Le Sénat français a adopté une résolution demandant d'assouplir les sanctions contre la Russie, imposées dans le cadre du conflit en Ukraine. Plus tôt, une résolution similaire a également été adoptée à l'Assemblée nationale française.
Bien que le gouvernement ne soit pas obligé de suivre ces deux résolutions, elles envoient un fort signal de mécontentement à l'administration du président Hollande.
Les législateurs demandent que les mesures punitives contre la Russie soient abolies, soulignant que Moscou reste un partenaire stratégique de la France et de l'Europe. Ils espèrent également que, en contrepartie, la Russie lèvera son embargo alimentaire sur les produits de l'UE.
Il va y avoir une énorme pression via l'ambassade américaine et Londres pour veiller à ce que la France ne dise pas : « Nous devrions lever les sanctions »
RT: Ce vote est non contraignant. Mais si le Sénat soutient la résolution, peut-on espérer une action imminente du gouvernement ?
William Mallinson (W. M.) : Il va y avoir un peu d’agitation, parce que la majorité était écrasante : 302 votes contre 16. C'est très significatif. Il va y avoir d'une part une énorme pression [exercée] via l'ambassade américaine et d’autres canaux, et de la part de Londres pour veiller à ce que la France ne dise pas : «Nous devrions lever les sanctions» lors du Conseil des ministres le mois prochain. Donc, c’est un peu une situation de haute voltige.
Le seul «parti gaulliste» réel – bien qu'on ne l’appelle pas gaulliste – est celui de Marine Le Pen
En outre, il ne faut pas perdre de vue les élections présidentielles françaises de l'année prochaine. Car il se trouve que le seul «parti gaulliste» réel – bien qu'on ne l’appelle pas gaulliste – est celui de Marine Le Pen, qui est complètement opposé aux sanctions et qui peut remporter les élections. Donc, si on fait un cocktail de tout cela, je pense qu’il est possible que même la France - à condition que l'Italie la rejoigne - puisse dire tout simplement : «Non, nous devons abolir ces sanctions, peut-être pas immédiatement, peut-être tout de suite». Je pense que c’est possible, car les Français eux-mêmes en ont marre de cette pression excessive venant de l’autre côté de l’Atlantique. N’oublions pas, par exemple, qu'ils sont encore échaudés par l'histoire des deux porte-hélicoptères [Mistral] qu'ils devaient vendre à la Russie avant que l'Amérique ne dise «non»... Ce genre de choses est finalement ressenti par le grand public. Et rappelez-vous que, comme nous pouvons le voir aujourd'hui dans les rues de Paris, les Français ont une tradition de contestation, même si elle est en train de perdre du poids. Nous avons vu qu’une sorte de néo-gaullisme faisait lentement surface. Voilà ce que je vois en ce moment, historiquement parlant en tout cas.
C’est la vieille histoire : qui contrôle l'Europe ?
Comme je dis, cela dépend [aussi] de certains autres pays. De plus en plus de gens se lèvent maintenant. Même des régions de l'Italie – la Ligurie va s’exprimer sous peu. Je pense que leur leader a parlé des «mesures suicidaires» prises contre la Russie. On a déjà eu la Vénétie, qui a une forte tradition d'indépendance. On a les Hongrois – non pour des raisons altruistes, je pense, mais pour des raisons commerciales. Et les Autrichiens aussi. Donc, je pense qu'en juillet, cela va être un peu le moment de vérité. Il y a une grosse pression en coulisses. C’est la vieille histoire : qui contrôle l'Europe - seraient-ce les Anglo-Saxons, serait-ce l'Europe elle-même ou quiconque ? Je pense que c’est de cela qu’il s’agit.
L’intégralité des 28 pays doit dire [«oui»] aux sanctions - s’il y en a un qui s’oppose, elles seront bloquées
RT : On entend des voix opposées à la prolongation des sanctions contre la Russie non seulement en France, mais aussi en Italie, en Hongrie et dans d'autres pays. Pensez-vous qu'il y aura une réaction d'autres pays européens après ce vote en France ? Que pouvons-nous attendre maintenant du vote final de la Commission européenne ? Les différends entre l'Europe et la Russie pourraient-ils être réglés ?
W. M. : Il suffit qu'un ou deux pays se lèvent et refusent d'entériner la décision des 28 [pays membres]. N’oublions pas que l’intégralité des 28 pays doit dire [«oui»] aux sanctions - s’il y en a un qui s’oppose, elles seront bloquées. Telle est la façon dont fonctionne le Conseil des ministres. Donc, tout va se jouer au niveau du marchandage et des pressions internes. Je pense que le vent est en train de tourner. Je le répète : ça pourrait être le moment de vérité, en juillet, quand ils se réuniront à nouveau pour prolonger [les sanctions]. Ou ils pourraient faire un compromis intelligent : ils pourraient dire que ce sera la dernière fois qu’on prolonge les sanctions... On ne peut pour l’heure le savoir, mais je vois bien arriver une sorte d’assouplissement des sanctions.
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