Les médias américains, pêchant par ignorance et émotivité, ne rendent pas service à leur pays en divisant le peuple américain, ce qui empêche les Etats-Unis d'établir des relations saines avec la Russie, estime le journaliste Bryan Crabtree.
RT : Donald Trump a déclaré lors d’une conférence de presse que les médias américains le critiquaient pour avoir voulu établir de bonnes relations avec la Russie, alors qu'ils l'auraient félicité s’il avait coulé un navire russe. Que pensez-vous de ce commentaire ?
Bryan Crabtree (B. C.) : Je pense qu’il y a deux types de politiciens aux Etats-Unis. Tout d’abord, il y a ceux qui sont financés par le complexe militaro-industriel, dont beaucoup d'entre eux veulent nous entraîner dans un conflit avec la Russie. En me préparant pour mon émission de radio cette semaine, je me demandais : «Comment se fait-il que certains républicains et démocrates dans notre pays veulent toujours que nous soyons en désaccord avec la Russie ?» Je pense que c’est parce qu’ils sont poussés par ceux qui financent leurs campagnes, les mêmes qui ont d'énormes intérêts dans le complexe militaro-industriel.
Cela m’étonne, pourquoi est-ce une si mauvaise idée pour notre président de vouloir relancer les relations avec Vladimir Poutine, ou tout du moins essayer de le faire ?
En revanche, vous avez des gens qui veulent la paix. Cela m’étonne, pourquoi est-ce une si mauvaise idée pour notre président de vouloir relancer les relations avec Vladimir Poutine, ou tout du moins essayer de le faire ? Beaucoup de gens ne croient pas que cela puisse arriver, et cela n’arrivera peut-être pas, mais cela vaut la peine d'être tenté, en adoptant une approche différente de celle que nous avons eu au cours des huit dernières années. Cela est très curieux.
RT : Est-il possible de ressusciter ces relations, compte tenu de la pression de l’establishment américain ?
B. C. : Je ne pense pas que nous puissions «ressusciter» ces relations ; quand cela a été annoncé sous l’administration de Barack Obama, j’ai considéré cette assertion comme extrêmement naïve. Nous pouvons trouver des centres d’intérêt communs. Par exemple, la Russie et les Etats-Unis ont tous les deux un intérêt à arrêter Daesh et à et créer une sorte de stabilité au Moyen-Orient. C’est un domaine dans lequel nous pouvons nous réunir pour collaborer.
En ce qui concerne un grand nombre d’autres aspects économiques et militaires à l’étranger, cela va être beaucoup plus compliqué, et, comme je comprends, c’est ce que Vladimir Poutine sous-entend en disant que c’est impossible ou presque impossible. Mais il me semble que Donald Trump estime que nous puissions trouver assez de points communs, assez de convergences pour apaiser les situations conflictuelles d’aujourd’hui, alors que l’administration de Trump prend ses fonctions.
J’aurais pensé que ses priorités étaient l’influence et la présence de la Russie dans le monde, et aussi la paix, pour que son pays puisse progresser économiquement
RT : Donald Trump a également souligné que les anciens présidents américains avaient été hostiles envers la Russie. Quelle est votre opinion ?
B. C. : Vladimir Poutine, si vous l’observez de loin, comme j'ai pu le faire, aime les gens compétents. Et ce, même si le président Poutine ne nous plaît pas, les gens comme lui, les leaders forts, comme Donald Trump l’avait qualifié – avec beaucoup de déférence. C'est un leader fort, même si les Américains ne sont pas d’accord avec sa politique. Des gens comme ça aiment les spécialistes compétents. Dans la politique étrangère à l’égard de la Russie et de Vladimir Poutine lui-même, Barack Obama était très faible et presque irascible à bien des égards. Ce qui a grandement nui, selon moi, à toute possibilité d’améliorer les relations. Peut-être que Poutine s’attend à la même chose, juste parce que nous sommes tellement divisés sur le plan politique dans notre pays qu’il va être très difficile pour le nouveau président américain de réaliser ce qu’il a en tête.
Donald Trump va finir par prouver le contraire, alors que notre processus politique s’épuise de lui-même. Je pense que Vladimir Poutine pourrait finalement être un peu surpris s’il cherche véritablement à établir de bonnes relations avec nous. Beaucoup de gens disent qu’il veut revenir à l’époque de l’Union soviétique ou tout du moins reprendre du terrain. Tel est le récit politique dans notre pays. J’ai peut-être tort, mais j’aurais pensé que ses priorités étaient l’influence et la présence de la Russie dans le monde, et aussi la paix, pour que son pays puisse progresser économiquement. Et tout cela va exiger une collaboration russo-américaine plutôt amicale, au moins dans certains domaines.
On avait créé une situation qui a incité les gens, à cause de leur propre ignorance et de leur curasse émotionnelle, à rendre un service vraiment très mauvais à tout le peuple américain
RT : Pourriez-vous évoquer les relations tendues entre Donald Trump et les principaux médias ?
B. C. : J’ai invité Arthur Brooks à mon émission d’aujourd'hui, il est le président de l’AEI (Institut de l’entreprise américaine), une personnalité éminente, et j’ai étudié un peu le sujet. Il me semble que nous avons beaucoup de bonnes personnes dans les médias aux Etats-Unis. Mon invité m’a dit que les gens à CNN étaient tous des bonnes personnes. Ce qui est arrivé, c’est qu’ils ont permis à des problèmes d’influencer leur jugement, sous le coup de l'émotion. Et quand vous devenez émotifs, quand vous avez peur de quelque chose qui peut arriver, vous vous convainquez que cela va être bien pire que ce n'est en réalité. Vous êtes en même temps journaliste et militant. Cela crée une situation qui a des conséquences sur les gens, à travers leur propre ignorance et émotivité, les journalistes ne rendent vraiment pas service ni à leur marque, ni à l'ensemble du peuple américain. Ils inventent des choses comme ça, essentiellement parce qu’ils croient que c’est vrai. Et ensuite, Donald Trump les accuse de propager des «fake news».
Vous pouvez avoir un article sur le pop-corn, et dans les commentaires, les gens commencent à discuter de Trump ou de Clinton
Je suis une personne qui aime en appeler aux médias, mais si vous regardez d'un point de vue global, ce n’est pas correct. Parce que vous avez un président qui qualifie les médias de «fake news», et vous avez des médias qui sont «fake» à certains égards. Et je ne pense pas que quiconque ait de mauvaises intentions, mais nous sommes tellement dans l'affect, que nous ne pouvons plus penser logiquement. Et je perds un peu espoir quant à notre capacité à changer. Notre nation est très divisée. Vous pouvez avoir un article sur le pop-corn, et dans les commentaires, les gens commencent à discuter de Trump, ou de Clinton, des démocrates ou des républicains. Peu importe. C'est dégoûtant. Et j’espère que nous allons nous en fatiguer, mais je n’en suis pas sûr.
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