Le grand jour est arrivé. Jean-Eric Branaa, spécialiste de la politique américaine, démêle pour RT France les fantasmes et les attentes entourant l'investiture de Donald Trump. Finira-t-il son mandat ? Fera-t-il la paix avec les médias ? Décryptage.
RT France : CNN a diffusé cette nuit un reportage au scénario catastrophe de ce qui se passerait si Donald Trump et une partie de son administration étaient assassinés pendant l'investiture. Le sujet a provoqué une vive polémique mais il révèle en creux ce sentiment qu'un président aussi hors-norme ne pourra pas réaliser un mandat complet. Pensez-vous que cela puisse être le cas ?
Jean-Eric Branaa (J.-E. B.) : C'est le genre de théories du complot qu'on lit un peu partout. Il y a aussi celle d'un impeachment qui entraînerait la destitution du président et l’empêcherait de finir son mandat. Je ne crois ni à l'une ni à l'autre. En règle générale, je me place plutôt sur la voie la plus apaisante. D'abord, les services de sécurité américains sont tellement draconiens que je vois mal comment quelqu'un pourrait passer au travers. Bien sûr, c'est toujours possible. On avait bien vu que Ronald Reagan avait été victime d'un attentat. Sans oublier évidemment John F. Kennedy. Mais justement avec ces deux événements, les services américains ont appris de leurs erreurs et sont devenus draconiens. On ne peut pas imaginer un incident comme la gifle de Manuel Valls aux Etats-Unis. J'avais été très surpris de voir en campagne électorale la sécurité autour de Donald Trump. J'avais essayé de l'approcher lui, Hillary Clinton et d'autres candidats. Pour Donald Trump, c'était tout simplement impossible.
Les Républicains n'iront pas contre Donald Trump
Quant à l'hypothèse d'une procédure d'impeachment, dans un cas de conflit d'intérêts ou autre, je n'y crois pas non plus. La destitution est avant tout un acte politique avant d'être une mesure judiciaire. Il faudrait que le parti républicain ait la volonté de faire tomber Donald Trump, car les démocrates n'ont pas les moyens de le faire tout seuls. Or, ce n'est pas dans l'intérêt des républicains de le faire. Il vaut mieux qu'ils s'accommodent de Donald Trump. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai répété pendant un an et demi sur les plateaux télévisés qu'il allait l'emporter. C'est de la politique ! Il y a 200 000 postes électifs en jeu aux Etats-Unis et ils dépendent tous de la réussite de celui qui porte l'image du parti à la présidentielle. On peut appeler cela un soutien forcé ou implicite mais cela donne souvent les meilleures alliances. Et cela explique pourquoi les républicains n'iront pas contre Donald Trump.
Le jour où la presse aura quelque chose de réel, de fondé et de sérieux à lui reprocher, il pourra contre-attaquer en disant : «Je suis attaqué depuis 18 mois»
RT France : Les attaques sur ses liens avec la Russie, le rapport sulfureux et non-vérifié publié par Buzzfeed, ses provocations tout azimut sur Twitter... Donald Trump a lancé une bataille depuis des mois contre l'establishment politique, culturel et médiatique américain, qui le lui rend d'ailleurs bien. Les scandales qui l'entourent peuvent-ils nuire à son mandat ? Ou peut-on imaginer que la presse et lui-même s'apaisent après l'investiture ?
J.-E. B. : Je crois que la situation ne va pas s'apaiser du tout. Les rapports entre Donald Trump et la presse américaine sont sur une très mauvaise pente et c'est assez inquiétant. De mauvais rapports avec la presse mettent en péril la démocratie, le droit du peuple à être informé et à ce que le pouvoir soit discuté. Cette défiance qui va s'installer pourrait nuire à la popularité du président. J'ai l'impression que ce que Donald Trump essaie de faire, c'est de présenter la presse comme un ennemi partial. Il y arrive très bien pour l'instant parce que les affaires dont vous parlez sont une erreur de la part de CNN et de Buzzfeed. A mes yeux, ils ont mis en péril toute leur profession en ne vérifiant pas leurs informations. Lorsque on se base sur des allégations et sur des rumeurs, c'est facile pour le pouvoir en place de dire : «Ecoutez, il n'y a rien de prouvé. Pourquoi publiez-vous ça ? Vous attaquez ma réputation.» Donald Trump s'est engouffré là-dedans et cela lui a donné a posteriori une justification de tout ce qu'il a dit pendant sa campagne.
Le jour où la presse aura quelque chose de réel, de fondé et de sérieux à lui reprocher, il pourra contre-attaquer en disant : «Je suis attaqué depuis 18 mois. D'ailleurs souvenez-vous les histoires dont on m'a accusé avec les Russes et les douches dorées.» C'est tout ce que les gens auront retenu, le côté dégoûtant des allégations contre lui et cela disqualifie et disqualifiera tout le reste.
Je pense que son discours va être une représentation nouvelle du rêve américain
RT France : Au-delà des médias, une partie des Américains s'opposent au président. Des manifestations et contre-manifestations fleurissent partout dans le pays. Comment Donald Trump peut-il se réconcilier avec l'Amérique qui ne veut pas de lui ?
J.-E. B. : Je crois que ce sera tout le sens du discours qu'il va prononcer aujourd'hui. Tout va traiter de la réconciliation. Je pense que son discours va être une représentation nouvelle du rêve américain. Il va essayer de présenter tout ce qu'il a expliqué pendant la campagne en disant que c'est, en réalité, un rêve pour tout les Américains. Que c'est un projet pour reconstruire la société américaine, qu'il a été mal compromis et que tout le monde doit se retrouver derrière tout ce qu'il propose : les valeurs de travail dans la société, de protection des Américains et de leur culture. Je crois qu'il va présenter une vision qu'il voudra dynamique et enthousiasmante pour l'avenir et qu'il va inviter les Américains à se réunir derrière lui pour faire réussir l'Amérique. Non pas pour le faire réussir lui en tant que Donald Trump, mais pour l'Amérique.
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