Si les électeurs britanniques devaient décider d’une sortie de l’UE, cette décision constituerait le signal de la phase finale de cette dernière, estime Pierre Lévy, spécialiste des questions européennes .
A quelques heures du vote britannique, la patience est plus pertinente que les pronostics, forcément hasardeux. D’autant que ces derniers reposent sur des sondages dont les dernières élections générales, en mai 2015, ont montré qu’ils étaient fort aléatoires.
Certains commentateurs partisans du maintien du Royaume-Uni au sein de l’UE ont eu bien du mal à retenir d’indécents cris de joie à l’annonce du tragique assassinat de la parlementaire Helen Joanne Cox, comptant sur un effet de sidération et de compassion pour casser la dynamique du Brexit.
Dans les dernières semaines de campagne, quasiment tout ce que la planète compte d’élites mondialisées a tenté de convaincre les Anglais des cataclysmes qu’ils risquaient de déclencher en cas de sortie : G7, chefs d’Etat et de gouvernement, ministres, patrons de grandes firmes et multinationales, banquiers, agences de notation, OCDE, FMI… Les USA remportent à cet égard la palme, avec une visite à Londres tout exprès du président Obama, et un appel tout à fait inhabituel d’anciens secrétaires d’Etat et chefs des services de renseignement…
Pour la première fois, un pays déciderait de reprendre sa liberté
Une telle mobilisation donne la mesure de l’enjeu. Si les électeurs britanniques devaient décider d’une sortie de l’UE, cette décision constituerait le signal de la phase finale de cette dernière. Car pour la première fois, un pays déciderait de reprendre sa liberté. Dans le contexte actuel, les stratèges européens savent bien que ce choix conforterait les autres peuples dans leur rejet croissant de l’intégration, puisque ce simple constat s’imposerait : on peut désormais s’en aller.
La question ne serait plus alors de savoir si l’UE est en passe de se déliter, mais combien de temps le processus prendra.
Or l’intégration européenne est un projet politique enclenché à la fin de la seconde guerre mondiale (et très activement promu par Washington), d’abord par des moyens économiques, dont le but ultime est fondamentalement d’effacer le droit et la possibilité pour chaque peuple de décider des grands choix qui déterminent son avenir. La fameuse «union toujours plus étroite», horizon fixé par les traités, signifie précisément que chaque pays est dans l’obligation de plus en plus contraignante de s’aligner sur des politiques uniques ou «harmonisées».
Ce simple constat s’imposerait : on peut désormais s’en aller
Un Brexit constituerait donc un événement d’aussi grande portée que la chute du Mur de Berlin. Mais avec des conséquences inverses.
La disparition de l’Union soviétique et la dissolution du Pacte de Varsovie avait ouvert une ère où, sur le plan géopolitique, le camp occidental – notamment structuré au sein des organisations jumelles que sont l’UE et l’OTAN – s’est cru libre, dès la décennie 1990, de toute contrainte pour dominer le monde. S’en sont suivies agressions, guerres, et contre-révolutions pilotées à distance. L’agressivité actuelle des dirigeants occidentaux à l’égard de Moscou s’explique par le fait que la Russie n’a plus désormais l’attitude de déférence et de soumission qu’escomptaient initialement les stratèges occidentaux.
Et sur le plan économique et social, le rouleau compresseur de l’ultralibéralisme a triomphé : les salariés et leurs organisations, en particulier en Europe, ont pris de plein fouet le déséquilibre soudain du rapport de forces. Des années Reagan-Thatcher au projet de loi travail aujourd’hui, en passant notamment par la tragédie grecque, rarement autant de reculs sociaux auront été continûment imposés à l’échelle d’un quart de siècle.
Si les électeurs britanniques décidaient de ne pas de sortir de l’Union, les dirigeants européens savent que leur répit ne sera que de courte durée
Certes, une sortie de la Grande-Bretagne n’inverserait nullement d’un coup de baguette magique cette situation. Elle ouvrirait cependant un espace de liberté encore inimaginable aujourd’hui. Notons cependant qu’au cas où les électeurs britanniques céderaient à la peur en ne décidant pas de sortir de l’Union, les dirigeants européens savent que leur répit ne sera que de courte durée, tant le rejet de celle-ci nourrit les crises, actuelles et futures, qui minent le «projet européen».
Le plaidoyer enflammé pour celui-ci tenu par Barack Obama témoigne, en creux, des intérêts en jeu. Pour sa part, le président du Conseil européen, Donald Tusk, n’a pas hésité à parler de menace de «fin de la civilisation occidentale» en cas de Brexit.
D’autres enfoncent le clou en menaçant : seul Vladimir Poutine sortirait vainqueur du Brexit.
On laissera au président russe le soin de commenter l’événement à sa manière. Mais nul ne peut désormais douter de ce qui coalise désormais la Sainte-Alliance Obama-Merkel-Hollande-FMI-Soros-Goldmann Sachs…
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