Anti-écolo sur les gros dossiers, pourquoi Rugy a-t-il jadis fait partie des Verts ?

Anti-écolo sur les gros dossiers, pourquoi Rugy a-t-il jadis fait partie des Verts ? © Ludovic Marin Source: AFP
François de Rugy sortant de l'Elysée le 30 janvier 2019.
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Ancien Vert, François de Rugy, successeur de Nicolas Hulot au ministère de la Transition écologique, prend son contre-pied sur la plupart des dossiers au nom de l’activité économique, qu'il fait passer avant l'aspect environnemental.

Pourquoi François de Rugy a-t-il rejoint les Verts en 1997, et a-t-il un jour milité au sein d'Europe écologie ? Installé au poste de ministre de la Transition écologique depuis septembre 2018, François de Rugy semble avoir délaissé l'ensemble des idées de son parti d'antan.

Il se présente désormais sur tous les dossiers environnementaux comme le défenseur de l'activité économique, quitte à revenir sur ses positions pour soutenir des projets confiés à de grands groupes et accusés de détruire la nature. Une attitude que l'on peut constater en examinant les dossiers qui lui ont été légués par Nicolas Hulot.

Si le ministre de la Transition écologique démissionnaire se savait pieds et poings liés, il avait tout de même exprimé sa position, à défaut d'être en mesure d'éviter la poursuite d'un certain nombre de projets qu'il jugeait scandaleux. François de Rugy, lui, les a cooptés d'emblée, défendant les dossiers les plus controversés même s'il n'est pas décisionnaire. Sans surprise, chacune de ses prises de position corrobore une décision d'Emmanuel Macron. Celui qui défend son «pragmatisme» en matière d'écologie le prouve en ayant changé d'avis sur des sujets emblématiques pour suivre la ligne de La République en marche (LREM).

Le projet Montagne d'Or, saccage de la forêt guyanaise

Le projet minier aurifère industriel Montagne d'Or porte sur l’exploitation sur 12 ans d’une mine d’or par un consortium russo-canadien en plein cœur de l’Amazonie française, qui devra utiliser des explosifs pour casser la roche et utiliser du cyanure pour extraire l’or du minerai. Si les partisans du projet controversé évoquent des centaines d’emplois à la clé, ses détracteurs, élus, citoyens et ONG dénoncent une altération irréversible de l’écosystème et se mobilisent sans relâche contre ce projet. 

Nicolas Hulot avait pourtant été très clair lors d'une réunion avec les députés en juillet 2018. «Convaincre les uns et les autres de l'inutilité et de la démesure de ce projet, j'ai tendance à penser que la démonstration va se faire toute seule», avait-il expliqué, ajoutant que «le projet n'aura pas les bénéfices sociaux et encore moins économiques qui ont été présentés». Le projet n'avait en outre pas fait l'objet des consultations nécessaires. A tel point que l'Organisation des Nations unies (ONU) est intervenue pour la première fois contre l'Etat français mi-janvier 2019, en le «sommant» de suspendre le projet jusqu'à ce que les populations autochtones locales aient pu être consultées en bonne et due forme. Le 26 janvier, le grand conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinengues s'est prononcé contre.

Mais Emmanuel Macron soutient ce projet depuis le début. Et François de Rugy ne s'oppose pas aussi frontalement à ce que les défenseurs de l'environnement présentent comme une dévastation programmée de la forêt guyanaise en raison de la fièvre de l'or, sept tonnes par an de ce métal précieux devant être extraites. A sa prise de fonction, il avait évalué la situation. «Rien que le débat a montré que ce projet ne pouvait pas être mené tel qu'il avait été envisagé», avait-il déclaré, ouvrant la voie au maintien de la mine au prix de quelques aménagements de façade. «Il faudra [...] reprendre [le projet], d'une façon ou d'une autre», avait-il précisé. Le débat sera porté au Parlement prochainement, et François de Rugy a annoncé que les élus «prendr[aient] position au travers des différents critères». Un énième «en même temps» macronien ?

Destruction de forêt, autoroutes et urbanisation pour le Grand contournement de Strasbourg

Le Grand contournement ouest de Strasbourg (GCO), un méga-projet d'autoroute à 553 millions d'euros, cristallise les tensions depuis de nombreuses années car ses dimensions, l'étendue des destructions qu'il implique et son utilité sont constamment remises en question par divers rapports. Cette rocade de 24 kilomètres d'asphalte a été imaginée dès les années 70 pour désengorger l'agglomération strasbourgeoise, congestionnée par des embouteillages. Souhaitée par certains élus locaux, elle nécessitera la construction d'un viaduc de 11 mètres de haut là où se dressait une majestueuse forêt, et se déploiera sur des terres parmi les plus fertiles d'Europe. Grand projet inutile, onéreux et néfaste pour le climat selon ses détracteurs, il est considéré comme une nécessité par d'autres.

Quasiment abandonné en 2012, le projet conduit par Vinci a pourtant refait surface. Emmanuel Macron, en visite à Strasbourg en avril 2018, avait déclaré souhaiter que les travaux démarrent. Conformément au vœu présidentiel, François de Rugy a confirmé dès son intronisation que le projet se poursuivrait. De son côté, Nicolas Hulot a qualifié le GCO de «bêtise écologique» sur le plateau de L'Emission politique sur France 2 fin novembre. Depuis, la forêt a été abattue de part en part. Le contournement va pouvoir faire le plein de camions allemands qui paieront moins en passant désormais par la France. L'ancienne A35 qui concentrait la pollution ? Elle sera à peine moins fréquentée, selon des rapports sur le sujet. Mais elle changera de statut, selon les mots de François de Rugy au magazine Reporterre : «Et en 2001, les dernières voies qui avaient un statut autoroutier sont devenues des voies urbaines. C’est la démarche qu’on mène à Strasbourg». Comprendre : les derniers bosquets non construits le long de cette autoroute seront urbanisés.

