La décision du Comité international paralympique d'interdire à tous les athlètes russes de participer aux Jeux de Rio est injuste et fondée sur un rapport partial de Richard McLaren, affirme le rédacteur indépendant Rick Sterling.
RT : Quelle est votre réaction face à la disqualification générale des athlètes paralympiques russes ?
Rick Sterling (R. S.) : Je pense que c’est une décision déplorable et parfaitement injuste. J'ai écrit une critique assez détaillée du rapport McLaren qui a mené à la disqualification de tous les athlètes, et maintenant même des athlètes paralympiques. C’est une décision terriblement injuste fondée sur le rapport McLaren, qui est tout à fait partial.
RT: Pourquoi pensez-vous que ce rapport est partial ?
R. S. : Il y a quelques points sur lesquels il a été inexact ou peu crédible. Il affirme que les Russes ne semblent pas vouloir parler et pourtant dans son rapport il dit : «J'ai également reçu, sans l’avoir sollicité, un récit abondant, avec des pièces jointes, d'un représentant important du gouvernement, décrit dans le présent rapport.» Il poursuit : «Ce n’était tout simplement pas pratique de l’étudier ou d’interviewer les Russes.» Il s’agit donc d’un rapport parfaitement partial, où il [Richard McLaren] se base essentiellement sur [les dires] d’un témoin, qui était le principal coupable – Grigori Rodchenkov – et qui est maintenant, bien sûr, aux Etats-Unis.
Le fait que McLaren ait un mandat pour déterminer qui est coupable, et punir de manière appropriée, est une vaste mascarade
Une autre inexactitude que je voudrais souligner : McLaren affirme que l'objectif n'a jamais été d'identifier des individus en particulier. C’est faux. Son mandat portait spécifiquement sur le fait «d'identifier tout athlète qui aurait pu bénéficier d’hypothétiques manipulations visant à dissimuler des tests de dopage positifs».
Donc le fait que McLaren ait un mandat pour enquêter sur cette affaire, pour déterminer qui est coupable, et punir de manière appropriée, est une vaste mascarade. Il a jeté la suspicion sur l'ensemble de l'équipe olympique russe, et maintenant l'équipe paralympique, au lieu de faire ce qu'il était censé faire.
Nous sommes tous pour l'équité - l'équité dans le sport, l'équité dans la vie – et ce qu'il a fait est tout son contraire. Il y a plusieurs centaines d'athlètes qui ont travaillé dur pendant des années, se préparant pour les Jeux olympiques. Et on les a privés de la possibilité d'y participer à cause de ce rapport, très partial et qui me parait qussi être très politisé.
Cette accusation, selon laquelle tout est financé par l'Etat – il faut que nous en voyions la preuve
RT : Que pensez-vous des preuves tirées de l’enquête de Richard McLaren ? Avez-vous trouvé que ces preuves étaient suffisantes ? Comme il l'a avoué lui-même, il a gardé beaucoup de preuves pour lui-même.
R. S. : C’est le problème. Il dit qu'il a des preuves. Alors, montrez-nous les preuves. Il dit qu'il a des données électroniques. C’est dur de trouver quelque chose de plus vague que cela... Je veux dire, il faut que nous voyions les emails. Nous voyons les emails de Hillary Clinton et de la DNC (convention nationale du parti démocrate), on peut les lire et les interpréter à sa guise. Eh bien, si McLaren a un email impliquant le vice-ministre du ministère des Sports, il faut qu’il le montre. Sinon, ce sont simplement des accusations sans preuve. Il semble qu’il considère comme acceptable de dire : «J’ai la preuve et maintenant faites-moi confiance.»
RT : Je pense qu'il a dit, pour sa défense, qu'il craignait des accusations contre ceux qui ont lancé l’alerte ou fourni des preuves. Mais les autres victimes, les athlètes qui ne sont pas dopés, n’ont-ils pas le droit de voir les preuves qui les rendent supposément coupables ?
