Inquiète face aux groupes néo-nazis en Ukraine, une sénatrice française interpelle le Quai d'Orsay
Après le séjour de trois sénateurs français en Ukraine, Nathalie Goulet, sénatrice de l’Orne, a interpellé les Affaires étrangères françaises. Elle souhaite connaître la position de Paris sur la croissance des mouvements néo-nazis sur place.
Le 10 juin, la sénatrice centriste de l’Orne Nathalie Goulet a posé une question au ministère français des Affaires étrangères concernant le développement de mouvements néonazis en Ukraine. Une inquiétude qui fait suite à la visite de trois sénateurs français en Ukraine le 29 mai pour rencontrer le député d’opposition Vadim Rabinovitch.
Dans cette question écrite, Nathalie Goulet interroge le ministre de l'Europe et des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian sur la situation en Ukraine, car les partis néo-nazis y développent selon elle «des activités de plus en plus visibles, y compris au centre de Kiev, avec des stands de tir, des pratiques de montage et de démontage de kalachnikovs, et des bureaux d'embrigadement de jeunes dans des milices qui se revendiquent clairement de l'idéologie nazie». «Ces activités sont conjointes à l'entraînement de miliciens de suprématie blanche qui fomentent des attentats dans toute l'Europe, au nom du tristement célèbre régiment Azov», précise la sénatrice, qui s'inquiète de ces activités «extrêmement préoccupantes». Nathalie Goulet souhaite donc connaître la position du Quai d'Orsay sur la question, ainsi que les mesures que compte prendre le ministère «pour éviter la contagion de cette idéologie mortifère».
Une glorification toujours présente de la collaboration avec l'Allemagne nazie
Ces derniers mois, des groupuscules néo-nazis se sont manifestés en Ukraine sur la voie publique, ou lors de divers événements. Encore récemment, le 3 juin dernier, lors d'un match de football entre l'Ukraine et l'Irlande du Nord, des supporters effectuaient par exemple des saluts nazis. Quelques jours plus tôt, le 28 avril, s'était tenu à Kiev un défilé honorant la mémoire de la 14e division SS «galicienne n°1» – ou Division «Galicie» – un groupe de volontaires ukrainiens engagés aux côtés de l'Allemagne nazie lors de la Seconde Guerre mondiale. Une manifestation qui a suscité l'indignation de l'Allemagne, de la Russie et d'Israël.
Le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères Lior Hiat avait rappelé à cette occasion que «les unités Waffen SS ont été impliquées dans certains des pires crimes commis pendant l'Holocauste». «Nous condamnons la glorification continue des collaborateurs nazis et attendons du gouvernement ukrainien qu'il condamne sans équivoque tous ces phénomènes et les empêche de se reproduire», avait encore écrit le diplomate sur les réseaux sociaux.
3/3 We condemn the continued glorification of Nazi collaborators and expect the Ukrainian government to unequivocally condemn all such phenomena and prevent them from being repeated.
— Lior Haiat 🇮🇱 (@LiorHaiat) April 29, 2021
Dans un communiqué, le porte-parole du ministère ukrainien des Affaires étrangères avait déclaré «condamner fermement toute manifestation de glorification des troupes de la Waffen-SS». «Nous devons veiller à ce que l'Etat et la société ukrainiens aient une tolérance zéro pour toute justification des crimes nazis», concluait le communiqué faisant suite au défilé du 28 avril.
Commentaire du porte-parole du ministère des affaires étrangères d'Ukraine sur la marche à Kyiv dédié à la création de la division SS «Galychyna»https://t.co/MIeEu2azWVpic.twitter.com/g7vlCksfro
— UKR Mission to UN (@UKRinUN) April 30, 2021
Mais la problématique n'est pas nouvelle. Ainsi, en janvier 2020, des milliers de nationalistes ukrainiens avaient célébré le Nouvel An à Kiev en défilant en hommage à Stepan Bandera, leader des nationalistes ukrainiens dans les années 1930 et 1940 et considéré comme un criminel de guerre par les Polonais et les Russes en raison de sa collaboration avec l'Allemagne nazie. Le président ukrainien Viktor Iouchtchenko avait participé à sa réhabilitation en le nommant à titre posthume, «Héros de l’Ukraine» en 2010 – un décret invalidé en 2011.
Aujourd’hui, les courants de l’ultra-droite ukrainienne restent faibles, peu suivis et divisés, mais ils n'en conservent pas moins une certaine influence. Le parti d'opposition Svoboda est né sur les cendres du SNPU, une formation politique dont l’emblème était une rune nazie. Son ancien leader Andreï Parouby s’est aujourd’hui racheté une conduite, a rejoint le gouvernement Zelensky en tant que centriste, et est devenu président de l’Assemblée. Sa venue en France pour une rencontre avec François de Rugy en juin 2018 avait déclenché les protestations de certains députés. Corps national est un autre parti d’ultra-droite, qui émane quant à lui du régiment Azov et qui est composé de vétérans de ce bataillon proche de la mouvance néonazie. Son leader, Andreï Biletsky, affiche des convictions suprématistes. Dès le début du conflit dans le Donbass, les affinités du bataillon Azov avaient été repérées par la presse anglo-saxonnes, mais la controverse a été noyée dans l’approbation générale par l'Occident de la «révolution» de Maïdan, en 2014.