Ce que l'on sait des frappes américaines sur la base militaire de al-Chaayrate en Syrie
Washington a indiqué que le bombardement de la base aérienne syrienne près de Homs était une réponse à Damas, accusé d'avoir utilisé du gaz sarin contre des civils. L'opposition syrienne se réjouit de ces frappes, Damas et Moscou condamnent.
Que s'est-il passé ?
La base de al-Chaayrate, dans la province centrale de Homs, a été frappée vers 00h40 GMT dans la nuit du 6 au 7 avril par 59 missiles Tomahawk tirés par les navires américains USS Porter et USS Ross, qui se trouvaient en Méditerranée orientale.
Selon le capitaine de vaisseau Jeff Davis, un porte-parole du Pentagone, la base était connue pour être un lieu de stockage d'armes chimiques avant 2013.
.@JeffFlake@wolfblitzer@kshaheen@MSNBC#pt: The 1st U.S airstrike has just hit Al-Shayrat airbase SE of #Homs city. pic.twitter.com/e3Ez190ZHy
— Charles Lister (@Charles_Lister) 7 avril 2017
«Ces missiles ont ciblé des avions, des abris de bombardiers, des zones de stockage pétrolier et de matériel militaire, des stocks de munitions, des systèmes de défense aérienne et des radars», a déclaré Jeff Davis aux journalistes.
PENTAGON: At direction of POTUS, U.S. forces conducted cruise missile strike against a Syrian Air Force airfield today at about 8:40 pm EDT pic.twitter.com/TEac56cQee
— Dan Linden (@DanLinden) 7 avril 2017
Le capitaine Davis a affirmé que «toutes les précautions avaient été prises pour exécuter la frappe avec le minimum de risques» pour le personnel présent sur la base et notamment les Russes qui s'y trouvaient. Il a ajouté que les frappes «ne visaient pas la population».
Le porte-parole a en outre affirmé que Moscou avait été prévenue à l'avance des bombardements via la ligne de communication spéciale mise en place par les militaires américains et russes depuis l'automne 2015 pour éviter tout incident aérien entre leurs avions respectifs dans le ciel syrien.
Lire aussi : Syrie : Moscou suspend son accord avec Washington sur la prévention d'incidents aériens
Pentagon releases first pictures of Tomahawk cruise missiles launching from US Navy warships on strike in #Syriapic.twitter.com/5S04CJyc6E
— Garret Pustay (@garretpustay) 7 avril 2017
Il y a eu de «multiples conversations» avec les Russes [le 6 avril] via la ligne spéciale, a déclaré Jef Davis. Le porte-parole a également indiqué que les militaires américains connaissaient «l'endroit précis» de la base utilisé par les militaires russes.
Le ministère de la Défense russe, pour sa part, n'a pour le moment ni confirmé ni infirmé ces affirmations.
Quelle est la raison des frappes américaines ?
Selon le Pentagone, les services de renseignement américains ont établi que les avions qui auraient mené l'attaque chimique contre la localité de Khan Cheikhoun près d'Idlib le 4 avril étaient partis de la base de al-Chaayrate. Les Etats-Unis ont notamment accusé la Syrie d'avoir utilisé un agent neurotoxique de type sarin contre la ville de Khan Cheikhoun. Ce bombardement a fait au moins 86 morts.
Le président américain Donald Trump s'est exprimé de sa résidence de Mar-a-Lago en Floride où il recevait son homologue chinois Xi Jinping. Il a notamment précisé qu'il s'agissait de «frappes militaires ciblées», affirmant qu'«il [était] dans l'intérêt vital de la sécurité nationale des Etats-Unis de prévenir et d'empêcher la prolifération et l'usage d'armes chimiques». Selon le président américain, «des années de tentatives de faire changer Assad ont échoué, et échoué dramatiquement».
🆘‼️Syria: US fired 59 Tomahawk on Shayrat Airbase. Apparently, the facts of poison gas attack on Ghouta (2013) are forgotten. @Onlinemagazinpic.twitter.com/ZiVzxPU1Yt
— The National Hero (@Fake_Ljaschko) 7 avril 2017
«Il ne peut y avoir de doutes sur le fait que l'armée syrienne a utilisé des armes chimiques interdites, violant ses obligations en vertu de la convention sur les armes chimiques et ignorant délibérément les avertissements du conseil de sécurité de l'ONU», a déclaré Donald Trump.
Son secrétaire d'Etat, Rex Tillerson, a renchéri soulignant que la frappe montrait la volonté du président américain d'agir quand des pays «franchiss[aient] la ligne».
Quels sont les dégâts ?
