La tactique de Donald Trump en Syrie fait écho à l'invasion de Grenade ordonnée par Ronald Reagan en 1983 pour détourner l'attention de la tragédie de l'attentat contre des marines américains au Liban, selon l'historien Gerald Horne.
Selon les Etats-Unis, les tirs de missiles contre la base aérienne syrienne d'Al-Chaayrate étaient une riposte à l'attaque chimique perpétrée dans la province d'Idleb que Washington impute aux autorités syriennes et qui a tué un grand nombre de civils. Cependant, Damas rejette fermement toute implication.
L'ambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley, a présenté des images, prétendant montrer les enfants victimes de l'attaque chimique. Selon elle, toutes les caractéristiques propres à l'utilisation d'armes chimiques par le régime de Bacher el-Assad, y sont visibles.
Le ministère russe des Affaires étrangères a souligné qu'aucune enquête sur la participation du gouvernement syrien à cette attaque chimique n'avait encore été réalisée. Son porte-parole, Maria Zakharova, a souligné qu'en dépit des appels Etats-Unis à mener une enquête, Washington avait détruit les avions qu'il voulait voir examinés, ce qui, selon elle, n'a rien à voir avec la recherche de la vérité.
RT : Nikki Haley a évoqué les preuves «classifiées» prouvant que Bachar el-Assad était responsable de l'attaque chimique du 4 avril dans la province d'Idleb. Si les Américains les possèdent vraiment, pourquoi ne les montrent-ils pas dans le cadre de l'ONU ?
Gerald Horne (G. H.) : C'est la question clé. Cela nous rappelle qu'après la dernière attaque chimique en août 2013, Seymour Hersh, éminent journaliste américain, avait fait une enquête et découvert que le responsable de cette attaque particulière n'était pas le régime de Damas ou le président Assad, mais en fait, des rebelles appuyés par leurs alliés extérieurs. Ensuite, il s'agit certainement d'une question légale. Où est la résolution de l'ONU qui a autorisé cette attaque contre la Syrie ? Je parie qu'il n'y avait pas de menace imminente d'une attaque syrienne contre les Etats-Unis. Je me demande donc quelle est la justification légale à cette attaque américaine en Syrie du point de vue du droit international. Ensuite, il y a également la question du droit interne. La Constitution américaine donne au Congrès le droit et le pouvoir d'autoriser le pays à entrer en guerre mais il n'y a pas de résolution de Congrès qui aurait autorisé cette attaque contre la Syrie. Et puis, il y a la question politique. On sait que Donald Trump a été confronté à une série de scandales et on sait aussi que les présidents américains qui connaissaient des problèmes sur le plan intérieur ont mené des guerres à l'étranger. C'était l'intrigue du film hollywoodien sorti en 1997 Des hommes d’influence (Wag the Dog), nom donné par certains experts à la tactique de Donald Trump. Je me souviens aussi qu'en 1983, un jour après l'attentat contre des marines américains au Liban, Ronald Reagan, le président américain de l'époque, avait envahi Grenade, la toute petite île des Caraïbes, pour détourner l'attention de cette tragédie. Cette attaque contre la Syrie fait écho à 1983.
Ce jeu de muscles de la part de Donald Trump était un signal pour la Chine
RT : Malgré le bombardement, la base d'Al-Chaaryat fonctionne toujours et des avions peuvent en décoller. Le sénateur républicain Lindsey Graham a déclaré que c'était une «erreur grave». Quelle est la logique derrière tout ça ? Le président Assad doit-il obtenir la permission de Washington pour utiliser sa propre base dans son propre pays ?
G. H. : Evidemment, c'est ridicule, mais nous devons garder un œil sur ce qui se passe et reconnaître qu'il y a un enjeu plus important. Souvenez-vous qu'il y a eu maints affrontements dans les premiers mois de 2017 entre vaisseaux iraniens et américains dans le golfe Persique. Ce n'est un secret pour personne que Donald Trump est hostile au régime iranien. On sait qu'il aimerait voir un changement de régime se produire à Téhéran. Depuis que l'Iran s'est mis à jouer un rôle actif dans le soutien des autorités syriennes, il me semble que ces missiles visant le pouvoir syrien étaient aussi un signal pour Téhéran. De la même façon, je ne trouve pas fortuit ou accidentel que le président Xi Jinping se soit trouvé en Floride au moment où Donald Trump a autorisé cette attaque contre la Syrie. Non seulement parce que Donald Trump exerçait une pression sur la Chine pour qu'elle exerce une pression sur ses alliés en Corée du Nord... Mais aussi parce qu'il y a eu beaucoup d'hystérie aux Etats-Unis à cause de la montée de la Chine. Ce jeu de muscles de la part de Donald Trump était un signal pour la Chine, tout comme en 1999, lorsque les Etats-Unis ont «par accident» bombardé l'ambassade de Chine à Belgrade, un signal pas très subtil.
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