Le peuple syrien est terrifié par le concept de changement de régime, selon la baronne Caroline Cox, qui affirme qu'il est impératif de lui donner la chance de décider de son propre avenir sans ingérence extérieure.
RT : Face aux succès des forces gouvernementales, des rapports disent que les rebelles ont proposé d’introduire un cessez-le-feu pendant cinq jours dans la ville. Pensez-vous que cela puisse être mis en œuvre et respecté ?
Caroline Cox (C. C.) : J’espère que cela pourra être mis en œuvre et respecté, mais il y a eu de vrais problèmes dans le passé, quand les groupes et les milices islamistes ont essayé de profiter du couloir humanitaire pour faire entrer un supplément d’armes, des armes de guerre. Il y a un vrai problème pour faire en sorte que ce cessez-le-feu soit réellement humanitaire et non pas un moyen pour faire venir plus d’armes. L’un des problèmes est le fait qu’ils ont toujours refusé que l’aide humanitaire soit inspectée. J’espère que, cette fois, ils vont agir de manière honorable. Mais il faut rester prudent.
Je voudrais présenter mes sincères condoléances à tous ceux qui pleurent la mort du personnel médical russe, ainsi qu’à tous ceux qui souffrent de cette guerre terrible.
Tout le monde est concentré sur les attaques contre Alep-Est, mais les civils d’Alep-Ouest souffrent terriblement des attaques permanentes des rebelles, et cela n’a pas été couvert de la même façon par le médias occidentaux
RT : Nous n’avons pas vu beaucoup de condamnations de cette attaque des rebelles sur un hôpital mobile lundi 5 décembre, lors de laquelle deux ambulanciers russes ont été tués. Pourquoi ?
C. C. : C’est l’une des choses qui m’inquiètent profondément. Je suis allée à Alep-Ouest il n’y a pas longtemps et les rebelles d’Alep-Est continuaient le combat. Ils utilisaient des bombes à fragmentation, des armes chimiques. L’université a été touchée par quatre missiles quand nous y étions. Partout, il y a des cylindres à gaz que les rebelles utilisaient en tant que bombes à fragmentation. Ils les fourraient de shrapnels et de clous. On ne voit jamais que ce soit être condamné dans les médias occidentaux. Tout le monde était concentré sur les attaques contre Alep-Est, mais les civils d’Alep-Ouest souffraient terriblement des attaques permanentes des rebelles, et cela n’a pas été couvert de la même façon par les médias occidentaux. C’est quelque chose qui me préoccupe énormément. J’ai exprimé mes inquiétudes sur ce qui me semble être une couverture très déséquilibrée, très partiale de la part de la majorité des médias occidentaux.
RT : Nous avons entendu des déclarations de divers analystes occidentaux, y compris américains, selon lesquelles les gains récents des forces gouvernementales saperaient les espoirs de l'Occident quant au succès des forces d'opposition en Syrie. Qu'en pensez-vous ?
C. C. : Lors de notre déplacement en Syrie nous sommes allés à Damas, à Alep, à Lattaquié, nous avons rencontré des gens de tous les horizons sociaux : des médecins à Alep, des déplacés en train de fuir les atrocités de Daesh. Tous étaient inquiets concernant le changement de régime et la [possibilité] de l’arrivée au pouvoir de l’opposition. Ils ont dit qu’il n’y avait pas d’opposition militarisée modérée, que si l’opposition allait gagner, cela mènerait à une situation similaire aux horreurs qui ont eu lieu en Libye et en Irak. Ils ne voulaient pas que les forces d’opposition gagnent, ils étaient extrêmement reconnaissants à la Russie pour son aide dans le combat contre Daesh et espéraient contenir les rebelles islamistes. Ils espéreraient fortement que l’opposition islamiste soit effectivement battue et que le peuple syrien puisse choisir son propre avenir.
Nous avons rencontré à Damas le patriarche syrien, le grand mufti, des chrétiens et des musulmans à Alep, et personne ne veut de changement de régime, parce que le gouvernement actuel protège vraiment les minorités religieuses et les droits des femmes
RT : Pensez-vous que les négociations entre les Etats-Unis et la Russie puissent apporter des résultats concrets ?
C. C. : Cela dépend de ce qu’on appelle «résultats concrets». Ce qui m’inquiète ici, en Grande-Bretagne, c’est le fait que la politique étrangère britannique reste fidèle à l’idée de changement de régime. J’ai posé cette question à la Chambre des Lords et la réponse qu’on me donne toujours est que nous sommes déterminés à [accepter] le changement de régime et tout changement pouvant mener au départ du président Bachar el-Assad.Je peux répondre à cela : laissez le peuple syrien choisir son propre avenir, arrêtons d’intervenir ! Le peuple syrien est terrifié par le concept du changement de régime, tout comme les minorités religieuses. Nous avons rencontré à Damas le patriarche syrien, le grand mufti, des chrétiens et des musulmans à Alep, et personne ne veut de changement de régime, parce que le gouvernement actuel protège vraiment les minorités religieuses et les droits des femmes. Ces dernières s’inquiètent vraiment de la possibilité de changement de régime. Cela dépend donc des résultats de ces négociations, mais je suis persuadée qu’il faut écouter le peuple syrien, entendre leur point de vue. Et ils sont passionnément contre le changement forcé de régime. Evidemment, ils souffrent profondément des atrocités commises par Daesh. Selon eux, il ne reste plus d’opposition modérée, mais ils voudraient avoir le droit de choisir leur propre avenir. Et c’est pour cela que je porte un regard extrêmement critique sur la politique étrangère britannique - qui est similaire à la politique américaine, toujours favorable à la stratégie du changement de régime.
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