Les Russes ont opposé leur veto à l'ONU à une proposition de cessez-le-feu à Alep car une cessation des hostilités ne mènerait, au bout du compte, qu'à la prolongation du conflit, estime l'analyste politique Max Abrahms.
RT : Quelle était la raison de la convocation d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU à ce moment précis ?
Max Abrahms (M. A.) : Il est très populaire de soumettre une résolution à la communauté internationale, l’ONU en tête, visant à fournir de l’aide humanitaire à un endroit qui en a fortement besoin. Cependant, la raison pour laquelle les Russes n'ont pas soutenu cette initiative est également très compréhensible : les rebelles sont tout près de perdre. Il y a une inquiétude quant au fait qu'une cessation des hostilités pendant sept jours donnerait la possibilité aux rebelles de se rééquiper, de se réarmer, et cela mènerait à la prolongation du conflit.
En outre, les Russes vont bientôt rencontrer les Américains à Genève pour parler d’une sorte d’approche bilatérale pour la Syrie. Et les Russes demandent : pourquoi faut-il s’adresser à l’ONU s’il y a une rencontre prévue avec John Kerry ?
RT : Que pensez-vous du timing de l'attaque sur l'hôpital russe d'Alep ?
M. A. : Je ne le perçois pas comme un tournant. Ce n’en est pas un, car, même si les médias occidentaux ne le couvrent pas, [par le passé] les rebelles basés dans la partie est d’Alep se sont aveuglément attaqués aux zones de la ville contrôlées par le gouvernement. Ce qui distingue cette attaque : des Russes ont été tués. D’habitude, il s’agit des civils syriens. Et je ne perçois pas cela comme un point de rupture avec les récents évènements, mais plutôt comme leur suite logique. Au cours de deux dernières semaines, jusqu’à 80 civils ont été tués à Alep-ouest par les bombardements aveugles des rebelles menés contre la population. Nous allons encore assister à des événements de ce type, surtout au regard du fait qu’Alep est presque prise.
Les Russes étaient assez clairs quant aux points dont ils voulaient débattre lors de la rencontre à Genève
RT : Selon certaines sources, de nombreux combattants «modérés» de l'opposition rejoignent à Al-Qaida en Syrie, craignant que l'administration de Donald Trump ne les soutienne pas. Qu'en pensez-vous ?
M. A. : Personne ne sait véritablement ce que Donald Trump va faire. Cependant, en ce qui concerne la Syrie sa position est assez cohérente. Vous avez raison, Donald Trump a exprimé de sérieuses réserves quant à l’aide accordée aux rebelles syriens. Pour lui les efforts américains dans ce domaine sont malavisés. Il ne soutient pas le changement de régime, ni la création de zones d’exclusion aérienne. Par contre, il est beaucoup plus ouvert à la coopération - pas nécessairement avec Bachar el-Assad, mais avec Vladimir Poutine - contre les terroristes en Syrie. C’est ce que Donald Trump va faire, le plus probablement. Mais j’appelle les gens à rester attentifs, car nous ne savons toujours pas qui sera le secrétaire d’Etat de Donald Trump. Certains rapports que j’ai consultés affirmaient que John Bolton progressait dans la liste des candidats possibles. John Bolton a toujours été assez belliciste, surtout par rapport à l’Iran et ses amis, ce qui pourrait concerner le régime de Bachar el-Assad. Nous devons donc voir ce que Donald Trump va faire, mais, en se fondant sur son discours, on peut dire qu’il est opposé au changement de régime, au renversement d’Assad et au soutien des rebelles. A ce niveau-là, il est sur la même longueur d’ondes avec Vladimir Poutine.
RT : Pourquoi, selon vous, John Kerry accepte-t-il de négocier à partir des conditions russes ? Pourquoi la donne a-t-elle changé ?
M. A. : Les Russes ont beaucoup parlé de cette rencontre à Genève. Ils ont fait comprendre sans ambigüité qu’ils voulaient se mettre d’accord avec les Américains sur les couloirs à organiser pour que les rebelles puissent quitter Alep - ces rebelles, qui ont été traités comme des terroristes. Les Russes ont donc été assez clairs sur les points dont ils voulaient discuter lors de la rencontre. Les rebelles, eux aussi, ont été clairs : ils ont dit explicitement qu’ils n’allaient pas faire ce que disait [le ministre russe des Affaires étrangères] Sergueï Lavrov, qu’ils n’allaient pas quitter Alep, qu’ils allaient y rester et continuer le combat. Mais ce que les Américains vont dire à Genève est beaucoup moins clair. Je ne suis pas tout à fait sûr de la position de John Kerry, les autorités américaines n’ayant pas vraiment parlé de leurs plans à l’occasion de cette rencontre avec Sergueï Lavrov.
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