R. S. : Eh bien, ceci fait partie intégrante du tableau d’ensemble. Les Jeux olympiques ont été créés pour promouvoir certaines valeurs et limiter les conflits dans le monde, pour promouvoir la paix. L'une des normes de la Charte olympique s’oppose à la discrimination. Et là, nous avons fait face à un cas où l'IAAF a directement discriminé tous les athlètes russes. S'il y a des athlètes qui se sont dopés, c’est le travail de l'AMA (Agence mondiale antidopage) de les identifier et de les disqualifier. C’est dans cette optique qu’ils font tous ces tests. Mais à la place, ils ont disqualifié toute l'équipe, ce qui est une violation de la Charte olympique.
Nous assistons à une déformation grotesque des choses
RT : A qui ont-ils affaire dans une situation pareille ? Est-ce qu’ils punissent le gouvernement et non les athlètes ? Ou les athlètes, et non le gouvernement ? Que pourraient-ils faire dans ce cas de figure ?
R. S. : Eh bien, ils intensifient les tests, ils augmentent le nombre de tests. En fait, c’est ce qu’on a fait au cours de l'année. Après le rapport de la commission indépendante en novembre 2015, l'une de leurs décisions a été de rendre les tests, les analyses d’urine et de sang, obligatoires pour tous les athlètes russes, et de faire en sorte que ces analyses soient réalisées par un laboratoire extérieur certifié. C’est comme cela désormais. Cela partait au Royaume-Uni pour l'analyse.
Donc, il y a ici un vrai problème. Et il y a autre chose : il arrive que, si un mensonge est répété suffisamment de fois, tout le monde commence à y croire. Cette accusation, selon laquelle tout est financé par l'Etat – il faut que nous en voyions la preuve. Car l'identification des personnes qui ont triché ou l’identification de certains fonctionnaires du gouvernement qui ont reçu des pots-de-vin, ou de certains entraîneurs qui ont été disqualifiés mais continuent à entraîner de manière fictive – cela prouve que certaines politiques ont été violées, mais ne prouve en rien qu’un non-respect ou un rejet ouvert [des exigences] de l’AMA, parrainé par l'Etat, a eu lieu.
Ils sont donc retournés au rapport de la commission indépendante où, au lieu de dire qu'ils avaient trouvé des exemples de dopage, ils trouvèrent des exemples de corruption... Ce qui, bien sûr, a lieu dans le monde entier, dans de nombreux pays. Il y a des dizaines de milliers d'athlètes russes et bien sûr, certains se dopent. Mais cela arrive dans tous les pays, tous les grands pays.
L'AMA a besoin de se remettre sur la bonne voie. Ils ont besoin d'être impartiaux
Mais la question est qu’ils sont passés de cela à une accusation dans cet horrible rapport de la commission indépendante – pointant une culture de tricherie. Ce type de rhétorique se résume malheureusement à un message très politisé, très partial, très imprécis.
Je pense donc que l'AMA a besoin de se remettre sur la bonne voie. Ils ont besoin d'être impartiaux. Il faut mettre fin aux deux pods deux mesures, à la diabolisation de la Russie qui, bien sûr, est très poussée en Occident. L'AMA ne devrait pas faire partie de cela, et ce genre de parti pris politique est, comme je l'ai dit, une violation de la Charte olympique.
L'AMA, se politise de manière néfaste pour les Jeux olympiques
Je pense qu'il est important qu'il y ait des tests. Tout au long de l'année, tous ces athlètes qui sont interdits de Jeux participaient aux compétitions et passaient des tests. Tous ces tests étant effectués par le laboratoire international, pas un laboratoire russe. Donc, nous assistons à une déformation grotesque des choses. Les Jeux olympiques se déroulent au Brésil et nous avons vu le même genre de déformation de la réalité quand la présidente Dilma Rousseff, présidente élue, a été destituée, alors même qu’il n'y avait pas d'accusations de corruption crédibles contre elle. Elle est privée du pouvoir. [Quant au] président par intérim actuel, Michel Temer, il y a toutes sortes d'accusations de corruption crédibles contre lui.
Donc, le blanc est noir, le noir est blanc. Nous devons être très prudents en ce qui concerne les informations inexactes et déformées que publient les médais. Et dans ce cas, l'AMA, se politise de manière néfaste pour les Jeux olympiques.
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