Les gardiens de l'establishment occidental usent de l'étiquette «complotiste» pour couper court aux débats et calomnier ceux qui ont l'audace de contester les récits de l’élite, mais sont aussi les plus complotistes, selon l’écrivain Neil Clarck.
Il y a ici une grande ironie. Car ce sont les gardiens de l'establishment occidental qui mettent en avant les théories du complot de la manière la plus active depuis à peu près vingt ans. En effet, les théories les plus exotiques, infondées et même parfaitement dangereuses, sont promues par ceux qui sont les plus prompts à traiter les autres de «complotistes».
Voici dix théories du complot de l'establishment occidental qui sont acceptables. Si vous les répandez, on ne vous traitera pas d'excentrique ou de cinglé, au contraire, vous serez considéré comme «expert» digne d'une chronique dans «un journal sérieux» comme le Washington Post ou le London Times. Et, qui sait, peut-être recevrez-vous une alléchante proposition d'une maison d'édition qui vous proposera d'écrire un livre sur les théories du complot.
Treize ans plus tard, le royaume des experts américains et britanniques est toujours dominé par ceux qui nous assuraient que Saddam avait des armes de destruction massive
1. L'Irak a des armes de destruction massive qui sont une menace pour le monde !
La théorie du complot la plus sanglante, qui a donné lieu à une invasion illégale, détruit un Etat souverain et fait plus d'un million de morts. Mais ceux qui mettaient en avant cette théorie n'ont pas été punis. Treize ans plus tard, le royaume des experts américains et britanniques est toujours dominé par ceux qui nous assuraient que Saddam avait des armes de destruction massive (et que ce laïque fumeur des cigares et amateur de La mélodie du bonheur avait des liens avec Al-Qaïda). Souvenez-vous de cela la prochaine fois, quand vous allez voir un membre de l’arrogant et élitiste club néo-conservateur du journalisme traiter hautainement de «complotiste» quelqu'un qu'il considère être socialement et intellectuellement inférieur.
2. L'Iran développe des armes nucléaires !
On nous dit depuis le début des années 90 que la République Islamique est sur le point de développer des armes nucléaires ou les possède déjà. Les accusations du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, maintes fois répétées depuis 25 ans, ont trouvé écho dans le camp même de ces super faucons qui avaient soutenu la théorie du complot numéro 1. Si vous affirmez, sans avoir aucune preuve, que la Zambie est sur le point de développer des armes nucléaires, on vous traitera de fou. Mais si vous affirmez, sans aucune preuve, que l’Iran fait la même chose, vos chances d’être invité en tant qu'«expert» dans les studios de Fox News ou Newsnight seront nettement plus considérables.
Les mêmes personnes qui nous disent que le leader du Parti travailliste repousse les électeurs, l'accusent de ne pas avoir fait plus de choses pour persuader les Britanniques de rester dans l'UE
3. Jeremy Corbyn a délibérément saboté la «campagne pour le maintien» dans le référendum britannique sur la sortie de l'UE.
Cette théorie du complot a été populaire cet été dans les cercles de l’élite blairiste au Royaume-Uni. Les mêmes personnes qui nous disent que le leader du Parti travailliste repousse les électeurs, l'accusent de ne pas avoir fait plus de choses pour persuader les Britanniques de rester dans l'UE !
En fait, le soutien que Jeremy Corbyn accordait à l'UE était beaucoup plus en phase avec l’opinion publique que le fanatisme pro-européen des blairites. Avec lui, les partisans du parti travailliste ont voté majoritairement pour le maintien. En parallèle, Islington, où Jeremy Corbyn a un siège, a eu le sixième meilleur résultat du vote pour le maintien du pays dans l’UE (75,2 %). Du «sabotage», dites-vous ?
4. Bashar el-Assad coopère avec Daesh et veut que le groupe se développe.
Celle-ci a été promue de manière générale par les mêmes partisans des théories numéro 1 et 2. D'après cette théorie, le méchant tyran syrien a voulu que Daesh s’empare de territoires de manière à passer pour le «bon gars» dans le conflit.
Cependant, les documents secrets du renseignement américain de 2012 qui ont été déclassifiés nous apprennent que la perspective de la création d'une «Principauté salafiste» dans l’est dela Syrie est «exactement ce à quoi aspirent les puissances qui soutiennent l'opposition», parce que cela «isolerait le régime syrien.» Mais nous n'allons pas dire ce qui est évident, que ce n'est pas Bashar el-Assad, mais ses opposants qui se réjouissaient du renforcement et de l’expansion de Daesh. Cette idée sera rejetée en tant que théorie du complot.
Et nous n'allons pas non plus tenir compte de la libération de Palymre des mains de Daesh par l’armée syrienne, n'est-ce pas ? Puisque cela ne correspond pas à la version officielle de «Pourquoi Assad ne lutte pas contre Daesh» !
On ne peut pas dire d'abord que la Russie aide Daesh et que Daesh gagne du terrain à cause des actions de la Russie, et puis un autre jour prétendre que Daesh est en train de bombarder les avions russes, parce que le groupe est... en colère contre la Russie
5. La Russie envoie des forces aériennes à Daesh
En octobre 2015, après les frappes aériennes de Russie contre les cibles terroristes en Syrie, une nouvelle variante de la théorie du complot numéro 4 a commencé à circuler. La Russie, nous a-t-on dit, aidait également Daesh et envoyait à l'Etat islamique des forces aériennes !
