Le Sénat vote l’extension de la PMA à toutes les femmes, mais pas son remboursement
Après des débats enflammés, les sénateurs ont adopté l'article premier du projet de loi bioéthique. Si le texte prévoit l'extension de la PMA à toutes les femmes, les élus la chambre haute ont refusé son remboursement par la Sécurité sociale.
Dans la nuit de 22 au 23 janvier, le Sénat, à majorité de droite, a voté, par 160 voix contre 116, en faveur de l’article premier du projet de loi bioéthique, élargissant ainsi la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes. Les sénateurs en ont néanmoins limité le remboursement par la Sécurité sociale aux PMA à caractère «médical».
Les Républicains (LR) ont largement voté contre l’article (87 contre 22), à l’instar de l’Union centriste, contrairement aux groupes de gauche et au parti présidentiel, qui ont dans l’ensemble soutenu la mesure emblématique du projet de loi bioéthique annoncée par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2017.
🔴✅ #PJLBioéthique : le #Sénat a adopté l'article 1er du projet de loi relatif à l'ouverture à la #PMA à l'ensemble des couples de femmes et aux femmes seules, avec 160 voix pour et 116 voix contre.
— Sénat (@Senat) January 22, 2020
Plus d'informations ➡️https://t.co/NgCgxtjUMzpic.twitter.com/o3ArcL3nfp
Un remboursement limité de la PMA
Toutefois, les locataires du Palais du Luxembourg ont introduit une nouvelle mesure : la limitation du remboursement aux PMA fondées sur «critère médical». Dans les faits, selon cette disposition, les PMA ne pourraient être remboursées qu’après constatation d’une infertilité, modifiant ainsi largement le fond du projet de loi en privant les lesbiennes et les femmes seules de cette prise en charge. Un ajout au texte dénoncé par la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, comme une atteinte «au principe d’égalité et de solidarité».
Les débats précédant l’adoption du texte ont été vifs, la droite critiquant largement le texte défendu par le gouvernement. «Je ne vois pas la légitimité d'un financement par l'assurance maladie de quelque chose qui ne relève en aucun cas d'une indication médicale», a appuyé le sénateur LR Philippe Bas, président de la commission de la chambre haute.
De son côté, l’ancienne ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, la socialiste Laurence Rossignol, a accusé la droite de vouloir «exclure les couples lesbiens et les femmes seules d’un des fondements de notre République : la Sécurité sociale». La sénatrice de l’Oise a critiqué une «mesure dissuasive» et une «sanction financière».
A noter que s’étaient réunis, devant le Sénat, quelques centaines d’opposants à la PMA pour toutes, comme la veille au soir, rassemblés autour d’une sono avec des drapeaux et quelques fumigènes. Ils ont scandé «le progrès c’est le retrait» alors que La Manif pour tous a d’ores et déjà appelé à un rassemblement similaire ce 23 janvier.
Un texte largement retoqué
Mais la limitation du remboursement de la PMA par la Sécurité sociale n’est pas le seul ajustement apporté au texte par les sénateurs. Ils ont également rejeté le «double don» de gamètes, mesure elle aussi portée par le gouvernement, consistant à autoriser le recours à la fois à un don d’ovocyte et à un don de sperme dans le cadre d’une PMA, Les Républicains fustigeant «une rupture de lien biologique» dans la filiation.
Les sénateurs ont en outre ajouté, en amont de la démarche de PMA, une «évaluation sociale», qui viendrait s’ajouter aux évaluations médicales et psychologiques prévues par le texte. La sénatrice communiste Eliane Assassi a mis en lumière ce qu’elle considère être une «stigmatisation» et un «mépris de classe».
Enfin, comme l’avaient fait leurs collègues du Palais Bourbon, les sénateurs ont rejeté, de peu, la PMA post mortem, cette mesure permettant à une femme de poursuivre le processus de PMA en cas de décès de son conjoint.
Si Laurence Cohen, sénatrice du groupe communiste du Val-de-Marne, s’est alarmée d’un «dévoiement de l’esprit du texte», les sénateurs opposés à l’extension de la PMA ont eux aussi avancé leurs arguments. Dénonçant un risque de «glissement» vers la gestation pour autrui (GPA), ces sénateurs, parmi lesquels Jean-Pierre Leleux (LR) ou encore Alain Richard (La République en marche, LREM), ont rétorqué que le texte de loi posait des questions sur la parentalité et le fait «d’organiser la fabrication d’orphelins de père», ou encore qu’il représentait la «première artificialisation de la création de la vie».
L’examen du projet de loi bioéthique devrait se poursuivre durant les deux prochaines semaines avant le vote prévu pour le 4 février. Le texte sera par la suite envoyé en deuxième lecture aux deux chambre et c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot. Les députés devraient donc pouvoir réintroduire, s’ils le souhaitent, le remboursement de la PMA pour toutes les femmes.
Lire aussi : «Marchons enfants» : les opposants à la «PMA sans père» et la GPA manifestent à Paris