En évoquant les menaces internationales dans un récent discours, le Premier ministre britannique a associé la «nouvelle belligérance russe» avec Daesh. Cameron semble pourtant craindre sa «renaissance», considère le journaliste John Wight.
Le fait d’associer la Russie et Daesh dans les menaces internationales donne une nouvelle dimension à la perversité. Pour sa plus grande honte, c’est ce qu’a fait le Britannique David Cameron, reflet de l’affection dont souffre son gouvernement.
Cela en dit long sur son désespoir d’arrêter la vague croissante de soutien populaire, en Grande-Bretagne, à la sortie du pays de l'Union européenne, si son Premier ministre doit parler de menaces d'une «nouvelle belligérance russe», alors que le mois de juin et l’heure du référendum dédié à l'adhésion du pays à l'UE approchent.
Cependant, le désespoir cède la place au déshonneur lorsqu'on étudie la citation en entier : «Nous voyons une nouvelle Russie belligérante, la montée en puissance du réseau Daesh à l’Est, et, au Sud de notre pays, la crise migratoire», a déclaré Cameron lors d'un discours à Londres, au nom de la campagne Remain [«Restons»].
Un leader mondial qui a compris l'énormité du sacrifice et le rôle dans la défaite des nazis des peuples russe et soviétique était Winston Churchill
Ce qui est encore plus important est que cette comparaison scandaleuse et profondément insultante de Cameron associant la Russie à Daesh a été faite précisément au moment où la Russie commémorait le Jour de la Victoire, fête annuelle où la nation s’arrête pour se rappeler la lutte épique du pays et de son peuple contre l'assaut nazi. Cela a été une lutte gagnée à coût énorme, presque insupportable, dont témoignent les 27 millions de personnes qui ont perdu la vie et les innombrables villages et villes réduits en cendre.
Un leader mondial qui a compris l'énormité du sacrifice et le rôle dans la défaite des nazis des peuples russe et soviétique était Winston Churchill, Premier ministre britannique à l’époque de la Seconde Guerre mondiale. Dans un discours prononcé à la Chambre des communes en août 1944, Churchill a rappelé au peuple britannique que «celle-ci [l’armée russe, ndlr] a fait le travail principal et a littéralement enlevé les entrailles de l'armée allemande. Nous pouvons maintenir notre position sur mer et dans les airs mais aucune force au monde n'aurait pu être organisée avant plusieurs années, qui ait été capable d'abattre l'armée allemande, comme l'ont fait les forces soviétiques».
Affirmer qu’un pays est «à nouveau belligérant» parce qu’il affiche être prêt à défendre ses frontières est absurde
Avançons de 70 ans dans le temps et nous trouvons la Russie engagée dans la lutte contre les terroristes de Daesh – ces mêmes qu’on peut lui assimiler, comme l’estime Cameron. Rien que pour rappeler au Premier ministre et à d'autres qui voient la situation de la même façon, la Russie est un pays industrialisé avancé avec 145 millions d’habitants, une histoire qui remonte à des siècles, et dont la contribution à l'art, à la littérature, à la science et à la civilisation mondiale va au devant d’elle. Daesh, d'autre part, est le nouveau-né d’un culte de la mort de coupeurs de têtes médiévaux, actuellement engagé dans une campagne de génocide humain et culturel à travers la Syrie et l'Irak. Sans la «belligérance» de la Russie, cette campagne aurait été toute proche de la victoire, au lieu de s’enfoncer dans la défaite.
Il serait bénéfique pour David Cameron et son équipe de passer cinq minutes sur Internet à chercher le nom d’Alexandre Prokhorenko. Après avoir fait cela, s'il y a la moindre décence en lui, Cameron devrait alors prendre le premier avion pour la Russie et se jeter aux pieds de la famille de Prokhorenko, en les suppliant de le pardonner pour avoir osé insulter un homme dont l'héroïsme fait honte au Premier ministre britannique, et à la vie de confort et de privilèges qui est la seule chose qu'il a connue.
Affirmer qu’un pays est «à nouveau belligérant» parce qu’il affiche être prêt à défendre ses frontières est absurde. Le Jour de la Victoire en Russie est un fort rappel des conséquences pour le dernier envahisseur qui est venu frapper à sa porte. C’est une leçon que le peuple russe a appris non pas dans les livres d'histoire ou dans les salles de cours, mais dans le creuset d’une guerre totale. Et celui qui ne tire pas de leçon de l’histoire, comme le sait chaque être doué de sens, sera condamné à la revivre.
Quand David Cameron critique la «nouvelle belligérance» de la Russie, ce dont il parle en réalité est de «renaissance»
En parlant d'histoire : celle – récente – de la Russie comprend la disparition de l'Union soviétique. Le choc économique, social et culturel de son peuple éprouvé à la suite de sa disparition a été suffisamment lourd. La tentative de l'Occident d'exploiter cette crise en réduisant la Russie à une néo-colonie du capital financier occidental a transformé le «lourd» en criminel. Le mensonge idéologique et triomphaliste inspirant cet effort est parfaitement encapsulé dans les mots de l'historien de l'Université de Harvard et conseiller en sécurité de l’époque de la Guerre froide, Richard Pipes. En réponse à la crise qui avait englouti la société russe, Pipes avait déclaré qu'il serait souhaitable «que la Russie continue à se désintégrer jusqu'à ce qu'il ne reste rien de ses structures institutionnelles».
David Cameron est sûr d'entrer dans l'histoire comme l'un des plus déshonorants Premiers ministres que la Grande-Bretagne ait jamais eu
La lecture de ces propos confirme aujourd'hui le sort «à la Carthagène» que les néocons américains et leurs alliés européens avaient réservé à la Russie et son peuple au début des années 1990.
Voilà pourquoi, quand David Cameron critique la «nouvelle belligérance» de la Russie, ce dont il parle en réalité est de «renaissance». Et quand il essaye d’assimiler la Russie avec Daesh, en vérité il ne fait que projeter l'incapacité de son propre gouvernement à mettre fin à la marche victorieuse de ce culte de la mort sur le seul pays hors du Moyen-Orient qui a su le faire.
Personne ne sait comment le peuple britannique va voter quand il se rendra en juin aux urnes lors du référendum sur la question de l’adhésion du pays à l'UE. Toutefois, ce que nous pouvons dire sans craindre la contradiction, c’est que, quel que soit le résultat – «sortir» ou «rester» - David Cameron est sûr d'entrer dans l'histoire comme l'un des plus déshonorants Premiers ministres que la Grande-Bretagne ait jamais eu.
Etant donné le nombre de candidats dans cette catégorie, ça n’est pas là un petit exploit.
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