Or, lorsqu’une avion de ligne russe a été descendue par une bombe de Daesh, on nous a dit que c’était un «coup de semonce» pour Moscou. Si la Russie aidait Daesh en lui accordant un appui aérien en Syrie, pourquoi diable le groupe viserait-il un avion russe ? J'avais écrit à l'époque :
«On ne peut pas dire d'abord que la Russie aide Daesh et que Daesh gagne du terrain à cause des actions de la Russie, et puis un autre jour prétendre que Daesh est en train de bombarder les avions russes, parce que le groupe est... en colère contre la Russie.»
Ou bien vous pouvez, si vous êtes un néo-conservateur qui propage d’excentriques et anti-russes théories du complot.
Les «trotskistes dans le placard» sont la variante de 2016 du «les rouges sont dans le placard» pour les complotistes maccarthistes du parti travailliste
6. Les trotskistes prennent le dessus du Parti travailliste !
Un nombre record de personnes rejoignent le Parti travailliste pour soutenir son leader Jeremy Corbyn, socialiste démocrate opposé à la guerre et dont la ligne politique est en nette rupture avec le blairisme. Et devinez quoi ? Ces nouveaux membres sont les disciples d’un révolutionnaire russe décédé il y a plus de 75 ans !
Le nombre d'adhérents au parti a atteint 100 000 personnes cet été – qui aurait pu penser qu'il y avait autant de trotskistes en Grande-Bretagne ! C'est encore plus surprenant étant donné que le principal parti trotskiste, le SWP, ne compte qu'environ 6 000 membres.
Selon le vice-chef du Parti travailliste, Tom Watson, qui s'oppose à Jeremy Corbyn, les nouveaux arrivants trotskistes «tordent les bras» des jeunes membres. Peut-être qu’ils les menacent également en invoquant de l'Armée Rouge ?
Les «trotskistes dans le placard» sont la variante de 2016 du «les rouges sont dans le placard» pour les complotistes maccarthistes du parti travailliste qui cherchent à restreindre la démocratie de parti et à retourner aux politiques travaillistes «light», guerrières et favorables aux élites.
7. La Russie était derrière la fuite des emails du Comité national démocrate
On n'a encore présenté aucune preuve que le Kremlin était responsable de la fuite des emails du Comité national démocrate, nous allons donc promouvoir cette théorie du complot 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, n'est-ce pas ? Cela concerne la Russie, l'ennemi officiel, on n'a donc pas besoin d'attendre des choses aussi insignifiantes que des faits, n'est-ce pas ? Comme l'a noté Glenn Greenwald : «En plus de percevoir cette théorie du complot privée de toutes preuves comme la vérité, les démocrates, suivant la campagne d'Hillary Clinton, sont allés jusqu'à calomnier le Kremlin pour avoir organisé l'opération Wikileaks.»
8. Vladimir Poutine a orchestré le hooliganisme de l'Euro-2016 pour faire sortir la Grande-Bretagne de l'UE
Celle-là est un candidat solide au titre de la théorie du complot la plus folle de 2016. La Russie a vraiment envie que les sanctions occidentales soient levées. Alors, que fait le président russe ? Il incite des hooligans russes à attaquer des supporters britanniques à Marseille. Apparemment, cela influence gravement le vote britannique pour la sortie de l'UE.
Je suis convaincu que des millions de personnes au Royaume-Uni, ayant appris la bagarre entre les fans russes et anglais en France, se sont ensuite tournés vers leurs compagnons en disant : «Ca y est. Ce jeudi je vote pour le Brexit !»
Certaines théories conspiratrices sont plus égales que d’autres.
9. Donald Trump est un agent russe
L'argument de l'Occident contre Donald Trump est le suivant : comme le candidat républicain à la présidentielle n'a apparemment pas envie de déclencher la troisième guerre mondiale avec la Russie à cause de l'Ukraine ou de la Syrie, il est nécessairement un agent russe ! Consciemment ou inconsciemment !
On a même entendu des déclarations selon lesquels Donald serait un «candidat mandchou», travaillant secrètement soit pour la Russie, soit pour Hillary Clinton.
Encore une fois, devenez spécialiste des ces théories du complot sans preuves et vous ne perdrez jamais votre autorité aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne en tant que «commentateur digne de respect». Loin de là. Mais si vous prétendez que Tony Blair ou David Cameron, au regard de leur politique pro-américaine, étaient des agents américains, consciemment ou inconsciemment, votre carrière sera vouée à l'échec et au ridicule. Cela prouve de nouveau que certaines théories conspiratrices sont plus égales que d’autres.
Aller à Moscou et ne pas vouloir faire la guerre avec la Russie est apparemment inacceptable et suffit pour qu'aparaîsse une nouvelle théorie du complot de l’establishment
10. Jill Stein est une complice du Kremlin !
La candidate des verts à l’élection présidentielle obtient beaucoup de soutien de progressistes incapables de comprendre en quoi Hillary Rodham Clinton, financée par Wall Street et soutenue par les néo-conservateurs est progressiste. Alors, devinez quoi ? Une fois sa popularité prouvée, Jill Stein est traitée de complice du Kremlin et accusée d'avoir des liens avec Vladimir Poutine.
Les «preuves» ? Tout comme Donald Trump, elle ne semble pas vouloir commencer la troisième guerre mondiale et, tenez-vous bien, elle a été parmi d'autres personnalités publiques qui ont été présents à une conférence à l'occasion du 15ème anniversaire de RT en 2015.
Aller à Moscou et ne pas vouloir faire la guerre avec la Russie, ou bien avec quelqu'un d’autre, est apparemment inacceptable et cela suffit pour qu'aparaîsse une nouvelle théorie du complot de l’establishment qui soit acceptable. Vous allez voir.
Lire aussi : Trump, agent de Poutine aux USA : «ânerie et fantasme» de l'establishment américain
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