Les islamistes sont les premiers coupables et responsables des violences perpétrées contre les civils à Alep, estime le député Nicolas Dhuicq, en commentant la libération progressive de la ville des djihadistes.
RT France : Plusieurs internautes vous ont interpellé sur twitter avec d'autres députés ayant visité la Syrie et rencontré Bachar el-Assad en demandant si vous avez passé une bonne nuit après les bombardements des civils à Alep dont les vidéos, selon le ministère de la Défense russe, auraient été fabriquées par les rebelles. Donc avez-vous bien dormi cette nuit ?
Nicolas Dhuicq (N. D.) : Au-delà de la provocation à laquelle la réponse n’a aucune importance, je ne peux pas bien dormir depuis des années, puisque l’un des berceaux de la civilisation qu’est la Syrie vit une tragédie, avec une guerre civile et une guerre étrangère. Ceux qui provoquent avec de telles questions oublient premièrement que l’ennemi principal est l’islamisme, que cet ennemi n’a aucune pitié, qu’il veut réduire toute égalité entre hommes et femmes, qu’il veut interdire aux petites filles d’aller à l’école. Cet ennemi ne connaît que le culte de la mort et décapite toute personne qui ne convient pas à ses critères extrêmement restrictifs.
Quelle que soit la nature du régime de Bachar el-Assad par rapport à nos soi-disant normes occidentales, c’est le seul régime qui permet de maintenir la civilisation sur le secteur
D’un autre côté ils oublient aussi que nous sommes face à un combat de rue dans une guerre civile et que dans un tel combat il est très difficile de savoir qui est l’ennemi, qui est l’ami, le frère combat le frère, et de prendre en considération que dans ce combat les islamistes ont utilisé la population civile comme des boucliers humains. Lorsque l’on veut libérer une ville de l’emprise d’une telle terreur, il y a inévitablement des morts, et parmi ces morts il y a des victimes innocentes. Les islamistes sont les premiers coupables et responsables de ces violences, il ne faut pas l’oublier. Quelle que soit la nature du régime de Bachar el-Assad par rapport à nos soi-disant normes occidentales, c’est le seul régime qui permet de maintenir la civilisation sur le secteur. Je redis que si Bachar el-Assad était tombé brutalement, ce serait un bain de sang et l’égorgement comme seule ambition et seule vision pour toutes les communautés syriennes qu’elles soient druzes, chiites, alaouites, ismaélites ou chrétiennes en particulier.
Nous sommes face au double traitement des informations
RT France : Plusieurs médias occidentaux parlent de la chute d’Alep, pas d'une libération. Pourquoi utilise-t-on ce langage dans le cas d'Alep ?
N. D. : Je pense que nous sommes face au double traitement des informations et dans une guerre idéologique menée par des personnes qui n’ont parfois jamais mis le pied en Syrie et qui pensent qu’il y a un camp du bien et un camp du mal. Dans une vision extrêmement simpliste des choses Bachar el-Assad est considéré comme le mal absolu, alors que justement les Syriens se battent contre l’anéantissement pur et simple que représenterait le maintien d'un régime islamiste sur toute la région. Il faut bien prendre en considération l’avenir de toute la région, non seulement de la Syrie, mais aussi du Liban qui a accueilli plus de 1 500 000 réfugiés et de la Jordanie qui a également accueilli des réfugiés. Nous n’avons aucun intérêt si nous voulons maintenir cette liberté de parole en Europe, à avoir cette vision complètement manichéene des choses. Pour moi Alep c’est plutôt une libération, parce que si j’étais habitant d’Alep, je souhaiterais me débarrasser de toute chose qui soit islamiste. Ensuite en tant que Syrien, ce serait à moi seul de décider librement de quel avenir et de quel régime politique je veux.
J’ai très peur d’une partition de la Syrie qui signerait dans certains secteurs une guerre infinie et sans aucune limite
Je pense que le plus grand drame pour la Syrie serait sa partition et un système fédéral, parce que la Syrie c’est une mosaïque des populations, de tribus, de religions, d’ethnies que seul un système laïque peut maintenir cohérent. J’ai très peur d’une partition de la Syrie qui signerait dans certains secteurs une guerre infinie et sans aucune limite.
