Tony Blair à George W. Bush : «Je serai avec toi quoi qu’il arrive»

Tony Blair à George W. Bush : «Je serai avec toi quoi qu’il arrive» Source: Reuters
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L'enquête sur la guerre en Irak montre que Tony Blair se fichait de son propre parlement et n'avait prêté serment qu'au président des Etats-Unis George W. Bush, selon le journaliste Pepe Escobar.

Tout y est : 12 volumes, 2,6 millions de mots (près de quatre fois et demi Guerre et Paix), sept ans de rédaction et d’analyse de 150 000 documents du gouvernement britannique.

Présidée par John Chilcot, haut fonctionnaire à la retraite, et officiellement connue sous le nom d’«enquête sur l’Irak», cette investigation proustienne explorerait chaque aspect de la préparation du Royaume-Uni à l’invasion et l’occupation de l’Irak ainsi que ses conséquences.

Allons droit au but. Ceci n’est pas une justification de l’establishment britannique ; c’est en réalité beaucoup plus fort que ce qu’attendaient un bon nombre d’analystes. Des fuites avaient montré que parmi les accusés figurerait un certain nombre de personnalités britanniques en politique, dans l’armée et dans les services secrets. Et c’est effectivement le cas.

Tony Blair «a surestimé ses capacités» à influencer les décisions des Etats-Unis en Irak

Tout le monde connait les questions principales. Tony Blair a-t-il menti sur la nécessité de partir en guerre ? La guerre était-elle légale ? La guerre a-t-elle – comme Tony blair l’a déclaré haut et fort – «renforcé» la sécurité de la Grande-Bretagne ? Qu’a promis Blair à George Bush ? A-t-il menti au sujet de ces armes de destruction massive inexistantes ? Les services secrets du MI6 étaient-ils dans le coup ? L’armée britannique n’a-t-elle pas réussi à tenir tête à Blair ?

L’examination du rapport prendra plusieurs jours. Mais d’après la première déclaration de Chilcot, certaines conclusions sont flagrantes. Il n’était «pas nécessaire» de partir en guerre en mars 2003. Toutes les décisions ont été prises à partir d’«informations secrètes et d’analyses biaisées».

Le cabinet britannique n’a pas discuté des nombreuses options militaires possibles – ou de leurs conséquences. Le gouvernement britannique – dans quel Alice aux pays des merveilles vivaient-ils ? – a cru que l’administration en Irak après l’invasion serait dirigée par l’ONU, et non pas contrôlée par le régime néoconservateur de Cheney.

Et puis il y a cette déclaration frappante ; Tony Blair «a surestimé ses capacités» à influencer les décisions des Etats-Unis en Irak. Et pourtant la fameuse confession faite à Bush en juillet 2002 et qui apparaît dans le rapport, était claire : «Je serai avec toi quoi qu’il arrive». Blair n’était qu’un suiveur, pas un meneur. 

Nous savions déjà à l’été 2002 qu’il n’y avait aucune arme de destruction massive

Le rapport fait la description de ce que l’on pourrait appeler «L’école de renseignements des trois larbins». Les principaux responsables de la débâcle sont John Scarlett, président du Comité conjoint du renseignement, qui dépendait du MI6 ; et le patron du MI6 de l’époque Richard Dearlove. Non seulement leurs informations étaient erronées ; en tant que journalistes indépendants, nous savions déjà à l’été 2002 (j’ai passé un mois entier à parcourir l’Irak au printemps 2002) qu’il n’y avait aucune arme de destruction massive. Les inspecteurs des Nations Unies qui n’étaient pas télécommandés par les Etats-Unis le savaient aussi. 

Blair a non seulement complètement acheté de fausses informations secrètes au MI6, mais il les a aussi montrées au parlement britannique avec une «certitude» absolue. Le rapport accuse l’appareil des renseignements britanniques tout entier de ne pas avoir essayé de contenir Blair.

Et il y a pire. Selon le rapport, le gouvernement britannique «a accusé la France d’avoir créé une «impasse» à l’ONU et a affirmé agir au nom de la communauté internationale pour «maintenir l’autorité du Conseil de sécurité». En l’absence d’une majorité de majorité en faveur d’une intervention militaire, nous considérons qu’en réalité le Royaume-Uni sapait l’autorité du Conseil de sécurité».

