Russie : le banquier français Philippe Delpal relâché de prison et assigné à résidence
A quelques jours de la rencontre entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron, la justice russe a libéré le 15 août le banquier français Philippe Delpal, en détention préventive depuis février dans une affaire de fraude, pour l'assigner à résidence.
Comme l'avais requis le Parquet, le tribunal municipal de Moscou a décidé ce 15 août d'assigner le Français Philippe Delpal à résidence. Directeur financier du fonds d'investissement Baring Vostok, ce dernier était en détention préventive depuis février dans une affaire de fraude. Sa libération intervient à quelques jours de la rencontre entre le président russe Vladimir Poutine et son homologue français Emmanuel Macron, prévue le 19 août au fort de Brégançon.
Les 14 et 15 février dernier, l'Américain Michael Calvey, fondateur et directeur de Baring Vostok, qui est un des plus importants fonds d'investissement en Russie, avait été arrêté par les autorités russes, en compagnie de quatre autres collaborateurs du fonds, dont le Français Philippe Delpal. Il leur est reproché d’avoir détourné au moins 2,5 milliards de roubles (environ 33 millions d’euros) au détriment de la banque russe Vostotchny. Philippe Delpal a toujours plaidé son innocence, soutenant qu’il s’agissait d’un banal conflit d’affaires, pour lequel ses accusateurs ont été déboutés devant une cour d’arbitrage à Londres.
Kyrill Dmitriev, directeur général du Fonds russe des investissements directs (RDIF), a réagi en ces termes à cette décision de justice : «Au nom de la communauté des investisseurs russes et internationaux, nous nous félicitons de la décision du tribunal de modifier la mesure de contrainte à l’égard de Philippe Delpal en le plaçant en résidence surveillée. Nous plaidons également en faveur de l'atténuation à parts égales de la mesure préventive appliquée aux employés étrangers et russes de Baring Vostok qui ont été arrêtés dans le cadre de cette affaire.» Auparavant, Kirill Dmitriev avait demandé au tribunal de la ville de Moscou, au tribunal du district Basmanny de Moscou et au Comité d'enquête de la Fédération de Russie, de modifier les mesures de contrainte affectant Michael Calvey et les autres employés du BVCP, les citoyens russes Ivan Zuzine et Vagan Abgarian et le Français Philippe Delpal. «Je salue également la décision d'assouplir les conditions de résidence surveillée de Michael Calvey», a également déclaré Kyrill Dmitriev.
Paris souhaite un «traitement équitable»
Le 9 juillet, la détention provisoire du Français ainsi que celle de ses partenaires russes avait été prolongée jusqu'à octobre. En revanche, l’américain Michael Calvey, sur qui pèse la même plainte, avait pu bénéficier d’une résidence surveillée.
Ce placement en détention provisoire, au contraire de Michael Calvey, avait interpellé la diplomatie française : «Ce qu'on souhaite c'est que ses droits fondamentaux soient respectés, qu'il bénéficie d'un traitement équitable, qu'il n'y ait pas de discrimination», avaient ainsi expliqué à l’AFP les services du Premier ministre français.
L'ambassadeur de France à Moscou Sylvie Bermann, venue apporter son soutien au Français début juillet, avait fait part de son étonnement «que ce contentieux purement commercial soit traité de manière pénale». Dans le même sens, la Chambre de Commerce et d'Industrie (CCI), et les Conseillers du Commerce Extérieur de la France (CNCCEF) avaient critiqué dans un communiqué la décision de la justice russe, assurant qu'elle «choqu[ait] profondément la communauté d’affaires et constitu[ait] malheureusement un frein aux investissements étrangers en Russie».
Limiter la détention provisoire dans les affaires économiques
Un argument sur lequel le président russe ne semblait pas en désaccord. Le 20 février soit quelques jours seulement après l’arrestation, Vladimir Poutine avait ainsi recommandé aux autorités d'être plus souples concernant les poursuites judiciaires envers les entreprises.
«Pour mener à bien les tâches de grande envergure auxquelles le pays est confronté, nous devons nous débarrasser de tout ce qui limite la liberté d'entreprise», avait fait savoir le président russe. «Les entreprises honnêtes ne doivent pas se sentir constamment menacées, constamment risquer des sanctions pénales ou administratives», avait-il poursuivi, avant de donner son opinion sur les cas de détention provisoire dans ce genre d'affaire : «Lorsqu'on enquête sur des affaires économiques, il est nécessaire de limiter strictement les motifs de prolongation à répétition des durées de détention.»
Dans une interview accordé à RT début juin, le porte-parole du Kremlin avait en outre souligné que le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, était personnellement informé de l'affaire «car il compren[ait] qu'elle provoqu[ait] beaucoup de questions parmi certains investisseurs étrangers». «Nous espérons que [Michael Calvey et Philippe Delpal] seront libérés. Mais rien n'est fait de manière volontaire. C'est la loi russe et il faut la suivre», avait déclare Dmitri Peskov.
Le 13 août dernier, le Commissaire à la protection des droits des entrepreneurs, Boris Titov, avait de son côté demandé au procureur général de vérifier à nouveau la légalité et la validité des poursuites pénales engagées à l'encontre des personnes encore incarcérées dans l'affaire Baring Vostok.
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