L'ancien Premier ministre pourrait être jugé pour crime de guerre après la publication du rapport montrant qu'il a manipulé des informations pour engager son pays dans la guerre en Irak, selon l'ex-agent des services britanniques Annie Machon.
RT : Tony Blair a déjà réagi à la publication du rapport en niant les accusations qui lui sont portées, mais peut-être pensait-il vraiment agir dans l’intérêt de la Grande-Bretagne en s’engageant dans cette guerre ?
Le MI5 était contre partir en guerre
A. M. : Je suis sûre qu’il le croit. Cependant, la baronne Eliza Manningham Buller, alors patronne du MI5, les services secrets intérieurs du Royaume-Uni, l’avait très clairement prévenu que si l’Irak était envahie, si Saddam Hussein était renversé et s’il y avait effectivement des armes de destruction massive et d’autres munitions, elles tomberaient entre les mains de terroristes potentiels et par conséquent porteraient davantage atteinte à la sécurité nationale du Royaume-Uni. Cela s’est avéré exact. Le MI6 a facilité et donné beaucoup de renseignements qui ont joué un rôle dans la prise de décision [de partir faire la guerre en Irak]. Le MI5 était contre partir en guerre. Je dois dire que lorsqu’on regarde le désordre qui règne aujourd’hui en Libye, où encore une fois nous sommes intervenus, où encore une fois un soi-disant dictateur a été renversé, et encore une fois les rebelles ont pris le contrôle du pays et il y a désormais une guerre civile. Nous voyons encore une fois que les armes qui étaient à la disposition de ce dictateur sont tombées entre les mains de nos ennemis terroristes, y compris Daesh et Al-Qaïda. C’est un vrai chaos.
Tony Blair a détourné des informations pour tromper la population internationale et partir en guerre en Irak
RT : Blair a effectivement précédemment admis que l’opération en Irak aurait pu contribuer à la montée de l’Etat islamique. Selon le rapport Chilcot, Blair avait été prévenu à l’avance que cela générerait la montée du terrorisme dans le monde. Pourquoi a-t-il ignoré cette mise en garde ?
A. M. : Je pense que seul Tony Blair peut répondre à cette question. On peut spéculer et penser qu’il voulait monter sur la scène internationale en offrant un soutien inconditionnel à George Bush dans l’invasion de l’Irak, dans la guerre contre le terrorisme. C’est évidemment ce que le Royaume-Uni a fait, visiblement contre ses propres intérêts. Maintenant, je comprends la souffrance des familles des soldats qui ont perdu la vie en Irak, je comprends la souffrance de tous ceux qui ont été déplacés et/ou gravement blessés en Irak et il serait bien que sur la base du rapport Chilcot, Tony Blair puisse être amené à répondre de ses actes devant un tribunal pour crime de guerre, le crime d’agression. Cependant, si cela n’arrivait pas, il y a de bonnes chances qu’il puisse quand même être jugé selon le Official Secrets Act britannique de 1989, car Tony Blair occupait un très haut poste à l’époque. Cela signifie qu’il avait accès à des informations top secrètes, comme nous le savons, juste avant l’invasion de l’Irak. Ce sont des informations qu’il a détournées pour tromper la population internationale et partir en guerre en Irak. En diffusant des informations sans la permission préalable du chef du MI6 de l’époque, Richard Dearlove, qui est également accusé dans ce rapport, Tony Blair et son directeur de la communication et de la stratégie, Alastair Campbell, s’exposent potentiellement à un procès selon le Official Secrets Act, sinon à la Cour pénale internationale à la Haye.
La coopération entre la NSA et le GCSQ est la coopération de services secrets entre deux pays la plus étroite au monde
RT : Quelle va être l’influence de ce rapport sur les relations que le Royaume-Uni entretient avec l’un de ses plus proches alliés, les Etats-Unis ?
A. M. : Je pense que sur le plan politique cela devra avoir un impact, c’est le jeu politique international qui le veut. Cependant les services secrets américains et britanniques entretiennent une coopération très étroite. En vérité, la coopération entre la NSA et son équivalent britannique le GCSQ est probablement la coopération de services secrets entre deux pays la plus étroite au monde. Elle renforce la relation spéciale du Royaume-Uni et des Etats-Unis. Je pense donc qu’en coulisses, rien ne changera, mais sur le devant de la scène, les politiciens devront faire du bruit comme ils doivent le faire avec ce genre de rapport. C’est dommage que ce rapport ne fasse surface qu’aujourd’hui. Evidemment sa publication a été repoussée pendant sept ans, et pendant ces sept années nous avons vu l’invasion ratée de la Libye et l’intervention ratée en Syrie. Si ce rapport avait été publié à temps, comme promis en un an, peut-être aurait-il influencé la décision des pays européens d’intervenir et de semer le chaos une nouvelle fois au Moyen-Orient.
Le gouvernement du Royaume-Uni sera certainement plus prudent
RT : L’enquête va-t-elle changer la politique étrangère du Royaume-Uni au Moyen-Orient ?
A. M. : Je pense qu’à l’avenir le gouvernement du Royaume-Uni sera certainement plus prudent dans ses décisions d’intervention. Chilcot a très clairement dit que cette guerre n’était pas nécessaire et qu’elle n’était certainement pas le dernier recours. Il y a d’autres moyens pacifiques qui auraient pu être utilisés avant de se précipiter dans cette guerre sur la base de mensonges qui étaient également diffusés par les médias britanniques. Je pense que les gouvernements britanniques prendront davantage de temps pour réfléchir avant d’intervenir. Cependant, cela dépend de la pression exercée par les Etats-Unis. S’ils veulent faire quelque chose, par exemple envoyer des troupes en Syrie, le Royaume-Uni pourrait encore être sous pression et le Brexit pourrait le rendre plus vulnérable à cette pression.
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