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Deux ans de l'intervention russe en Syrie : retour sur les étapes marquantes du conflit

Intervenue à la demande du gouvernement syrien, la Russie est investie dans la lutte contre Daesh depuis deux ans. Palmyre, Alep, Deir ez-Zor... entre revers et victoires, l'engagement russe a permis des avancées considérables sur le terrain.

C'était le 30 septembre 2015 : Moscou entamait ses opérations militaires en Syrie après plusieurs semaines de préparatifs. Intervenue à la demande du gouvernement syrien, la Russie s’était fixée pour objectif d’empêcher le pays de basculer aux mains des djihadistes. RT revient sur les moments marquants de ces deux années écoulées.

Palmyre, symbole du martyre syrien

Alors qu’elle enchaîne les succès militaires dans l’ouest du pays, l’armée syrienne subit un revers à Palmyre, cité antique du centre du pays, réputée pour compter parmi les plus admirables au monde. En mai 2015, au terme d’une offensive particulièrement violente durant laquelle de nombreux combattants terroristes ont été mobilisés, l’Etat islamique parvient à s’emparer de la cité. Les destructions de vestiges archéologiques déjà commises en Irak par les djihadistes font alors craindre de nouvelles dégradations.

Mais c’est tout d’abord par une mise en scène macabre que Daesh décide d’attirer l’attention des médias : une vingtaine de personnes sont exécutées dans le théâtre antique de la ville, symbole du glorieux passé préislamique de Palmyre autant que des liens entre la Syrie et l’Occident, grâce auxquels les découvertes archéologiques ont pu être réalisées. Le 18 août 2015, l'ancien directeur des Antiquités de Palmyre, Khaled al-Asaad, considéré comme l’un des meilleurs spécialistes du monde antique, est tué par décapitation par des djihadistes. S’en suivent de nombreuses destructions, parmi lesquelles celles du temple de Ballshamin, de sept tours funéraires et même de monuments pourtant laïques, comme le musée archéologique ou l’arc de triomphe.

En mars 2016, l’armée syrienne, soutenue par les forces iraniennes et russes, parvient à reprendre Palmyre… avant que Daesh, par une nouvelle offensive lancée en décembre de la même année, ne parvienne à en prendre de nouveau le contrôle, malgré le soutien apporté à l’armée syrienne par l’aviation russe. La victoire de mars ayant été l’une des plus grandes réussites de l’armée russe, le retour des djihadistes constitue une humiliation, même s’il ne durera que trois mois. Il faudra en effet attendre que l’armée syrienne, à l'issue de la bataille d’Alep, parvienne à mobiliser suffisamment d’hommes, pour que l’Etat islamique soit enfin chassé de la ville en mars 2017. Entre-temps, les djihadistes auront détruit plusieurs autres hauts lieux historiques.

Alep, une bataille militaire et médiatique

En septembre 2016, les forces armées syriennes, avec l’aide de l’aviation russe, lancent une opération afin de reprendre Alep. Jadis réputée pour être l’une des villes les plus prospères du Moyen-Orient, Alep est divisée en deux depuis l’été 2012. A l’Est, des groupes rebelles auxquels se mêlent des factions djihadistes parmi les plus violentes, à l’instar du Front al-Nosra, combattent sans relâche le gouvernement syrien, ce dernier contrôlant la partie occidentale de la ville.

La difficulté à établir l’obédience exacte des différents groupes présents à Alep-Est, ainsi que la nature précise de leurs objectifs, sont au cœur de vives tensions entre la Russie et les Etats-Unis. Si Washington accuse Moscou de s’en prendre à des «rebelles modérés», Moscou dénonce la complaisance de Washington envers certains combattants ainsi que son incapacité à se faire entendre de la frange «modérée». Face à cet accroissement des tensions, l’offensive d’Alep devient de plus en plus inévitable aux yeux de la Russie.

Ainsi, à l’automne 2016, l’opération est lancée. Le fait que les combats se déroulent dans la ville, ainsi que le refus de certains groupes rebelles de laisser les civils quitter Alep-Est pour gagner la partie Ouest de la ville, rendent l’offensive particulièrement meurtrière. Rapidement, de nombreuses voix se font entendre en Occident, particulièrement dans les rédactions européennes et américaines, qui dénoncent les «crimes de guerre» et la «barbarie» dont la Russie se rendrait coupable. La bataille d’Alep se prolonge dans les médias.