RT France : Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault a déclaré que la Russie avait laissé les terroristes reprendre Palmyre. Comment réagiriez-vous à cela ?
N. D. : D’abord je vais dire une chose très simple : ce sont les militaires russes qui sont morts au combat pour libérer Palmyre une première fois et qu’ensuite, le combat à Mossoul en Irak est beaucoup plus compliqué que ce qui était imaginé initialement. Les troupes irakiennes font face à de multiples voitures suicides, des tireurs d’élite embusqués sur leurs arrières et ont été obligés à plusieurs reprises de se replier. L’arrêt de l’offensive à Mossoul a permis à des combattants de l’Etat islamique de partir vers la Syrie, que ce soit vers Raqqa ou vers Palmyre, et de lancer des contre-offensives. Fatalement à chaque fois qu’il y a une dissension et une discorde entre les opérations auxquelles collaborent les Russes et les opérations soutenues par la coalition occidentale, Daesh en profite pour bouger les troupes fort intelligemment et déplacer les combats et le front.
Jean-Marc Ayrault se trompe, il oublie les morts russes de manière complètement inconcevable et inconvenante
Il est évident à mon sens que Jean-Marc Ayrault se trompe, il oublie les morts russes de manière complètement inconcevable et inconvenante et il oublie la responsabilité américaine, avant toute chose, avec la deuxième guerre du Golfe qui nous a entraînés dans ce chaos absolu et qui empêche toute réforme.
Encore une chose à propos des réformes : il y a une révolte en Syrie, dans les zones rurales et les zones périurbaines justement parce que Bachar el-Assad a voulu réformer son pays et l’économie de son pays en le libéralisant. Or lorsqu’il a libéralisé cette économie, fatalement les classes populaires de ces régions ont souffert. Instrumentalisés par les islamistes qui sont eux-mêmes payés par le Qatar et l’Arabie saoudite, ils ont eu cette révolte qui a été manipulée depuis l’extérieur, en particulier les premières manifestations qui étaient, certes, pacifiques, ont vu des agents d’agitation politique islamistes se mêler à la foule et tirer sur les policiers pour engendrer l’engrenage que l’on connait bien dans d’autres périodes historiques de la répression sauvage et aveugle. Dans cette situation extrêmement compliquée la France aurait un rôle très important à jouer au Levant pour des raisons historiques, aux côtés de la Russie.
L’administration américaine suit la logique néoconservatrice qui a fait tant de mal ces dernières années
RT France : Le président américain Barack Obama a signé la semaine dernière la levée d’embargo pour la livraison d’armes aux rebelles qui combattent en Syrie. Pensez-vous que cela va empirer la situation dans le région ?
N. D. : Malheureusement l’administration américaine suit la logique néoconservatrice qui a fait tant de mal ces dernières années et j’attends du reste de la victoire de Donald Trump, quels que soient ses défauts, un changement considérable en matière de politique étrangère et la fin de cette vision néoconservatrice qui veut redéfinir et redécouper encore une fois toute la carte du Proche et du Moyen-Orient. Je pense que c’est une mesure qui n’est pas sage, qui ne va pas pour la stabilité de la région, parce que l’opposition dite modérée est gangrenée par les islamistes depuis plusieurs années. Pour moi il n’y a plus à l’extérieur d’opposition modérée. Il faut d’abord stabiliser la situation et cela passe évidemment par le régime de Bachar el-Assad, quels que soient ses qualités et ses défauts. En tant que Français, je souhaite que ce pays retrouve la paix, l’unité et qu’ensuite ce soit aux Syriens et aux Syriennes de décider eux-mêmes de leur avenir. Ce n’est pas en rajoutant des armes et donc du chaos qu’on trouvera une solution. Je pense que c’est une erreur stratégique et que les Américains auront le même problème qu’ils ont eu avec l’Afghanistan, s’ils jouent à ce jeu.
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