Les clôtures et la police, tout comme les politiques proposées par les partis d’extrême droite n’offrent pas de réponse cohérente à la crise des migrants. Il faut une solution différente, estime Rainer Rothfuss, expert en géopolitique.
L’Allemagne se prépare pour les élections régionales partielles qui auront lieu le 13 mars. On estime que leur résultat pourrait être dur à avaler pour la chancelière Angela Merkel qui a perdu une grande part de sa popularité à cause de sa politique de «portes ouvertes» vis-à-vis des migrants. En attendant, les partis de droite regagnent du terrain, à l’image du parti Alternative pour l'Allemagne (AfD), comme en témoignent les récents sondages.
RT : Quelles sont les chances du parti eurosceptique AfD d’obtenir un nombre de voix important lors des prochaines élections ?
Rainer Rothfuss (R. R.) : Les sondages récents indiquent que le Parti Alternative pour l'Allemagne (Afd) va gagner de 10% à 20% des voix dans les trois Länder où les élections se tiendront le 13 mars.
RT : La droite et même l’extrême droite sont de plus en plus populaires. Comment l’expliquez-vous ?
R. R. : On peut constater une sorte de relation entre les récents développements de la politique d'immigration du gouvernement de la chancelière Angela Merkel et un certain mécontentement au sein de la population, ce qui entraîne une tendance à voter pour les partis d'extrême droite en Allemagne.
RT : Quelles peuvent être les répercussions de cette popularité des mouvements de la droite et même de l'extrême droite ?
Les accords sur l'immigration qui vont être conclus prochainement avec la Turquie ne vont pas améliorer la situation
R. R. : Les gens espèrent que l’arrivée d'autres partis sur la scène politique mettra un terme à l'absence de concept pour ce qui est de la politique d'immigration vers l'Europe et ils attendent sans doute que la politique des frontières ouvertes change. Mais la question est de savoir si cela va vraiment aider à améliorer la situation.
Parce que, ce n’est pas à l’aide de clôtures et de forces de la police que nous pouvons changer les tendances migratoires que nous observons en ce moment et, par conséquent, nous aurions besoin de différentes réponses politiques que celles offertes par les partis de la droite.
Nous avons besoin d'un changement de politique au Moyen-Orient parce que les pays occidentaux ont toujours tendance à soutenir des groupes terroristes islamistes dans le conflit syrien au moment où des négociations vont reprendre à Genève.
Par exemple, le gouvernement allemand soutient le Haut Comité de négociation qui a été institué par l'Arabie saoudite pour s’assurer que ses intérêts soient respectés en ce qui concerne la Syrie.
Et donc je vois que les partis de droite ne feront rien de bien quant au changement de la politique d'immigration, parce que les problèmes doivent être résolus à leur origine.
RT : Pourriez-vous indiquer deux ou trois grandes erreurs commises par les autorités actuelles sur la politique d’immigration allemande ?
L'Europe trahit ses valeurs en concluant ce marché avec la Turquie, un pays qui est sous le gouvernement d'Erdogan, qui ne respecte pas les droits de l’homme correctement
R. R. : Le problème principal, c’est le fait que les gouvernements de l'Europe, et surtout celui de l'Allemagne, ne se doutaient pas une seule seconde de l’ampleur de la vague d'immigration qui allait arriver en 2015. C’était une grave erreur car il était évident que le conflit syrien avait provoqué de grands mouvements de réfugiés vers les pays voisins, tout comme il était évident que la situation dans les camps de réfugiés était mauvaise et continuerait à se dégrader au milieu de l’année 2015.
Cela n’était pas sage, de n’avoir aucun plan de soutien aux gens dans leur pays d'origine.
Ensuite, je suis sûr que les accords sur l'immigration qui vont être conclus prochainement avec la Turquie – un autre objectif de la chancelière Merkel – ne vont pas améliorer la situation, parce que l'Europe trahit ses valeurs en concluant ce marché avec la Turquie, un pays qui est sous le gouvernement d'Erdogan, qui ne respecte pas les droits de l’homme correctement. Et nous resterons toujours dans une position de faiblesse vis-à-vis de la Turquie qui aura toujours recours à l'arme de la migration de masse, comme Kelly Greenhill de l'Université Tufts l’a exposé de manière scientifique dans son livre [Weapons of Mass Migration: Forced Displacement, Coercion and Foreign Policy, Cornell Studies in Security Affairs].
Par conséquent, nous avons besoin de concepts différents : il faut [un processus de] pacification au Moyen-Orient, il faut reconstruire ces pays… et cela pourrait résoudre le problème.
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