Manifestations en Macédoine du Nord contre le compromis avec la Bulgarie proposé par la France
Des manifestations ont éclaté à Skopje contre la décision du gouvernement d’accepter la proposition française qui vise à débloquer le veto de la Bulgarie à l'adhésion de la Macédoine du Nord à l’UE, l'opposition dénonçant une «capitulation».
De violents affrontements ont eu lieu le 6 juillet entre manifestants et forces de l’ordre à Skopje, la capitale de la Macédoine du Nord, durant lesquels une cinquantaine de policiers et de gendarmes ont été blessés au cours d'échauffourées aux abords du Parlement.
Le 2 juillet déjà, l’opposition nationaliste y avait rassemblé plusieurs milliers de personnes pour protester contre la «proposition française», c'est-à-dire la feuille de route proposée par la présidence française de l’Union européenne pour résoudre le différend entre la Macédoine du Nord et la Bulgarie.
Depuis 2020, Sofia s’oppose à la candidature d’adhésion à l’Union européenne de la Macédoine du Nord, arguant de nombreux différends historiques et linguistiques, ainsi que des atteintes aux droits de la minorité bulgare présente dans le pays. La Bulgarie, en proie à l'instabilité politique, a finalement levé son veto le 24 juin, dans le cadre d'un compromis préparé sous la présidence française de l'UE, celle-ci s'étant achevée le 30 juin.
La Macédoine du Nord doit ainsi s'engager à modifier sa Constitution pour inclure les Bulgares dans les groupes ethniques reconnus et «mettre en œuvre» un traité d'amitié datant de 2017 visant à éradiquer les discours de haine à leur encontre. Ancienne république yougoslave, la Macédoine du Nord est aussi appelée à revoir ses programmes scolaires et à ouvrir les archives de la police de l'époque communiste. Selon l'AFP, la question de la langue est très sensible entre les deux pays, Sofia considérant la langue macédonienne comme un dialecte bulgare, tandis que des événements et des figures historiques, principalement hérités du passé ottoman, font l'objet de polémiques récurrentes.
Nous n'avons pas besoin de l'Europe si c'est pour être assimilés !
Si le Premier ministre macédonien Dimitar Kovacevski a estimé que ce compromis représentait une «chance historique» pour le pays, les manifestants, emmenés par le VMRO-DPMNE (Parti démocratique pour l'unité nationale macédonienne) et plusieurs autres petits partis d’opposition, dénoncent une «capitulation» devant les «prétentions bulgares» et s’opposent à l’adhésion à l’UE sous ces conditions, tout en réclamant la démission du gouvernement actuel, rapporte Courrier international. «Nous n'avons pas besoin de l'Europe si c'est pour être assimilés !», a déclaré Hristijan Mickoski, leader du VMRO-DPMNE, lors de la manifestation du 2 juillet, ajoutant : «Je ne veux pas faire partie de l'Europe car j'ai le droit d'être un Macédonien, parlant la langue macédonienne et me battant pour mon identité et ma culture.»
Народе, 19 часот пред Влада. За Македонија!
— Христијан Мицкоски (@MickoskiHM) July 5, 2022
Ултиматум. Не, благодарам! pic.twitter.com/HVjkuRDG5M
En visite à Skopje le 5 juillet, le président du Conseil européen Charles Michel a soutenu la proposition française en appelant les Macédoniens à dire «oui» à cette «opportunité historique». Le Parlement macédonien doit désormais se prononcer, alors que d'autres manifestations ont d'ores et déjà été annoncées.
Avant cet épisode de tensions, l'adhésion de la Macédoine du Nord à l'UE avait déjà été bloquée par Athènes en raison d'un différend sur son nom, identique à celui d'une région du nord de la Grèce auquel le pays est très attaché, un accord ayant été trouvé en 2018 à ce sujet. Candidate à l’UE depuis 2005, la Macédoine du Nord a rejoint l'OTAN en 2020. Le 30 juin 2022, à l'occasion du sommet de l'Alliance à Madrid, le secrétaire d'Etat Anthony Blinken a estimé que le pays «méritait» son adhésion à l'UE.