L’exclusion de l’ensemble de l’équipe nationale paralympique russe est une grosse erreur et représente un danger pour l’avenir des grands tournois internationaux, indique le professeur de l’université britannique d’Aston Ellis Cashmore.
RT : Cette décision du tribunal arbitral de sport (TAS) d’approuver la suspension de l’équipe paralympique russe créera-t-elle un précédent ? Qu’en pensez-vous ?
Ellis Cashmore (E. C.) : A mon avis, cette décision est une grosse erreur et je ne pense pas qu’elle puisse créer un précédent, parce que si c’était le cas, ce serait la mort de ces grands tournois internationaux comme les Jeux olympiques et paralympiques et les Coupes du monde. Il est très dangereux de disqualifier l’ensemble d’une équipe à cause de quelques personnes, on ne peut pas prouver que toute la délégation russe a eu recours au dopage. On punit tous les membres de l’équipe paralympique pour la faute de quelques-uns. C’est la pire des justices possibles. Cela ressemble à une punition scolaire.
La Russie a été un bouc émissaire dans le cas présent
RT : Le dopage est présent aujourd’hui presque dans tous les sports dans beaucoup de pays. Peut-on dire que des mesures sévères s’imposaient déjà et la Russie a eu la malchance d’être la première à en subir les conséquences ?
E. C. : C’est vrai que la Russie n’a pas eu de chance et a été un bouc émissaire dans le cas présent. Je pense que le Comité international olympique a dû avant les Jeux assurer à ses parrains commerciaux comme McDonalds, Coca-cola, Visa et Toyota qu’il allait prendre des mesures importantes au regard du dopage, ce problème qui persiste depuis déjà 30 ou 40 ans. Le CIO a choisi d’agir de façon spectaculaire en trouvant une nation qu’il pouvait disqualifier. Mais vu les aspects légaux, Thomas Bach, président du CIO, a été conscient des dangers liés à une éventuelle disqualification de l’ensemble de la délégation. On ne sait pas encore pourquoi la décision du CIP a été si différente de celle du CIO.
La question, c’est si celle-ci constitue une violation des droits de l’Homme. Cela n’a pas encore été prouvé et le gouvernement russe essaie de contester cette décision. Mais cela viole évidemment les droits des athlètes paralympiques propres, disqualifiés pour les erreurs des autres.
Thomas Bach a demandé au professeur McLaren, l’auteur du rapport sur le présumé dopage sponsorisé par l’Etat russe, de présenter des preuves tangibles. Il a refusé de le faire et c’est absolument incroyable
Ce qui rend la situation encore plus complexe, c’est que Thomas Bach, président du CIO, a demandé au professeur McLaren, l’auteur du rapport sur le présumé dopage sponsorisé par l’Etat russe, de présenter des preuves tangibles. Il a refusé de le faire et c’est absolument incroyable. Bien sûr, dans l’atmosphère d’euphorie générale de fin des Jeux cela est passé inaperçu.
RT : Cette décision peut-elle encore être contestée ?
E. C. : La situation a vraiment l’air d’être définitive, mais je ne suis pas sûr que le gouvernement russe puisse être d’accord avec un tel résultat. Je ne serais pas surpris si en fin de compte la Russie faisait appel de cette décision en se basant sur l’idée de violation massive des droits de l’Homme.
Chaque médaille olympique remportée ces deux précédentes semaines l’a été de façon provisoire
RT : La situation avec le dopage est-elle pire dans d’autres pays ?
E. C. : Je ne pense pas qu’elle soit différente de n’importe quel autre pays du monde. Il ne faut pas oublier que les tests vont continuer pendant 4-8 ans encore, voire même plus, ce n’est pas encore la fin. On peut donc supposer qu’il y aura probablement d’autres tests positifs. Il y a quelques mois on a retiré des médailles que des athlètes ont remporté aux Jeux olympiques de Pékin. Du coup, des mesures peuvent être appliquées de façon rétrospective. Si dans un pays jusqu’à présent il n’y avait pas de tests positifs, on ne peut pas être sûr que cela reste le cas dans le futur. Chaque médaille olympique remportée ces deux précédentes semaines l’a été de façon provisoire.
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