Méga-projet de base de loisirs d'Europa City sur des terres agricoles de banlieue

Europa City, une giga-structure de verre et de béton est supposée ouvrir ses portes en 2024 à Gonesse, dans le Val-d’Oise à 16 kilomètres de Paris. Ce projet controversé, qui implique de bétonner 280 hectares de terres agricoles fertiles, est porté par le maire socialiste de Gonesse Jean-Pierre Blazy. Il est financé par Immochan, la filiale immobilière d'Auchan, et un groupe chinois, Wanda, à hauteur de 3,1 milliards d'euros. Il regrouperait parc des neiges et aquatique, cirque, boutiques de luxe, manèges, restaurant et grands magasins répartis sur 80 hectares dont un tiers de surfaces commerciales. Une «folie des grandeurs» pour Nicolas Hulot. Cette initiative a tout pour déplaire à de nombreux habitants et associations de la zone, furieux de voir leurs terres agricoles englouties par cette aire de divertissement à l'américaine ou à la dubaïote. 

Divers rapports d'experts ont d'ailleurs critiqué ce projet. En mars 2018, la justice avait même annulé l'arrêté préfectoral de septembre 2016 créant la zone d'aménagement concertée (ZAC) du triangle de Gonesse. Mais en mai 2018, qui a fait appel de cette décision pour pousser le projet ? L’agence Grand Paris Aménagement et... l’Etat, propriétaire de la ZAC. D'ailleurs le maire de Gonesse a déclaré selon la Tribune : «Du côté de Bercy et de l'Élysée, on est pour. Quand Emmanuel Macron était secrétaire général adjoint de l'Élysée, il a reçu X fois Immochan»

Le préfet du Val-d’Oise a fini par déclarer d’utilité publique l’aménagement de la zone en décembre 2018. Alors qu'en pense François de Rugy ? Il suit la volonté de l'Etat, en demandant comme à l'accoutumée des modifications à la marge : «J’ai dit aux porteurs du projet qu’il fallait absolument qu’ils le revoient. Ils ont commencé à le faire : la fameuse piste de ski indoor a été abandonnée.» Il a également demandé d'ajouter des logements et des bureaux, et quelques fermes urbaines. En revoyant sa copie, le promoteur pourrait donc recevoir l'aval du ministre pour ce projet.

La ligne Lyon-Turin à 26 milliards d'euros : non en 2014, oui en 2019

Une nouvelle ligne ferroviaire entre Lyon et Turin, imaginée depuis 20 ans, subventionné en partie par l'Union européenne, dont les travaux ont déjà commencé ? «Nous ferons tout pour que ce projet soit réalisé», a martelé François de Rugy, qui souhaite mettre l'accent sur le transport par rail plutôt qu'autoroutier. A n'importe quel prix ? Pour réaliser ce tunnel de 57,5 km sous la montagne, projet faramineux et serpent de mer rencontrant une opposition acharnée sur le terrain depuis 20 ans, il faudrait que la France débourse environ un quart des 26 milliards nécessaires, soit 6 milliards. Un montant inouï : en comparaison, un bien public comme l'aéroport de Toulouse a été cédé pour 308 millions seulement... C'est exactement ce que déplorait le même François de Rugy en 2014, dans une lettre d'EELV qu'il avait co-signée : «Les débats ont également permis de dénoncer l’incohérence des investissements de plusieurs milliards dans le grand projet inutile Lyon–Turin à l’heure où l’on cherche partout des financements.» 

Côté italien, on rechigne à la dépense. Le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, a déclaré qu'il annoncerait la décision sur l'éventuelle poursuite ou non de la liaison Lyon-Turin avant les élections européennes. Mais côté Rugy version 2019, on est prêt.

Chasse aux oies cendrées, à la colle : c'est oui pour cet ancien défenseur des animaux

Les chasseurs ont l'oreille d'Emmanuel Macron, qui a divisé par deux le prix du permis de chasse. Un décret ministériel émanant du ministère de François de Rugy du 30 janvier leur a accordé de tirer l'oie cendrée en février. Depuis de nombreuses années, il était interdit en France de chasser les oiseaux migrateurs lorsque leur période de reproduction est engagée, après fin janvier, mais Emmanuel Macon avait fait cette promesse aux chasseurs. François de Rugy a également autorisé la chasse à la glu, une capture non sélective d'oiseaux qui consiste à déposer de la colle sur des baguettes dans les arbres pour les attraper. Pourtant en 2016, sous l'égide du Parti écologiste qu'il avait fondé, il avait déposé un amendement contre cette «méthode particulièrement cruelle envers les animaux». Seuls les imbéciles ne changent pas d'avis ?

Sous Nicolas Hulot, l'autorisation de cette chasse avait été maintenue au nom des «traditions», alors même que la population d'oiseaux a baissé de 30% en France en 15 ans. Mais pour l’ancien producteur audiovisuel, il n'était «pas question» d'étendre la période de chasse de l'oie cendrée. Pour François de Rugy, c'était tout réfléchi : «Sur les oies cendrées, on met en place un système de gestion adaptative des espèces [...] en fonction de leur état de conservation. Or, la population des oies cendrées est en croissance». CQFD. Les défenseurs des oiseaux attaqueront au Conseil d'Etat. Jusqu'ici, ils ont toujours obtenu gain de cause.  

Mais sur le reste des dossiers, la volonté d'Emmanuel Macron soutenue par celle de François de Rugy risque d'être bien plus difficile à combattre pour les écologistes.

Lire aussi : François de Rugy voit la pétition pour le climat comme une réplique au mouvement des Gilets jaunes

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