C'est la grand-messe annuelle des diplomaties du monde entier. Le siège new-yorkais de l'ONU, dans l'est de Manhattan, et son secrétaire général, le Portugais Antonio Guterres, attendent ce 25 septembre environ 130 chefs d'Etat et de gouvernement, quatre vice-présidents et plus de 40 ministres des Affaires étrangères. Au programme : une semaine de discours et de prises de parole à la tribune prestigieuse pour tenter, par le verbe, de réparer un système international de plus en plus instable.
Cette 73e Assemblée générale des Nations unies, institution créée en 1945 pour, selon la charte de San Francisco, «préserver les générations futures de la guerre» et faire respecter le droit international, s'ouvre ainsi dans un climat délétère. L'un des piliers de l'organisation internationale, les Etats-Unis, lui fait précisément défaut, alors que des forces antagonistes agitent le sommet du pouvoir à Washington, et que l'action de Donald Trump, en conséquence, paraît toujours plus erratique et imprévisible.
Syrie
Petits et surtout grands conflits, avec ou sans mission de paix de Casques bleus, seront comme chaque année au menu des discussions, du Sahel à la Birmanie, en passant par la Libye, la Centrafrique, la Somalie, le Proche-Orient, le Yémen ou encore le Venezuela. La Syrie, où la situation reste toujours explosive, après plus de sept ans de conflit, devrait occuper une place importante au sein des discussions.
Face à la détermination de la Russie, intervenue conformément au droit international sur demande du gouvernement syrien, Washington a amendé ses objectifs en Syrie, faisant planer le doute sur la véritable motivation de la coalition arabo-occidentale sous direction américaine. Daesh défait, la justification avancée en premier lieu pour légitimer l'intervention militaire illégale sous l'égide de Washington ne tient plus. Pour autant, Washington a fait part de sa volonté de maintenir sa présence en Syrie, s'inquiétant notamment de l'influence de l'Iran dans la région. En outre, début 2018, les «rebelles» que soutenait Washington ne représentent plus que quelques poches tenues par les groupes armés djihadistes, comme dans la province d'Idleb.
Jetant le masque, Washington a menacé d'intervenir, d'abord en invoquant l'utilisation supposée d'armes chimiques par Damas, puis élargissant cette éventualité à toute attaque de l'armée syrienne «contre les civils». A la faveur d'un accord entre Ankara et Moscou, la perspective d'une offensive de l'armée régulière syrienne dans la région d'Idleb (nord du pays), redoutée par l'ONU, semble néanmoins s'éloigner, privant les Etats-Unis d'un casus belli.
La question de la reconstruction et de son financement se profile par ailleurs tout doucement, le gouvernement syrien ayant largement pris le dessus sur les groupes djihadistes.
Pourtant, les tensions entre les différents belligérants restent vives dans la région, en témoigne le crash d'un avion russe au large de la Syrie le 17 septembre dernier, abattu par un tir malheureux de la défense antiaérienne syrienne. Sept jours plus tard, le 24 septembre, la Défense russe accuse Israël de porter l'entière responsabilité du drame, ce que dément l'Etat hébreu, renvoyant la balle à Damas et mettant en garde, comme l'Oncle Sam, contre la présence iranienne en Syrie.
Iran
Signe que l'ambiance n'est pas à l'apaisement, Donald Trump doit présider le 26 septembre, marteau à la main, une réunion de chefs d'Etat ou de gouvernement du Conseil de sécurité pour, selon la représentante américaine aux Nations unies, Nikki Haley, «attirer comme jamais l'attention» sur l'Iran, bête noire des Etats-Unis accusée de déstabiliser le Moyen-Orient.
Inversion accusatoire ? En décidant unilatéralement de son retrait en mai 2018 de l'accord sur le nucléaire iranien, Washington a encore fait monter d'un cran les tensions dans la région. Avec en mémoire les manifestations qui ont secoué l'Iran au début de l'année, et auxquelles les Etats-Unis s'étaient dits favorables, Téhéran, de son côté, accuse Washington de pousser à un changement de régime.
Récemment frappé par un attentat lors d'un défilé militaire à Ahvaz, dans l'ouest de l'Iran, qui a fait au moins 24 morts civils et militaires, Téhéran a en outre accusé plusieurs Etats étrangers d'en être responsables. Alors que les noms de l'Arabie saoudite et des Emirats arabes unis ont été cités, l'Iran a convoqué le jour du drame trois diplomates européens, représentant le Danemark, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, les accusant d'héberger sur leur sol des terroristes liés à cette attaque.
Corée du Nord
L'an dernier, à la tribune de l'Assemblée, Donald Trump avait promis «de détruire totalement» la Corée du Nord en cas d'attaque de Kim Jong-un, rebaptisé «Rocket man» pour l'occasion par le dirigeant étasunien. Cette année, un peu d'eau a coulé sur les ponts et l'heure est à la détente avec Pyongyang.
«Le président Kim a vraiment été très ouvert, et, honnêtement, il a été formidable [...] Je pense qu'il veut vraiment que quelque chose se passe», a ainsi lancé le président américain, à peine arrivé à New York le 24 septembre.
Une nouvelle rencontre est en effet envisagée cette semaine à New York entre les chefs de la diplomatie américaine et nord-coréenne.
Mais le rapprochement spectaculaire entre les deux adversaires n'a pas, jusqu'à présent, donné lieu à des avancées significatives vers une dénucléarisation de la péninsule. «Des pas de bébés [...] dans la bonne direction», a résumé l'ambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley.
Unilatéralisme américain
Les Etats-Unis, forts de leur prétention à exercer un leadership mondial, font de plus en plus cavalier seul, loin du «multilatéralisme fort» qu'Emmanuel Macron appelle de ses vœux, du moins quand il rencontre Vladimir Poutine. En un an, Washington s'est ainsi retiré de l'accord de Paris sur le climat de 2015, de l'accord sur le nucléaire iranien, du pacte mondial sur la migration, de l'Unesco et du Conseil des droits de l'homme de l'ONU...
Toujours dans cette logique unilatérale, le conseiller à la Sécurité nationale américain John Bolton s'en est en outre pris à un autre symbole, la Cour pénale internationale. Les Etats-Unis ont également, depuis un an, échaudé leurs alliés : Donald Trump a vivement mis en cause l'OTAN et la diplomatie américaine, et tordu le bras aux Européens pour qu'ils se joignent aux sanctions contre l'Iran.
La question se pose : les Etats-Unis qui se trouvent, hasard du calendrier, à assurer la présidence du Conseil de sécurité, vont-ils contribuer à désamorcer les conflits dans le monde ou, au contraire, souffler sur les braises ?
Alexandre Keller