François Hollande devient réticent à signer le TAFTA. Pourquoi cette nouvelle rhétorique ? Et quel est maintenant l'avenir de ce traité controversé ? L' économiste Thomas Porcher répond aux questions de RT France.
RT France : Alors qu’un nouveau cycle de négociations s’ouvre à New-York dans quelques jours, François Hollande émet des réserves sur le signature de traité. Est-ce que cette position peut influencer les négociations ?
Thomas Porcher : Oui complètement, la France est quand même une grande puissance au niveau européen. La Grèce de Syriza s’y était opposée sans réellement trouver d'oreilles. Mais avec l’opposition de la France, il y a des chances que le traité capote. Même si l’Union européenne peut être une machine bureaucratique qui fonctionne parfois en roue libre. Par exemple, la constitution européenne refusée par la France est finalement passée sous une forme différente.
Mais pour l'instant François Hollande a pris une position plutôt molle
Si demain, la France refuse de ratifier le traité ce serait un coup dur et cela ferait encore plus piétiner les négociations, qui piétinent déjà de l’autre côté de l’Atlantique. Dans la situation actuelle, avec les différentes mobilisations citoyennes aux USA et en Europe, on peut se dire que si une grosse puissance comme la France dit «on arrête» ça mettrait effectivement un coup d’arrêt très fort aux négociations. Mais pour l'instant François Hollande a pris une position plutôt molle.
La situation n’est pas très bonne pour les négociations, elles devaient aboutir en 2015 et sont retardées par toutes les mobilisations.
RT France : Les négociations peuvent-elles réellement être interrompues ?
T.P : Le Tafta, cela fait 20 ans qu’on en parle. Depuis 2009 il est revenu sur le devant de la scène, car il y a une volonté des Etats-Unis de faire une alliance avec l’Europe pour endiguer la montée en puissance des pays émergents. Mais au début des années 2000, signer un traité transatlantique ce n’était absolument pas la priorité des Etats Unis qui voulaient plutôt faire une alliance avec la Chine.
Le Tafta, cela fait 20 ans qu’on en parle
Au début de 2013, au début du cycle des négociations, le traité devait être ratifié en 2015, mais aujourd’hui ça piétine. Nous sommes en 2016 et on ne sait pas trop où cela en est. Dans une tribune des sénateurs et des députés ont expliqué leur méfiance vis-à-vis du Tafta. La ratification ne sera a priori par pour demain.
RT France : Le Tafta est-il une façon pour François Hollande de «redorer» sa côte de popularité ?
T.P : Avec ce qu’il c’est passé ces derniers temps en France, on a vu qu’en terme de politique nationale et de choix économiques on allait plutôt vers la droite : loi El Khomri, le débat sur déchéance de nationalité… Je pense qu’en terme de politique internationale il veut se montrer plus à gauche. Et s’opposer au Tafta, au libre-échange sont plutôt des valeurs de gauche à la base. Même si la position de François Hollande n’est que moyennement courageuse. Il s’y oppose à un moment où la mobilisation citoyenne est à son maximum en Europe et où les députés du PS émettent de gros doutes sur le traité.
S’opposer ou émettre des réserves au Tafta n’est plus une position courageuse, c’est devenu la position mainstream
Il a pris une position molle en disant qu’il ne ratifiera que sous certaines conditions, il ne sait pas fermement opposé. En vérité on ne sait pas vraiment ce qu’il y a dans le Tafta.
Pour François Hollande comme pour beaucoup de dirigeants, au début ce traité allait dans le sens de l’histoire. Et puis aujourd’hui avec toutes les informations, les études faites, on se rend compte des risques. Et surtout on prend conscience qu'il ne répond en rien aux problèmes actuels : ça ne répond pas au chômage, ça ne répond pas à la question climatique. On signe l’accord de la Cop 21, mais on veut faire un traité avec les USA qui lui n’est pas soumis à la contrainte climatique. Ce traité est à côté des attentes des européens comme des américains. S’opposer ou émettre des réserves au Tafta n’est plus une position courageuse, c’est devenu la position mainstream.
RT France : Elections aux Etats-Unis mais aussi en France, qu'est-ce que cela peut changer pour l'avenir du Tafta ?
T.P : Dans le débat aux USA, on voit que Donald Trump et Bernie Sanders sont opposés au Tafta, même Hilary Clinton commence à émettre des doutes. La période électorale oblige tout le monde à mettre les freins. Personne n’osera dire ouvertement qu'il veut accéléré les décisions pour le Tafta. La seule a garder cette position c’est Angela Merkel qui souhaite aller plus vite avant que Barack Obama quitte ses fonctions. En période électorale personne ne va s’aventurer sur ce terrain. A cela s’ajoute la mobilisation citoyenne, donc clairement les négociations vont piétiner.
En période électorale personne ne va s’aventurer sur ce terrain
La mobilisation citoyenne grandie de plus en plus. On est passé de collectifs citoyens, d’associations, à des parlementaires qui signent une tribune dans le monde pour signifier leur inquiétude. Il y a beaucoup de villes et de communes qui se sont dit anti-Tafta. Le sujet intéresse d’autant plus que les élus locaux n’ont pas d’information, or c’est un sujet qui concerne tous les pans de notre vie.
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