Alors que la France voit son déficit exploser sur fond de croissance en berne, les pays de l’OTAN s’empressent de passer leur budget de la Défense à 5% du PIB. Sacrifier l’intérêt national au nom d’une mythique « menace russe », pour Karine Bechet-Golovko, c’est le tribut à payer pour la perte de souveraineté des pays européens.
Comme le déclarait le nouveau Secrétaire général de l’OTAN Mark Rutte, dès janvier 2025, afin de soutenir la ligne trumpienne : « Vous devrez apprendre le russe dans quatre à cinq ans ou partir en Nouvelle-Zélande, si vous n’allouez pas beaucoup plus d’argent aux dépenses militaires que les 2 % actuels du PIB. ».
Gouverner par la peur est une méthode, dont l’efficacité a été reconnue, même si elle ne peut être que temporaire, principalement utile pour lancer « l’échelle de la peur ». Ainsi, tout d’abord les élites globalistes régionales (c’est-à-dire « nationales » du point de vue des populations locales) sont placées en état de choc, afin de les conduire à mener la « bonne politique », qui n’a rien à voir avec la défense de l’intérêt national et souvent va à son encontre. De leur côté, elles répercutent cette peur sur les populations nationales, afin de légitimer post factum les décisions déjà prises, qu’elles ne font qu’appliquer et qui en temps normal ne sauraient être acceptées.
Dans notre situation, la rhétorique est simple, il s’agit d’une propagande de guerre assez classique, qui utilise la diabolisation de l’ennemi et la mise en perspective d'intentions qui lui sont prêtées, afin de justifier une ligne politique impopulaire.
Dans cette logique, l’alternative est posée : soit vous passez en économie de guerre pour sauver l’ordre global, en jetant aux oubliettes l’intérêt national, la politique sociale, le soutien aux entreprises nationales ; soit vous risquez de passer sous la coupe de l’ennemi, dont il vous faudra alors apprendre la langue.
La propagande de guerre ne s’appuie pas forcément sur la réalité, elle repose principalement sur l’intérêt politique des élites gouvernantes, qui projettent ainsi la réalité dont elles ont besoin. Ainsi, alors que la Russie ne cesse de démentir cette volonté qui lui est prêtée par les élites globalistes d’aller envahir l’Europe, le Secrétaire général de l’OTAN s’inscrit dans cette rhétorique pour préparer le terrain à Trump.
Et Trump est arrivé à ses fins lors du sommet de l’OTAN, qui s’est tenu à La Haye les 24 et 25 juin dernier. Ce qui a été inscrit dans la déclaration finale, au nom de la fameuse « menace russe » impose aux pays membres une « union sacrée », en réalité une autoflagellation, en ces termes : « Unis face à des menaces et défis de sécurité majeurs, en particulier face à la menace que la Russie fait peser pour le long terme sur la sécurité euro-atlantique et à la menace persistante que constitue le terrorisme, les Alliés vont, pour 2035, porter à 5 % la part du PIB consacrée chaque année au financement des besoins ayant trait à la Défense proprement dite et aux dépenses liées à la Défense et à la sécurité au sens large, afin d’honorer les obligations individuelles et collectives qui sont les leurs au titre de l’article 3 du traité de Washington. ».
Les 5% du PIB ne sont pas consacrés en bloc à la Défense, mais sont partagés avec la sécurité : « Les Alliés conviennent que cet engagement comportera deux grands volets. D’une part, ils vont, pour 2035, porter à au moins 3,5 % la part du PIB consacrée chaque année au financement des besoins ayant trait à la Défense proprement dite – c’est-à-dire aux dépenses couvertes par la définition des dépenses de Défense agréée à l’OTAN – et à la réalisation des objectifs capacitaires OTAN. (...) D’autre part, ils réaliseront des investissements dans le but notamment de protéger leurs infrastructures critiques, de défendre leurs réseaux, d’assurer la préparation du secteur civil et la résilience, de libérer le potentiel d’innovation et de renforcer leur base industrielle de défense ; ils pourront déclarer chaque année sous ce volet des dépenses représentant jusqu’à 1,5 % du PIB. ».