«L'agression américaine a provoqué la mort de neuf civils, dont quatre enfants, fait sept blessés et provoqué d'importantes destructions dans les maisons des villages d'Al-Chaayrate, Al-Hamrate et Al-Manzoul», proches de la base visée, a indiqué l'agence SANA, qui n'a pas précisé si ce chiffre incluait le bilan de six morts fourni plus tôt par l'armée syrienne.
Le gouverneur de la province de Homs Talal al-Barazi, qui s'est exprimé sur la chaîne de télévision Al-Mayadeen, avait déjà déclaré que des civils se trouvaient parmi les victimes.
«Il y a des blessés qui sont atteints de brûlures [...] Il y a des incendies que nous tentons de maîtriser. Ça va prendre un peu de temps pour évaluer les dégâts [...] Nous condamnons ces frappes, comme toute action visant les bases militaires syriennes est condamnable» a-t-il ajouté.
L'armée syrienne a également indiqué que dix soldats syriens avaient été tués dans les frappes, ce qui porterait le nombre de victimes à 19 au total.
The target is an airfield in southern Homs : Shayrat - Military Airbasehttps://t.co/agIBwMmnPipic.twitter.com/pvlByhlwvX
— Ersin Satlyck (@e_satlyc) 7 avril 2017
«On a la confirmation de la mort de quatre militaires dont un général de brigade dans l'armée de l'air. Il y a également des dizaines de blessés», a pour sa part confié à l'AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l'OSDH.
Video from runway of Shairat AB: significant damage and fragments everywhere#Homs#US#signofthetimes#Trump#SuchiLeaks#Syriapic.twitter.com/XMBhKEbusA
— Shababeek (@Shababeeksouria) 7 avril 2017
«L'armée de l'air présente dans l'aéroport d'al-Chaayrate est un soutien important aux forces armées dans la bataille contre le groupe Etat islamique dans la région de Palmyre», a encore précisé le gouverneur de Homs.
La cité antique de Palmyre, située dans la province de Homs, avait été libérée de l'EI par l'armée syrienne.
Damas condamne, l'opposition se réjouit
L'armée syrienne a qualifié les frappes américaines sur la base de al-Chaayrate d'«agression», indiquant que le bombardement avait fait six morts et causé d'importants dégâts matériels.
«Cette agression américaine vient après la campagne médiatique de dénigrement menée par des pays [...] après ce qui s'est passé à Khan Cheikhoun», a indiqué pour sa part l'agence officielle Sana.
L'opposition syrienne, à travers son porte-parole Ahmad Ramadan, s'est quant à elle félicitée de la frappe américaine et a appelé à la poursuite des bombardements pour «neutraliser la capacité» de l'armée syrienne à lancer des raids contre ses adversaires.
Les bombardements américains sur la base syrienne de al-Chaayrate ont également provoqué de nombreuses réactions sur la scène internationale, en ébullition après ces événements.
Lire aussi : «Mon attitude vis-à-vis de Bachar el-Assad a changé», prévient Donald Trump
Moscou dénonce une agression contre un membre de l'ONU
La Russie, principal allié du gouvernement syrien, a fermement condamné ces frappes aériennes américaines sur la base de al-Chaayrate. «L’attaque américaine en Syrie est un acte d’agression contre un membre de l’ONU», a déclaré à l’agence de presse russe RIA Novosti le président de la Commission de la défense et de la sécurité du Conseil de la Fédération de Russie, Victor Ozerov. Il a ajouté que Moscou convoquerait une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU face à cette situation.
Russia warns of 'negative consequences' if U.S. targets Syria https://t.co/mqa6AzzzjBpic.twitter.com/NtHrIql78W
— Reuters Top News (@Reuters) 7 avril 2017
Victor Ozerov a par ailleurs réfuté les affirmations du capitaine Jef Davis qui assurait que Moscou avait été prévenue des bombardements.
Selon le haut responsable russe, l’attaque américaine vient rendre impossible toute «coopération militaire entre la Russie et les Etats-Unis en Syrie», Washington n’ayant pas «contacté les militaires russes» avant d’effectuer ces frappes.
Le président russe Vladimir Poutine et son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov ont également qualifié les frappes américaines d’«acte d’agression usant d'un prétexte artificiel».
«Ce n'est pas la première fois que les Etats-Unis adoptent une telle approche, inconsidérée, qui ne fait qu’aggraver les problèmes existant dans le monde et crée une menace pour la sécurité internationale», précise par ailleurs un communiqué du ministère russe qui a souligné que la présence des militaires américains sur le territoire syrien sans autorisation du gouvernement syrien et le Conseil de sécurité de l’ONU violait le droit international.