Macronleaks : six Russes inculpés aux USA pour piratage, une «chasse aux sorcières» selon Moscou
Six citoyens russes, accusés d'appartenir au GRU, ont été inculpés aux Etats-Unis pour leur lien supposé avec des cyberattaques s'étant déroulées depuis 2015. Des allégations fermement démenties par Moscou qui dénonce une «chasse aux sorcières».
Le 15 octobre 2020, le grand jury fédéral de Pittsburgh (Pennsylvanie) a rendu un acte d'accusation contre six citoyens résidents et ressortissants de la Fédération de Russie, tous décrits par la justice américaine comme des «officiers dans l'unité 74455 du renseignement militaire russe (GRU)». Ils sont mis en cause pour plusieurs piratages, dont notamment le très médiatique Macronleaks, la fuite de documents de l'équipe de campagne d'En Marche peu avant la présidentielle française de 2017. Des accusations fermement démenties par Moscou, qui a fustigé une «chasse aux sorcières» et évoqué des manœuvres cherchant à alimenter la «russophobie».
On peut lire dans l’acte d’accusation – un document de de 50 pages – que les personnes soupçonnées auraient déployé des «logiciels malveillants destructeurs» à partir de novembre 2015 et au moins jusqu'en octobre 2019.
Les citoyens russes Iouri Sergueïevitch Andrienko (32 ans), Sergueï Vladimirovitch Detistov (35 ans), Pavel Valerievitch Frolov (28 ans), Anatoli Sergueïevitch Kovalev (29 ans), Artem Valerievitch Ochichenko (27 ans) et Piotr Nikolaïevitch Pliskine (32 ans) sont inculpés pour leurs liens supposés avec une série d’attaques informatiques considérée par le procureur Scott W. Brady comme étant «la plus perturbatrice et destructrice de l’histoire», d'après un communiqué de presse du Département de la Justice mis en ligne le 19 octobre.
«Des allégations cherchant encore une fois à discréditer Moscou»
Face à ces accusations, l'ambassadeur de Russie à Washington a affirmé auprès de l'agence RIA Novosti qu'il est «absolument clair que de telles histoires n'ont rien à voir avec la réalité» et qu'elles visent uniquement à alimenter la «russophobie», la «chasse aux sorcières» et une obsession de l'espionnage très en vogue aux Etats-Unis «depuis plusieurs années».
L'agence Interfax a par ailleurs relayé le même jour la réaction du président de la commission des affaires internationales de la Douma Léonid Slutksy, qui évoque des «allégations cherchant encore une fois discréditer Moscou», en précisant que «de telles déclarations n'ont jamais été accompagnées de preuves solides».
Le lendemain, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, cité par l'agence TASS, a lui dénoncé un «retour de la russophobie enragée».
Des accusations symboliques
Les six individus sont notamment mis en cause pour le piratage des emails du parti En Marche ! d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2017 en recourant au spear fishing (envoi d'emails personnalisés). Plusieurs milliers de documents internes à l'équipe de campagne du futur vainqueur de la présidentielle (certains vrais, d'autres faux) avaient en effet fuité sur internet.
Par ailleurs, les six citoyens russes se voient reprocher des attaques ayant visé le réseau électrique ukrainien de 2015 à 2016, l’attaque NotPetya en juin 2017 qui aurait causé un milliard de dollars de dommages aux Etats-Unis (en infectant notamment les ordinateurs d’une assurance de santé et d’une filiale de FedEx), l’attaque du réseau informatique de l’organisation des Jeux olympiques d’hiver 2018 à PyeongChang en Corée du Sud, la perturbation de l’enquête sur Sergueï Skripal en 2018, et le hacking de 15 000 sites internet en Géorgie en 2019.
Cependant, comme le relève le site d'informations spécialisé dans les startups Internet Techcrunch, la possibilité de voir les accusés arrêtés ou extradés est très faible. Il s’agit avant tout d’un procédé de «name and shame» (nommer et faire honte), employé «fréquemment par le Département américain de la Justice ces dernières années».
Cet acte d’accusation a donc avant tout une portée symbolique, en particulier à deux semaines d’une élection présidentielle où se joue la réélection de Donald Trump, accusé par ses détracteurs – sans preuves – de bénéficier du soutien de la Russie. Aucun chef d’accusation présenté le 19 octobre n’évoque toutefois l’éventualité d’une ingérence dans le scrutin de 2020.
Une mise en cause de la Russie qui intervient alors que Vladimir Poutine a proposé fin septembre 2020 un accord de non-ingérence et de non-agression numérique aux autorités étatsuniennes.