Emmanuel Macron président, oui mais...

Emmanuel Macron président, oui mais...
Photo ©PHILIPPE HUGUEN / AFP
Suivez RT en français surTelegram

Sans grande surprise, le candidat d'En Marche! l'a emporté face à Marine Le Pen avec près de 66% selon les premières estimations. Néanmoins, Emmanuel Macron sera confronté à des enjeux inédits dans un paysage politique en pleine recomposition.

Si l'on en croit ce que ressassent les instituts de sondage depuis des mois, face à Marine Le Pen, n'importe quel candidat était assuré de l'emporter. Ces données présentes dans la tête de tous, la campagne pour le premier tour de l'élection a ressemblé à une course de petits chevaux devant déterminer qui se retrouverait face à elle.

L'élection présidentielle française est ainsi : on choisit au premier tour et on élimine au second, au risque d'entamer la légitimité d'un vainqueur parfois élu par défaut. Ce vice de forme du processus démocratique, occasion de tous les malentendus comme le quinquennat de François Hollande, président le plus impopulaire de l'histoire de la Ve République, l'a encore démontré, a été particulièrement visible lors des deux occurrences où le Front national a été présent au second tour : en 2002 et en 2017.

Emmanuel Macron n'est pas Jacques Chirac 

Jacques Chirac fut ainsi le président à la fois le mieux et le moins bien élu de la Ve République. Le mieux élu parce que plus de 80% des Français votèrent pour lui afin de faire barrage à Jean-Marie Le Pen. Le moins bien élu, parce que, hors facteur Le Pen, Jacques Chirac, victime entre autres de l'usure du pouvoir du septennat dont il sortait, n'avait rassemblé au premier tour qu'à peine 20% des électeurs. Pour la deuxième fois seulement depuis 1958, les deux candidats qualifiés pour le second tour totalisaient moins de 50% des voix. L'abstention, à 28,4%, avait été un record. Près des deux tiers des Français se rendirent aux urnes pour mettre un bulletin dans l'urne portant le nom d'un candidat pour lequel il n'avaient pas voté au premier tour afin de faire barrage à Jean-Marie Le Pen.

L'Histoire semble se répéter en 2017, mais avec une différence notable. Entre temps, le front républicain s'est fissuré. La ferveur des manifestations anti-Le Pen s'est refroidie, les cortèges d'étudiants et de lycéens d'avril-mai 2002 ont disparu au profit des «black blocks» et des «Antifas», dont la violence est apparue en pleine lumière.

Les législatives, troisième tour de la présidentielle

Bien que largement élu au second tour, Emmanuel Macron n'a recueilli que 24% au premier tour. Aussi, pour l'ex-ministre de l'Economie de François Hollande, malgré une victoire sans appel, tout reste à faire pour transformer ce vote par défaut en vote d'adhésion. D'autant que plus d'un tiers des Français se sont abstenus, ont voté blanc ou nul ou se sont abstenus. La présidentielle de 2017 détient même un triste record en la matière : selon un sondage sortie des urnes réalisé par Ipsos-Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France et Le Monde, près de 12% des votants ne se sont exprimés ni pour Marine Le Pen ni pour Emmanuel Macron. Une première sous la Ve République.

Et ce d'autant que le paysage politique français est en pleine recomposition. Emmanuel Macron, qui a surfé sur le besoin de renouvellement de la classe politique exprimé par les électeurs, devra désormais l'incarner. Or, l'élection présidentielle a accouché d'un rapport de force inédit. Trois grands pôles ont ainsi émergé. L'une des faces de ce triangle est occupée par la gauche de Jean-Luc Mélenchon et ses satellites. Une gauche anticapitaliste, opposée au social-libéralisme incarné par François Hollande, à certains égards eurocritique et souverainiste. A qui il reste toutefois à traduire en sièges le très bon score de Jean-Luc Mélenchon.

Sur la seconde face du triangle, l'espace créé par Emmanuel Macron reste à définir. Théoriquement, puisqu'il n'a pas encore fait ses preuves à l'aune de la gouvernance, c'est le territoire centriste du «ni droite, ni gauche», qui tente de capter l'aile droite du Parti socialiste comme l'aile gauche des Républicains. Enfin, vient compléter la figure l'«extrême-droite» de l'hémicycle, un bloc souverainiste et anti-européen, mais qui a beaucoup évolué sur les questions économiques, et se pose désormais en défenseur des travailleurs, en ennemi de la finance et de l'ultralibéralisme.

Entre ces trois nouvelles grandes forces, le Parti socialiste agonisant et la droite de gouvernement ressortent lessivés de cette présidentielle. Les Républicains, en particulier, joueront gros dans les prochaines législatives, où leurs places sont prises en tenaille entre En Marche! (ou le parti qui lui succèdera) et le Front national.

Nouvelles lignes de fracture

Aujourd'hui, le pays semble donc profondément divisé. Le clivage est inédit, la traditionnelle bipolarité droite/gauche semblant s'être effacée. S'opposent désormais sur l'échiquier politique deux France. Une France convaincue par un mondialisme à la fois culturel et économique. C'est celle qu'incarnent Emmanuel Macron et ses mentors, Jacques Attali et Henry Hermand, décédé en novembre 2016, membre fondateur de la Fondation Saint-Simon et administrateur du think tank Terra Nova. Face à eux, une France exprimant son besoin de protection comme d'identité.

Depuis l'inversion du calendrier jospinienne, qui avait interverti présidentielle et législatives, les électeurs ont toujours donné lors des secondes les moyens de gouverner au vainqueur de la première. Sera-ce à nouveau le cas cette fois ? Ou le nouveau président sera-t-il le premier de la Ve République à devoir s'appuyer sur une coalition de partis dès le début de son mandat, voire à faire face à une cohabitation ? Réponse à la mi-juin.

Alexandre Keller

Lire aussi : EN CONTINU : Emmanuel Macron élu président de la République avec 65,9% des suffrages

Raconter l'actualité

Suivez RT en français surTelegram

En cliquant sur "Tout Accepter" vous consentez au traitement par ANO « TV-Novosti » de certaines données personnelles stockées sur votre terminal (telles que les adresses IP, les données de navigation, les données d'utilisation ou de géolocalisation ou bien encore les interactions avec les réseaux sociaux ainsi que les données nécessaires pour pouvoir utiliser les espaces commentaires de notre service). En cliquant sur "Tout Refuser", seuls les cookies/traceurs techniques (strictement limités au fonctionnement du site ou à la mesure d’audiences) seront déposés et lus sur votre terminal. "Tout Refuser" ne vous permet pas d’activer l’option commentaires de nos services. Pour activer l’option vous permettant de laisser des commentaires sur notre service, veuillez accepter le dépôt des cookies/traceurs « réseaux sociaux », soit en cliquant sur « Tout accepter », soit via la rubrique «Paramétrer vos choix». Le bandeau de couleur indique si le dépôt de cookies et la création de profils sont autorisés (vert) ou refusés (rouge). Vous pouvez modifier vos choix via la rubrique «Paramétrer vos choix». Réseaux sociaux Désactiver cette option empêchera les réseaux sociaux de suivre votre navigation sur notre site et ne permettra pas de laisser des commentaires.

OK

RT en français utilise des cookies pour exploiter et améliorer ses services.

Vous pouvez exprimer vos choix en cliquant sur «Tout accepter», «Tout refuser» , et/ou les modifier à tout moment via la rubrique «Paramétrer vos choix».

Pour en savoir plus sur vos droits et nos pratiques en matière de cookies, consultez notre «Politique de Confidentialité»

Tout AccepterTout refuserParamétrer vos choix