocus : un rapport de l'ONU dénonce la situation au Yémen

Morts, viols, tortures, enfants soldats, blocus : un rapport de l'ONU dénonce la situation au Yémen© Khaled Abdullah Source: Reuters
Un homme regarde les bâtiments du vieux quartier de Sanaa, au Yémen, le 6 août 2018.
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Des experts de l'ONU ont publié un rapport sur la guerre au Yémen qui pointe la responsabilité de toutes les parties engagées. En août, les frappes de la coalition dirigée par l'Arabie saoudite ont tué une centaine de personnes dont 66 enfants.

Après trois années d'une guerre qui a fait plonger le Yémen dans un grave crise humanitaire, un rapport de 41 pages, publié le 28 août par un groupe d'experts mandaté par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies, pointe la responsabilité de toutes les parties engagées dans le conflit dans les pertes causées. «Le groupe d'éminents experts régionaux et internationaux sur le Yémen suggère fortement que les parties engagées dans le conflit armé ont perpétré et continuent de perpétrer des violations et des crimes en droit international», explique le rapport. Couvrant la période allant de septembre 2014 à juin 2018, il analyse les principales formes de violations et d’abus commis dans le pays. 

Les attaques aériennes de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite sont responsables de la plupart des victimes civiles

Les enquêteurs de l'ONU ont déclaré que l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis d'une part, et les rebelles Houthis d'autre part, avaient tous commis des violations des droits de l'homme et des crimes de guerre potentiels, y compris des violences sexuelles et le recrutement d'enfants soldats, dans un rapport accablant détaillant les atrocités du conflit au Yémen.

La coalition sous commandement saoudien responsable de la plupart des morts

Cependant, les attaques aériennes menées par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite sont responsables, selon ce rapport, de la plupart des victimes civiles documentées. Les enquêteurs ont déclaré que près d’une dizaine d’attaques au cours de l’année écoulée avaient soulevé «de sérieuses questions sur le processus de ciblage appliqué par la coalition». Les cibles des attaques comprenaient des zones résidentielles, des marchés, des funérailles, des mariages, des installations médicales. Un exemple «flagrant» a été la frappe du 15 mars 2016 sur le marché de Jhamees, qui a tué plus de 100 civils, dont 25 enfants. Le rapport relève que la coalition n’utilise pas toujours la «liste de non-frappes» de l'ONU lors de la sélection des cibles. Cette liste dénombre pourtant plus de 30 000 sites, comprenant des hôpitaux et des camps de réfugiés. L’aviation saoudienne n’a pas coopéré avec les enquêteurs au sujet de la question de son ciblage.


Outre les pertes humaines considérables, le blocus imposé par la coalition sous direction saoudienne aux ports et à l’espace aérien du Yémen est également considéré comme une violation potentielle du droit international. Le rapport souligne l'impact humanitaire des «restrictions sévères» dans son évaluation. La fermeture de l'aéroport de Sanaa est considérée comme une violation du droit humanitaire protégeant les malades et les blessés. «Aucun intérêt militaire ne pourrait justifier de faire subir de telles souffrances extrêmes à des millions de personnes», dénonce le rapport.

Enfants soldats, viols, traitements dégradants, tortures...

Le groupe d'experts a également confirmé que la détention arbitraire était très répandue au Yémen et que des actes de torture avaient été commis dans certaines régions. Des centaines de personnes ont été arrêtées pour s'être opposées au gouvernement du Yémen soutenu par l'Arabie saoudite ou aux Emirats arabes unis, qui contrôlent directement le sud du Yémen et ses forces de sécurité, les forces d'élite Hadrami et les forces d'élite Shabwani. Les prisonniers ont été «battus, électrocutés, suspendus la tête en bas, noyés, menacés de violences contre leur famille et maintenus en isolement cellulaire pendant de longues périodes».

Les détenus des prisons contrôlées par les Emirats arabes unis ont signalé des viols lors des interrogatoires. Le rapport a trouvé des raisons de croire que les actions du gouvernement yéménite, des Emirats arabes unis et de l'Arabie saoudite pouvaient constituer des crimes de guerre, y compris «le viol, les traitements dégradants et cruels, la torture et les atteintes à la dignité personnelle».

En outre, les enquêteurs ont trouvé des informations indiquant que toutes les parties avaient enrôlé des enfants dans les forces armées. Nombre d'entre eux avaient entre 11 et 17 ans et certains étaient âgés d'à peine 8 ans. 

Par ailleurs, le gouvernement yéménite, la coalition et les rebelles Houthis sont accusés de harcèlement, de menaces et de diffamations contre des défenseurs des droits de l'homme et des journalistes.

Crimes des rebelles Houthis

Les rebelles Houthis sont pour leur part accusés d’utiliser des armes à grand rayon d’action dans la guerre urbaine. La ville de Taizz a notamment déploré de nombreuses victimes parmi la population civile. Elle est le théâtre de nombreux affrontements et abrite différents groupes, notamment des rebelles Houthis, des forces pro-Hadi soutenus par les Saoudiens, des milices salafistes et des groupes djihadistes. Les enquêteurs ont reçu des informations selon lesquelles la majorité des victimes étaient causées par les forces houthies qui contrôlaient les hautes terres, mais ont déclaré qu'une enquête plus approfondie était nécessaire pour déterminer les responsabilités précises.

Des mauvais traitements et des actes de torture ont également été signalés dans les prisons houthies, où des personnes ont été emprisonnées en raison de leur foi.

Ventes d'armes et complicité

Le rapport a également exhorté les pays à «s'abstenir de fournir des armes pouvant être utilisées dans le conflit». Les Etats-Unis et le Royaume-Uni sont critiqués pour avoir fourni des armes aux Saoudiens, des ventes qui n'ont pas cessé malgré des informations accablantes concernant leur utilisation par le royaume wahhabite. L’Iran a été accusé de fournir des armes aux Houthis, une accusation qu’il nie.

Le pays est en proie depuis 2014 à une guerre civile qui oppose les rebelles chiites houthis initialement proches de l'ancien président Ali Abdallah Saleh (qu'ils ont fini par tuer le 4 décembre 2017 après un retournement d'alliance de celui-ci), aux partisans d'Abd Rabbo Mansour Hadi, le président actuel du pays, qui vit depuis 2015 en exil en Arabie saoudite dont il est l'allié. Depuis l’intervention de la coalition arabe sous commandement saoudien en mars 2015, le Yémen est plongé dans une crise humanitaire sans précédent. L'ONU estime qu'il y a eu 6 660 morts civiles entre mars 2015 et août 2018, même si elle reconnaît que le chiffre réel pourrait être plus élevé.

Lire aussi : Guerre au Yémen : la France appelée par les ONG à cesser son double jeu

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