Si le député Nicolas Dhuicq n'est pas le plus fervent défenseur des primaires, il interprète les résultats de ce premier tour comme le départ d'un sursaut de la droite et la fin de la vision néo-conservatrice, incarnée selon lui par Alain Juppé.
RT France : Vous faites partie des soutiens de François Fillon depuis plusieurs mois. Hier soir, il a rassemblé plus de 44% des votes. Vous attendiez-vous à un tel résultat au premier tour des primaires ?
Nicolas Dhuicq (N. D.) : J'espérais un tel résultat. Je l'espérais d'autant plus que les sondages en faveur de François Fillon étaient à la hausse, mais surtout à chaque fois que j'interrogeais des gens sur le terrain ou en réunion avec des élus locaux, ils comptaient voter pour lui ou du moins avaient accueilli son discours avec bienveillance. Je sentais quelque chose d'assez puissant qui montait autour de lui et j'avais bon espoir de le voir au deuxième tour. Mais j'ai été très agréablement par la hauteur de son score final à plus de 40%.
RT France : Comment expliquez-vous un tel plébiscite des votants pour François Fillon ?
N. D. : Pour moi, c'est très clair. Vous avez en France un espace politique qui n'est pas occupé aujourd'hui, celui de Philippe Seguin et de De Villiers. C'était de grandes voix du RPR, une famille gaulliste qui avait le souci des travailleurs et des classes populaires. C'était aussi une voix de résistance face à Bruxelles. Et je crois qu'inconsciemment, beaucoup de Français regrettent cet espace et Fillon est en partie sur ce terrain. Son plan économique montre qu'il a compris que le pays croyait à la Nation mais que dans la vie quotidienne, il faut offrir la liberté au niveau local aux Français et aux entreprises.
François Fillon a aussi affirmé, à titre individuel, ses convictions personnelles et chrétiennes sans agresser qui que ce soit et sans pour autant se fermer à l'autre. C'était un discours important et attendu.
Enfin, en matière de politique étrangère, il y a des attentes. Les Français sentent que leur vie quotidienne peut être impactée par ce qui se passe par exemple en Syrie et nombreux sont ceux aussi qui en connaissant un peu l'histoire, souhaitent de nouveau l'amitié franco-russe. Dans ces deux domaines, le seul qui en a parlé clairement et de manière cohérente, c'est François Fillon.
Avec la création de l'UMP puis des Républicains, on a voulu mélanger des courants extrêmement différents en pensant que tout cela allait se fondre
RT France : Cette campagne a fait émerger de manière encore plus prégnante les divisions et clans au sein des Républicains. Le parti va-t-il sortir grandi ou au contraire encore fractionné plus de cette primaire ?
N. D. : C'est toute la question de la difficulté dans laquelle le parti est actuellement, notamment à cause de personnes comme Alain Juppé. Il a voulu s'inspirer des grandes démocraties anglo-saxonnes qui ont souvent un système à deux partis politiques. Or en France, nous avons plusieurs droites. Traditionnellement aux élections présidentielles, vous aviez un candidat d'un courant «orléaniste »assez libéral assez peu enclin à parler de l'Etat-nation, et un courant dit «bonapartiste» attaché à la souveraineté nationale et à un certain niveau de régulation en économie. Avec la création de l'UMP puis des Républicains, on a voulu mélanger des courants extrêmement différents en pensant que tout cela allait se fondre dans la construction générale de l'Europe de Bruxelles. En réalité, le peuple dit non et le fait savoir en votant pour le Front national. Je pense que François Fillon est le seul à pouvoir rassembler très largement les droites de par son discours et sa personnalité.
L'avenir du parti et son unité restent en question. Je pense qu'à terme il faudra un rassemblement de personnes de partis divers qui seraient intéressées par la création d'un mouvement politique en dehors de la vision libéraliste à l'américaine. La victoire de François Fillon au premier tour montre que les Français veulent un retour du fait national.
Le risque serait d'entrer progressivement dans un fonctionnement à l'américaine dans lequel tout se joue à coup d'argent
RT France : Vous parlez du fait national et du fonctionnemens des démocraties anglo-saxonnes. Cette primaire de droite a beaucoup emprunté au format américain dans les débats, sa grande médiatisation... Est-ce un scrutin qui se fond bien dans la démocratie française?
N. D. : Personnellement, j'étais défavorable aux primaires. Pour moi, l'élection présidentielle reste une élection extrêmement monarchiste. C'est un homme ou une femme qui se présente devant les Français et Françaises avec une vision pour le pays, à laquelle ils adhérent ou non. Néanmoins maintenant que les primaire sont là, il faut faire avec. A mes yeux, le risque serait d'entrer progressivement dans un fonctionnement à l'américaine dans lequel tout se joue à coup d'argent. Même s'il est rassurant de voir que les sommes gigantesques investies par Hillary Clinton n'ont pas forcément servi à la faire élire. L'autre souci, c'est cette vision d'une campagne d'attaques purement centrées sur les personnes. Or, les trois débats français sont restés très corrects, à part quelques sourires et quelques piques. Nous n'avons pas entendus de campagne qui soit contre la vie privée d'un candidat ou d'une candidate. Quelque part, le puritanisme américain n'a pas pénétré la France. Et ce qui compte pour moi, et qui doit compter pour nous tous Européens, c'est la fin des néo-conservateurs en matière de politique étrangère. Et là aussi, la grande différence entre Alain Juppé et François Fillon est qu'Alain Juppé incarne ce courant néo-conservateur.
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