Si la ville est entièrement libérée à la fin de l’offensive, le bilan est très lourd : près de 20 000 civils sont morts depuis l’arrivée des rebelles, des centaines de milliers de personnes ont été déplacées par les combats, et les destructions sont nombreuses...

Il faudra en outre attendre le mois de juin pour que la province entière soit à son tour débarrassée des derniers combattants de l’Etat islamique.

Deir ez-Zor, le début de la fin de la guerre ?

L’attention de Damas et de Moscou se porte désormais vers le gouvernorat de Deir ez-Zor, dans la partie orientale du pays. La capitale éponyme est assiégée depuis 2014 par les djihadistes de Daesh, qui contrôlent sa banlieue ainsi que les régions rurales environnantes. Au cœur de la ville, sous contrôle du gouvernement syrien, les habitants font face à des conditions de vie extrêmement difficiles, notamment à cause du blocus imposé par les assiégeants.

Début septembre 2017, l’armée syrienne et le groupe armé libanais Hezbollah parviennent finalement à lever le siège, avec l'appui de l'aviation militaire russe – une victoire dans laquelle la Russie voit un tournant stratégique majeur pour la lutte contre Daesh. Avec à présent 87% de son territoire libéré, selon le ministère de la Défense russe, la Syrie entre dans une nouvelle phase, alors que l’Etat islamique se voit retranché dans son fief de Raqqa, que les forces rebelles arabo-kurdes, soutenues par les Américains espèrent reprendre avant la fin de l’année.

L’offensive de Deir ez-Zor est également l’une des plus coûteuses en vies humaines dans l’histoire récente de l’armée russe. Avec la mort du lieutenant-général Valeri Assapov et de deux de ses adjudants, fin septembre, le nombre total de soldats russes ayant perdu la vie au combat s’élève à 35, selon les autorités russes.

Des tensions croissantes, un avenir incertain

Actuellement, les rivalités entre les différentes forces en présence, au premier chef desquelles celle opposant l’armée syrienne à l’Armée syrienne libre (ASM, un rassemblement de groupes rebelles principalement composé de Kurdes), s’expliquent principalement par les ambitions distinctes qu’elles affichent. Alors que les premières veulent rétablir le pouvoir de l’Etat et éradiquer les djihadistes, les secondes entendent obtenir le départ du président Bachar el-Assad et faire valoir leurs revendications politiques. La course vers les puits de pétrole de Deir ez-Zor, dont une partie est encore contrôlée par les djihadistes, illustre cette concurrence exacerbée déjà tournée vers l’après-guerre.

Derrière chaque camp, ce sont les puissances étrangères engagées dans le conflit qui se livrent à un bras-de-fer plus que tendu. L’élection de Donald Trump aux Etats-Unis devait marquer un tournant avec la politique jusque-là adoptée par Barack Obama dans le dossier syrien, et laissait espérer une accalmie. Il n’en sera sans doute rien. Au lieu de promouvoir une coopération russo-américaine pour combattre au mieux l’Etat islamique, Washington a décidé de s’investir encore davantage, sans concertation, et au prix d’une recrudescence des tensions avec la Russie. Alors que Barack Obama avait limité l’investissement américain sur le terrain à des missions des forces spéciales, Donald Trump a ainsi autorisé le Pentagone à envoyer les marines sur place et à déployer de l’artillerie lourde – sans le moindre accord du gouvernement syrien.

L’incident de Khan Cheikhoun, le 4 avril 2017, avait déjà permis de mesurer la détermination des Etats-Unis à faire primer leur agenda sur une collaboration efficace contre le terrorisme. Après cet incident chimique attribué par la majorité des pays occidentaux à l’armée syrienne, malgré l’absence de preuves et la présence d’éléments contredisant cette hypothèse, l'armée américaine avait tiré 59 missiles Tomahawk dans la nuit du 6 au 7 avril sur une base aérienne syrienne. La Russie avait dénoncé une attaque contre un pays souverain.

Si l’Etat islamique est en train de subir de nombreux revers sur le plan militaire en Syrie, il semble décidé à se délocaliser, notamment vers la Libye, et à poursuivre ses activités. En outre, la fin de la guerre ne signifie ni la fin des déchirements internes en Syrie, ni la fin du terrorisme djihadiste dans le monde. Dans ce contexte, la Russie rappelle régulièrement qu’elle fait de la stabilité des Etats du Moyen-Orient un élément indispensable de la prévention du djihadisme, et de la lutte contre le terrorisme une priorité absolue. 

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