L’Europe ne comprend plus l’expression des peuples et le besoin de démocratie, estime l’économiste Hélène Clément-Pitiot en commentant l’adoption de la résolution de la levée des sanctions contre la Russie.
RT France : Que signifie pour vous ce vote à l’Assemblée sur la levée des sanctions ?
Hélène Clément-Pitiot : L'Assemblée nationale vient de se prononcer pour la levée des sanctions contre la Russie, malgré les discours que je pourrais qualifier d’acharnés de Madame Guigou et de Monsieur Désir. 55 députés se sont levés pour refuser la langue de bois et l’hystérie qu’on leur a servies.
Ce vote est un acte fort des représentants du peuple français. On doit ce résultat à l’entrain et à la détermination de Thierry Mariani qui dans sa mission de député des Français à l’étranger et co-président du Dialogue franco-russe, a témoigné de l’importance des relations économiques entre la France et la Russie mais aussi de l’amitié entre ces deux pays. Ces témoignages étaient importants pour contrer les égarements d’interprétation qui étaient communément donnés à voir en Europe et en France. Il a fait voir et fait découvrir le réel à tous ses collègues députés et sénateurs de bonne volonté, à travers de multiples voyages sur le terrain, dans les régions de Russie. Partout, ils sont allés à la rencontre des Français qui y vivent, y élèvent leurs enfants grâce à un travail trouvé sur place qui les rend plus libres. Ces voyages ont amené les élus à la rencontre des Russes qui sont fiers de leur pays et gardent la mémoire des épreuves traversées ensemble... et parfois aussi ensemble avec les Français, comme la symbolique du Normandie-Niemen, à laquelle ils sont très attachés, le rappelle.
55 députés se sont levés pour refuser la langue de bois et l’hystérie qu’on leur a servies
RT France : Le gouvernement va-t-il prendre en considération ce résultat ?
H. C.-P. : Maintenant, la décision finale appartient en effet au gouvernement mais ce vote est un moyen de pression important, car il exprime l’avis des représentants du peuple. Dans une démocratie qui se respecte, ça reste important. Voyons les choses positivement, je considère que c’est aussi là une chance qu’a le gouvernement français, doublée d’une opportunité de calendrier. J’espère qu’il sera en mesure d’en mesurer la substance. On peut avoir bon espoir car notre nouveau ministre des Affaires extérieures, Monsieur Ayrault, a eu lui aussi une attitude d’ouverture certaine lors de sa visite à Moscou dernièrement. Il aurait même invité le Président Russe à Paris à l’automne 2016. Cette décision du parlement va peut-être aider Jean-Marc Ayrault à concrétiser le tournant politique qu’il envisage quant aux relations entre la France et la Russie. Mais il devra faire preuve de détermination pour y arriver car les pressions européennes vont certainement se faire sentir très vite. L’Europe n’hésitera pas à s’exposer encore une fois contre les décisions des peuples. Dans une période proche du référendum Britannique, ce n’est pas le meilleur moment d’ajouter un argument facile aux partisans du Brexit.
Ce vote est un moyen de pression important, car il exprime l’avis des représentants du peuple. Dans une démocratie qui se respecte, ça reste important
S'il y a une fenêtre d’opportunité pour que l’Europe soit plus docile, c’est maintenant. La période est stratégique et bien choisie par les politiques français. Quel symbole et quel espoir pour la France de pouvoir porter à l’Europe entière et au monde un discours de vérité et d’amitié envers la Russie, si le gouvernement français suit le vote des élus du peuple ! Les semences de l’héritage gaulliste quant à l’amitié franco-russe germeraient-elles à nouveau comme dans le petit village de Florensac, dans le sud de la France ? Des symboles qui poussent le réel !
RT France : L’UE va-t-elle réagir ou maintenir les sanctions cet été ?
H. C.-P. : Je ne doute pas que l’UE va réagir, comme pour le referendum des Pays-Bas sur l’association avec l’Ukraine qui ne lui a pas plu. 65% des personnes opposées au soutien sans concession du gouvernement de Kiev qui s’imaginent pouvoir contrarier les plans de l’UE ? La tendance sera même de passer outre, avec quelques commentaires bien méprisants à l’appui, pour le peuple français cette fois, et ses représentants élus. Encore un pas de trop me direz-vous ? En effet, mais cette Europe-là ne s’en rend plus compte !
L’Europe ne comprend plus l’expression des peuples et le besoin de démocratie, c’est une structure fonctionnaliste qui ne voit légitime que le gouvernement des masses – jugées incultes – par les experts «éclairés». Et c’est bien là que le bât blesse... Les éclairages soumis à toutes les manipulations, au risque d’une soumission totale, qui se donnent à voir ça et là sur de nombreux dossiers et pas des moindres – TAFTA, Turquie et réfugiés.
L’Europe ne comprend plus l’expression des peuples et le besoin de démocratie
Le problème majeur c’est que l’Europe est intraitable et se refuse obstinément à reconnaître ses erreurs et ses torts. Personne individuellement dans l’institution n’ose contrarier ou contredire. Cette caractéristique est certainement à l’origine du fait que l’Europe a été entraînée dans une successions de faux pas vis-à-vis de la Russie qui ont des répercussions économiques, sociales et militaires graves. La mauvaise information est à l’origine de ces faux pas, elle se nourrit de jugements contraints sur la base d’experts qui ne sont pas libres de donner de vrais avis. Les actes qui en découlent sont d’une portée en terme d’irréversibilité qui se mesurera longtemps dans les relations entre la Russie et L’UE. Que la France commence à réaliser le problème et souhaite enfin envisager une controverse offerte par ce vote anti-sanctions est salutaire pour l’UE elle-même.
L’économie ukrainienne fut saluée longtemps comme «prometteuse»... Maintenant on peut le dire, elle était prometteuse d’un gouffre financier sans fond
Ce que j’incrimine le plus dans les procédés que nous avons vu se développer tout au long de la saga des sanctions et même bien antérieurement, c’est l’inconséquence des réseaux d’experts consultés sur les sujets de l’Ukraine et la Russie. C’est eux qui sont largement à mettre en cause... On les retrouve partout pour faire taire les voix dissonantes : dans les rapports au Sénat, et même jusqu’à la CCIFR – Chambre de commerce franco-russe – сensée défendre les activités des firmes françaises en Russie ! Le pire étant que tous finissent par croire en leurs propres égarements : manque de rigueur et approximations se nourrissent de prévisions sans fondement et surtout jamais ajustées aux données réelles, qui pourtant finissent pas transparaître un jour où l’autre. Ainsi, l’économie ukrainienne fut saluée longtemps comme «prometteuse»... Maintenant on peut le dire, elle était prometteuse d’un gouffre financier sans fond. C’est aussi un gaspillage humain irresponsable.
Le pire, comme le souligne Roland Gori, psychologue clinicien qui a étudié le mécanisme de l’imposture c’est que l’imposteur finit par devenir imposteur vis-à-vis de lui-même. Telle est la situation en Europe à bien des égards et surtout vis-à-vis de la Russie.
Que la France tente de sortir de cette imposture par une voie populaire serait parfaitement symbolique. Ce serait la meilleure leçon de viabilité que l’UE pourrait recevoir. Sera-t-elle en mesure de l’écouter, elle qui est plus sensible aux injonctions de son voisin turc ?
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