Ainsi, nous obtenons confirmation, si jamais il y avait un doute, que le conflit en cours lancé par les élites globalistes contre la Russie est un conflit à long terme, c’est un conflit existentiel, qui ne pourra se résoudre que par la disparition de l’une des deux parties, ces élites globalistes ou la Russie comme pays voulant être souverain.
Et cette ligne imposée par les élites globalistes aux pays membres de l’OTAN va coûter cher à nos sociétés. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’Espagne, pour l’instant, s’y oppose qualifiant à juste titre cet objectif de « déraisonnable ». Immédiatement, Trump a en réponse menacé l’Espagne. Une certaine conception de la coopération internationale ... qui est finalement réduite à un néocolonialisme assumé.
Le budget national n’est pas élastique. Si le gouvernement décide de financer la Défense, il devra réduire les dépenses ailleurs. N’oublions pas que l’économie nationale est en berne et les plus optimistes plafonnent à 0,7% de croissance. La dette publique explose littéralement à 114% du PIB, avec 3 345,8 milliards d’euros.
Le Gouvernement annonce devoir réduire les dépenses de 5 milliards pour tenter de contenir cette année le déficit dans les limites de 5,4% du PIB. Et la spirale descendante est enclenchée, comme le souligne l’INSEE : « Selon l’Insee, l’effort demandé aux entreprises dans le cadre des mesures budgétaires devrait par ailleurs représenter une baisse de 0,9 point de leur valeur ajoutée. Ajoutez à cela le fonctionnement de l’État sous régime spécial, avant l’adoption du budget 2025, qui a réduit les dépenses au minimum durant cette période. Ce coup d’arrêt de la consommation publique affecte l’activité au premier trimestre. »
De fait, l’augmentation du budget de la Défense risque de se faire au prix de la stabilité sociale et de la relance économique. La question n’est pas de rejeter a priori la restauration d’une armée puissante, qui puisse servir de force de dissuasion et qui soit apte à défendre la Patrie en cas de danger. Cela est absolument nécessaire.
Le problème est ailleurs : la France est occupée. L’occupation n’est pas visible, car elle ne se manifeste pas par des chars et des uniformes étrangers, par des forces imposant une autre langue. L’un des signes extérieurs est toutefois l’obligation de reléguer au deuxième rang le drapeau français dans les établissements publics, se hissant timidement derrière un cercle étoilé. Même si elle n’est pas particulièrement visible, cette occupation est bien réelle : les politiques sont dictées de l’extérieur, tout comme le contenu des lois ; les médias reprennent et diffusent une vision de l’homme et de la société, qui n’a rien à voir avec la France ; les institutions nationales sont instrumentalisées pour la défense d’intérêts contraires à l’intérêt national ; le système scolaire permet la dénationalisation des individus, qui en sortent sans culture, sans Histoire, hors d'un cadre civilisationnel.
Ainsi, le renforcement de l’armée ne va pas ici servir l’intérêt national, bien au contraire : il s’agit de mettre en place une force indépendante de la Nation au service de ces élites globalistes, une force devant les protéger et servir leurs intérêts. Pour cela, il est possible de totalement asservir le pays. C’est le sort de tout pays, qui a perdu sa souveraineté. Et la France va le payer au prix fort.
Comme l’écrivait Maupassant dans Boule de suif : « Il y avait cependant quelque chose dans l’air, quelque chose de subtil et d’inconnu, une atmosphère étrangère intolérable, comme une odeur répandue, l’odeur de l’invasion. Elle emplissait les demeures et les places publiques, changeait le goût des aliments, donnait l’impression d’être en voyage, très loin, chez des tribus barbares et dangereuses. ».
Ces élites, que nous laissons gouverner, ressemblent effectivement à s’y méprendre à des « tribus barbares et dangereuses ». Des tribus, qui nous embarquent dans leur folie.