Emmanuel Macron devra présider au nom de tous les Français et faire face à de gros défis. S'il choisit de faire les bons gestes, on pourrait constater un effet d'entraînement lors des législatives, estime le journaliste Renaud Girard.
RT France : Comment voyez-vous le quinquennat d’Emmanuel Macron qui vient d’être élu à la présidence de la République ?
Renaud Girard (R. G.) : C’est une personne qui, en si peu de temps, a fait preuve d’énormément d’énergie, d’esprit d’entreprise, et d’intelligence, alors qu’il ne venait pas des cénacles politiques habituels, c’est-à-dire du Parti socialiste ou des Républicains. Il a pu, en un temps record, arriver très haut ! Personne n’a cru qu’il arriverait si vite aussi haut, beaucoup avaient parlé d’une bulle et constatent aujourd’hui qu'ils ont eu tort. Il est jeune, il est énergique, on ne sait pas encore grand-chose sur son programme qui n’était pas aussi détaillé que l’a été celui de François Fillon.
C’est un garçon qui a fait les meilleures écoles de France et qui maîtrise à la fois la technique administrative française et européenne qui est importante dans le monde d’aujourd’hui. Il a montré beaucoup de compétence dans le débat télévisé contre Marine Le Pen, débat crucial qui a été suivi par 17 millions de citoyens. La candidate frontiste y a démontré sa forte méconnaissance des mécanismes européens. Lui, par contre, était très à l’aise parce qu’il maîtrise cette technique gouvernementale.
La France est à la traîne par rapport à l’Allemagne qui a fait ses réformes Hartz en 2000
Mais il lui reste, bien sûr, trois grands défis à relever. Le premier consiste à unir les Français sachant qu’il n’a remporté que 24% des voix au premier tour, ce qui est peu, surtout si on compare avec un Charles de Gaulle qui avait remporté 45% au premier tour de l’élection de 1965. Il doit donc faire l’union des Français puisqu’il a bénéficié d'un vote par défaut de tous les gens de la droite traditionnelle que représente François Fillon.
Le deuxième énorme défi, c’est de réformer la France, c’est-à-dire de l’adapter. La France est à la traîne par rapport à l’Allemagne qui a fait ses réformes Hartz en 2000 [droit du travail]. Le taux de chômage est à 10% en France alors qu’il n’est qu’à 4% en Allemagne ou en Hollande.
Le résultat de 4 millions de votes blancs est énorme. Il signifierait qu’une partie de la droite classique qui avait voté François Fillon ne s’est pas reportée sur Emmanuel Macron
Son troisième challenge, ce sera de faire main dans la main avec le chancelier allemand, quel qu’il soit, pour redonner un deuxième souffle à l’UE qui a pris un énorme coup et qui est très affaiblie après le Brexit.
RT France : L’abstentionnisme et les votes blancs ont atteint des chiffres records. Comment interprétez-vous ce phénomène ?
R. G. : Le résultat de 4 millions de votes blancs me semble en effet énorme. Il signifierait qu’une partie de la droite classique qui avait voté François Fillon ne s’est pas reportée sur Emmanuel Macron bien que François Fillon, dès les résultats du premier tour, ait appelé à voter pour lui. Idem pour l’électorat de Jean-Luc Mélenchon : non-report des votes sur Macron. Ce double constat renforce ce que je vous disais sur le premier défi que le nouveau président devra relever. Au départ, un président est soutenu par un parti, par une fraction des Français, mais son devoir, c’est de présider au nom de tous les Français. Dès ce soir, Emmanuel Macron est le président de tous les Français.
Si Marine le Pen n’avait pas fait une si mauvaise prestation télévisée, son score aurait été plus élevé
RT France : Quels sont vos pronostics pour les législatives ?
R. G. : C’est difficile à dire, la politique française étant devenue totalement imprédictible. Il y a toujours un effet d’entraînement de la présidentielle. Cela dépendra des gestes d’Emmanuel Macron. Les apparitions télévisées comptent beaucoup. Je pense que si Marine le Pen n’avait pas fait une si mauvaise prestation télévisée, si elle avait été plus tranquille, moins agressive, si elle avait simplement présenté son programme au lieu d’attaquer Macron comme s’il était déjà président, son score aurait été plus élevé. Cela ne l’aurait pas amenée à l’Elysée, certes, mais son score aurait être différent.
La même chose peut valoir pour Emmanuel Macron et le Premier ministre qu’il va nommer assez prochainement. Cela étant, il faut savoir que dans la Ve République, il y a un effet d’entraînement : aux législatives, les gens préfèrent voter comme ils ont voté à la présidentielle. On relève une sorte de cohérence de l’électorat. Cela d’autant plus que, finalement, François Fillon et son électorat n’étaient pas si en retard par rapport à l’électorat d'Emmanuel Macron puisqu’il y avait seulement quatre points d’écart.
On peut estimer que cette élection présidentielle marque la mort d’un très vieux parti français, le Parti socialiste
Je crois donc que l’ambition des dirigeants de l’ancienne UMP, les Républicains, notamment de Nicolas Sarkozy, c’est de maintenir le parti et d’essayer de faire le meilleur score possible aux législatives. Vous avez vu que déjà plusieurs membres des Républicains ont fait des offres de service pour devenir ministres d’Emmanuel Macron.
RT France : Pensez-vous que le Parti socialiste parviendra à obtenir suffisamment de voix aux législatives ?
R. G. : Je ne suis absolument pas spécialiste du Parti socialiste, il m’est donc très difficile de vous répondre. Je pense qu’il se trouve dans un état extrêmement grave, son candidat a recueilli 6% des voix lors du premier tour, ce qui est bien faible. On peut estimer – sauf erreur d’analyse de ma part et abstraction faite d’éventuelles surprises – que cette élection présidentielle marque la mort d’un très vieux parti français, le Parti socialiste.
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