Ne vous attendez pas à une telle intrigue dans le prochain James Bond.

La promesse de tuer un million de personnes

Blair se fichait complètement de son cabinet, du parlement britannique ou même du droit international

Rien de tout cela n’est nouveau. Tous ceux d’entre nous qui, en 2002 et jusqu’au début de l’année 2003, ont suivi la préparation à l’inévitable guerre en Irak savaient que Blair était le caniche stratégique de la relation spéciale [des Etats-Unis et du Royaume-Uni] pour conférer un semblant de légitimité au régime néoconservateur de Cheney. En ce qui concerne Blair, il est désormais clair avec le rapport Chilcot qu’il se fichait complètement de son cabinet, du parlement britannique ou même du droit international. Il n’a prêté serment qu’à George W. Bush («Je serai avec toi quoi qu’il arrive»).

Le résultat, comme nous le savons, est plus qu’effroyable. En 2006, la revue scientifique britannique The Lancet a publié un échantillon d’une vaste recherche  –  basée sur l’enquête de docteurs qui ont parcouru l’Irak se rendant de maison en maison – estimant que 655 000 irakiens étaient morts à cause de la guerre.

Le travail des Physicians for Social Responsibility montrait des chiffres encore plus graves en 2015 : un million de morts (soit 5% de la population), ce qui n’inclut pas les morts parmi les trois millions de réfugiés. Chilcot s’est montré prudent et préventif en déclarant «nous ne sommes pas un tribunal», soulignant le fait qu’aucun avocat n’avait participé à l’élaboration du rapport. Mais, si le rapport ne déclare pas d’emblée la guerre illégale, il laisse, à la façon de Tony Blair, quelques brèches qui pourraient générer d’énormes problèmes en matière juridique. Il est désormais clair que la tentative de coup du Parti travailliste contre Jeremy Corbyn est directement liée au rapport Chilcot. Corbyn, qui milite contre la guerre et arbore un CV impeccable, a déclaré l’année dernière que Blair pouvait être jugé à La Haye si le rapport Chilcot démontrait qu’il était coupable d’avoir lancé une guerre illégale. En tant que chef du Parti travailliste, Corbyn pourrait offrir à Blair l’immunité parlementaire et ainsi ne pas s’aventurer face à l’armée des avocats de Blair. Le coup qui a eu lieu au sein du Parti travailliste – orchestré par les partisans de Blair – était sensé culminer immédiatement après le Brexit. Après s’être fait renversé, Corbyn n’aurait pu s’en prendre à Blair qu’en tant que député d’arrière plan. Ce n’est pas un poste suffisamment important.

La tentative de coup du Parti travailliste contre Jeremy Corbyn est directement liée au rapport Chilcot

L’occasion d’arrêter Corbyn est désormais passée. Soulignons un point crucial : dans sa déclaration au sujet du rapport, Corbyn a effectivement suggéré que la Chambre des Communes devrait prendre des mesures contre Blair pour l’avoir trompée durant la préparation à la guerre. Cela veut dire que Blair pourrait être destitué.

Peu importe ce que dit Blair après la publication de ce rapport – que la division entre les Sunnites et les Chiites en Irak, l’un des éléments clefs qui a conduit à ce carnage, existait déjà avant l’invasion (cela est faux comme j’ai pu le voir de mes propres yeux en 2002), que l’Iran et Al-Qaïda sont responsables de l’insécurité en Irak après l’invasion (en ce qui concerne l’Iran cela est faux, et pour Al-Qaïda c’est le régime de Cheney qui a amené l’organisation terroriste en Irak) – tout cela ne sera que mensonge.

Le rôle qu’a joué le Royaume-Uni en Irak est directement lié à la crise des réfugiés en Europe

Aujourd’hui, dans cette situation, Tony Blair échappera sans doute à un aller simple pour La Haye pour y être jugé pour ses crimes de guerre. Mais un nombre incalculable de personnes à travers le monde peut toujours rêver d’une justice ironique/poétique ; Blair l’Anglais qui incitait à la guerre jugé à une cour européenne juste après le Brexit, alors que le rôle d’occupant accessoire qu’a joué le Royaume-Uni en Irak est directement lié aux millions de personnes fuyant les djihadistes et provoquant une crise des réfugiés en Europe.

Du même auteur : La Grande Muraille de l’impuissance du Pentagone

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