«Il y a plus de questions que de réponses», chantait l’américain Johnny Nash en 1972. La formule s’applique au marathon de «questions-réponses» avec Vladimir Poutine : plus de trois millions de questions ont été envoyées à l’attention du Président.
La séance d’aujourd’hui (jeudi 14 avril), comparée aux précédentes, a été relativement «courte» - elle n’a duré que trois heures et 39 minutes – une heure et huit minutes de moins que le record de Poutine, en 2013.
Et le président russe n’a répondu qu’à 80 questions. Quel flemmard !
Même si aucun record n'a été battu, c’était encore une fois un spectacle assez impressionnant – et ce en particulier pour les Occidentaux, peu habitués à voir des dirigeants être assaillis de questions posées directement par le public pendant des heures.
Naturellement, suivant les préoccupations du public, les premières questions posées à Vladimir Poutine ont porté sur les problèmes de la vie quotidienne : la hausse des prix, l'économie russe et l'état des infrastructures nationales. Le Président a déclaré que la hausse des prix était un phénomène temporaire et que ces derniers devraient se stabiliser.
«Katia» de Omsk a demandé au Président pourquoi les routes et les trottoirs de sa ville étaient dans un état aussi lamentable. Poutine a affirmé que des fonds avaient été alloués à l'entretien des routes, mais a promis d’agir pour améliorer les choses.
(Plus tard, nous avons appris que les autorités de Omsk, suite à la question de Katia, s'étaient engagées à réparer les routes pour la fête du 1er mai).
Au sujet des sanctions occidentales, Poutine a répondu que rien ne laissait penser qu’elles pourraient bientôt être levées, même si la Russie avait respecté les accords de Minsk en Ukraine.
L'Ukraine a servi de prétexte pour introduire des sanctions contre la Russie. Si ça n'avait pas été l’Ukraine, on aurait trouvé autre chose
Poutine a sûrement raison à ce sujet. Je dis depuis longtemps que l'Ukraine a servi de prétexte pour introduire des sanctions contre la Russie. Si ça n'avait pas été l’Ukraine, on aurait trouvé autre chose. Les néo-conservateurs rancuniers du Département d'Etat américain et de certaines élites occidentales, avaient une dent contre la Russie. En effet, elle avait mis un coup d’arrêt à leurs projets de changement de régime en Syrie et l’introduction de sanctions était leur façon de le lui faire payer.
Remarquez que «le coup d’envoi» du conflit en Ukraine a été «donné» peu de temps après l'intervention diplomatique de la Russie pour empêcher les frappes aériennes contre les forces gouvernementales syriennes en été 2013. Coïncidence ? Je ne pense pas. Tout était fin prêt pour lancer le Maïdan à partir du moment où les projets de bombardement de la Syrie ont été contrecarrés…
Poutine a eu raison de dire que la crise en Ukraine avait été «artificielle», notant que les mêmes oligarques étaient restés au pouvoir dans le pays.
«La Russie a besoin d'une Ukraine stable et prospère. Nous espérons qu’elle va se remettre sur pieds.», a déclaré Poutine. Voyons ce que les néo-conservateurs vont en faire.
Poutine a déclaré que l’aveu de Barack Obama – selon lequel la Libye a été sa «plus grande erreur» - avait montré que le président américain était une «personne honnête». Peut-on attendre autant de générosité d’Obama vis-à-vis de Poutine ? Je ne pense pas. Personnellement, je ne pense pas que la Libye était une «erreur». Je pense que la destruction du pays avec le niveau de vie le plus élevé d’Afrique était délibérée – comme l’était la destruction de l'Irak – mais, bien sûr, Poutine est trop poli et diplomate pour le dire.
Est-ce que la plus grande puissance impériale au monde peut cesser d'agir de manière aussi agressive et commencer à traiter les autres pays comme ses égaux ?
Le président russe a également averti les Etats-Unis de ne pas refaire en Syrie l’«erreur», qu’ils ont commise en Libye. Eh bien, nous saurons qu’il y a eu un réel changement à Washington quand les Etats-Unis cesseront de soutenir le «changement de régime» et laisseront le peuple syrien – et seul le peuple syrien – décider de qui doit le gouverner.
Poutine a noté que la Russie et l'Occident avaient coopéré de manière constructive sur des questions telles que le dossier iranien et la non-prolifération des armes nucléaires, mais que les Etats-Unis devaient respecter la Russie en tant que «partenaire égal» et ne pas agir comme s’ils étaient une nation supérieure.
Est-ce que la plus grande puissance impériale au monde peut cesser d'agir de manière aussi agressive et commencer à traiter les autres pays comme ses égaux ? Quel monde ce serait !
Les révélations des Panama Papers ont inévitablement refait surface lorsque quelqu’un a demandé à Poutine pourquoi il n'avait pas poursuivi les publications occidentales en justice pour la diffusion de mensonges.
Poutine estime que les fuites de Panama Papers ne sont pas un complot, mais font partie d'une «attaque informationnelle ciblée» contre la Russie
La réponse de Poutine était intéressante et vaut la peine d’être examinée en détails.
«Aussi étrange que cela puisse paraître, ils ne publient pas de mensonges au sujet des comptes offshores. Les informations sont exactes», a-t-il dit. Poutine a tout de même ajouté que les auteurs des révélations n'accusaient personne.
«Ils affirment que certains de mes amis font des affaires. Donc ils veulent savoir s'il est possible que l'argent [de ces] comptes offshores se retrouve entre les mains de certains fonctionnaires, y compris [de celles du] Président».
«Qui est derrière ces provocations ?», a demandé Poutine.
Le président russe a noté que «la première révélation [des Panama Papers] avait été faite par le journal allemand Suddeutsche Zeitung.»
Poutine estime que les fuites de Panama Papers ne sont pas un complot, mais font partie d'une «attaque informationnelle ciblée» contre la Russie et visent à «mettre de la poudre aux yeux des gens». Eh bien, si c’était effectivement le cas, alors cela a eu un effet boomerang, et ce de manière spectaculaire, puisque ce sont les alliés des Américains – y compris David Cameron – qui se sont retrouvés sous pression après ces révélations.
Des questions plus légères ont rythmé la session. Celle qui m’a fait le plus sourire venait d’une petite fille de 12 ans nommée Varvara Kuznetsova qui a demandé au Président : «Si Poroshenko et Erdogan étaient tous les deux en train de se noyer, lequel sauveriez-vous en premier ?» Ce à quoi Poutine a répondu avec sagesse : «Quand quelqu’un veut se noyer, on ne peut pas le sauver. Mais, on peut toujours lui tendre la main, s’il le veut.» J’espère que Poroshenko et Erdogan étaient devant leur téléviseur parce que cela ressemblait à une perche tendue.
Lors de la dernière question, Poutine s’est vu demander s’il lui arrivait de jurer. «Ce péché existe en Russie, et oui cela m’arrive, mais surtout contre moi-même», a-t-il répondu.
Je suis sûr qu’après une telle session, seuls les russophobes d’Occident juraient devant leur téléviseur.
Vous pouvez dire ce que vous voulez de Vladimir Poutine - on sait à quel point les néo-conservateurs le détestent - mais pouvez-vous imaginer David Cameron, Barack Obama ou François Hollande répondre à 80 questions face au public en direct à la télévision pendant 3 heures 35, sur des sujets allant du conflit en Syrie aux bienfaits du porridge au petit déjeuner ? Non, moi non plus. Les dirigeants en Occident sont beaucoup trop « démocratiques » pour ça.
Et si on continuait de critiquer la Russie et Poutine? Ça nous change les esprits au moins.
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