Au lendemain des résultats du premier tour de la primaire, le député Thierry Mariani, un des plus anciens soutiens de François Fillon, y voit la victoire d'une droite de convictions, mais aussi un désaveu envers Nicolas Sarkozy et François Hollande.
RT France : Vous êtes un des soutiens de François Fillon depuis quasiment le début de sa campagne – le score qu’il a fait hier soir, est-il surprenant pour vous ? Vous apparaît-il aussi inattendu que ce qu'en disent les médias ?
Thierry Mariani (T. M.) : Je croyais à sa présence au deuxième tour mais très sincèrement je ne croyais pas qu’il serait aussi largement en tête. Je crois qu’il y a eu un moment de déclic la dernière semaine. Parce qu’en réalité, il a eu le meilleur travail de préparation : pendant quatre ans il a réfléchi à son programme, il a consulté un certain nombre de personnes, il s’est déplacé dans des villes où personne ne va... Il a eu ce travail de conception et d’imprégnation que les autres n’ont pas fait. Ainsi quand il est arrivé en campagne, il avait le programme certainement le plus construit, peut-être aussi par moments le plus courageux.
Mais d'où est venu ce déclic ? Je crois qu’on avait jusqu'ici dans cette élection un candidat que la majorité ne voulait plus et un autre qui était la solution pour éviter Nicolas Sarkozy. François Fillon a commencé à décoller dans les trois dernières semaines, parce qu'il est finalement le meilleur candidat et parce que ses prestations télé ou radio étaient à chaque fois impeccables. Il a osé aussi s’imposer lui-même contre les journalistes officiels au dernier débat. Bref, petit à petit, ça a pris, les gens se sont dits qu'on peut voter aussi pour ses convictions. On a senti dans les dix derniers jours comme une traînée de poudre. Ce qui s’est passé dans les dernières semaines montre qu’il ne faut pas oublier de se donner une année de précampagne et de préparation.
François Fillon est le candidat le plus difficile pour le Front national
RT France : Vous présentez François Fillon comme le meilleur candidat de droite. Peut-il être le candidat qui battra le Front national et la gauche à la présidentielle ?
T. M. : Pour moi, François Fillon est le candidat qui peut être le meilleur président de la République. On ne se présente pas à l'élection présidentielle pour battre tel camp ou tel autre. Bien sûr, il faut le faire, mais il faut aussi convaincre les Français. Mais je pense que c’est le candidat le plus difficile pour le Front national ! Parce que François Fillon n’a jamais eu de problème judiciaire. C’est aussi quelqu'un qui a toujours assumé très clairement ses valeurs de droite. Enfin sur les questions de politique étrangère, c’est un candidat qui est sûr des positions, que ça soit les dossiers du Moyen-Orient, d’Europe de l’Est ou de la Syrie. Il a une position très claire depuis des années et, contrairement à d’autres, a depuis des années une vraie authenticité, des vraies convictions.
Le défaut et la qualité de François Fillon, c’est qu’il n’est pas obsédé pas la communication. On a pu le lui reprocher au début de la campagne. C'est sûr qu'il n’a pas cherché la petite phrase, pas de «double ration de frites». Par contre, il a martelé ses positions et ses arguments et ça a payé. Les électeurs ont bien vu qu’il y avait en face d’eux quelqu’un qui n’était pas un opportuniste. Et la droite classique, qui est un peu orpheline depuis des années, se dit que finalement pour une fois on peut peut-être avoir un président qui fasse un programme de droite en l’annonçant clairement à l’avance.
Ce n’est certainement pas les électeurs de gauche qui ont voté pour lui
RT France : Quel bilan tirez-vous de cette première partie de la campagne et des primaires ?
T. M. : D'abord, il est évident que cette primaire était nécessaire. Il n’y avait pas d'autre choix. On avait plusieurs candidats, dont un certain nombre qui ont été premiers ministres ou un président de la République. Comment les départager ? Je pense ensuite que ce format de primaire ouverte était la bonne méthode. On doit élire le président de 67 millions de Français, le choix du candidat de la droite ne devait pas être fait dans son coin par les 280 000 membres du parti. Je trouve également que l’organisation a été excellente. Il n’y a pas eu de problèmes majeurs – bien sûr sur 10 000 bureaux de votes, il y en a toujours un ou deux où l'on peut voir des couacs.
Enfin, et j’insiste là-dessus, on ne s'est pas fait voler notre primaire. Un certain nombre de gens prédisaient un afflux de la gauche pour faire élire Juppé. Je suis désolé, mais le candidat qui a gagné c’est celui qui avait le plus sereinement et fermement les convictions traditionnelles de droite. Ce n’est certainement pas les électeurs de gauche qui ont voté pour lui. C’est la victoire d’un candidat de droite.
La ligne rouge n’a jamais été franchie
RT France : Que François Fillon ou Alain Juppé l'emporte, pensez-vous que le parti sera capable de s'unir derrière une candidature ? Il y a eu de nombreuses tensions et dissensions durant cette campagne.
T. M. : Il y en a eu beaucoup moins que pendant la primaire socialiste il y a cinq ans ! Après, il faudra mettre un peu de sparadrap sur certaines blessures. Vous savez, les coupures de presse sont les coupures qui cicatrisent le plus vite. La ligne rouge n’a jamais été franchie. Bien sûr qu’il y a eu des petites phrases, des piques... Une campagne ce n’est pas une distribution de bons points. Mais tout cela est resté dans des normes correctes. Je constate avec satisfaction que Nicolas Sarkozy, et d'autres candidats, ont fait immédiatement le choix de soutenir Fillon. Maintenant il faut assurer le deuxième tour. Puis, quel que soit le résultat du deuxième tour, il faudra faire une campagne électorale présidentielle digne.
A mon avis, aujourd’hui les chances que François Hollande se présente aux élections sont nulles. La défaite au premier tour de Nicolas Sarkozy, c’est en quelque sorte aussi un message très clair qui est envoyé à François Hollande. Ce n’est pas parce qu’on a eu des positions dans le passé, qu’on pourra les maintenir dans l’avenir : on ne vit pas sur ses acquis. Je pense qu’on va entrer dans une période totalement différente. Je ne serais pas surpris si François Hollande annonce qu’il ne se présentera pas, et que Valls démissionne du poste de Premier Ministre et parte à l'élection. Avec cette primaire, une autre période commence.
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