La Turquie veut participer à la guerre contre Daesh en Irak malgré les accusations de «complicité»
- Avec AFP
La Turquie se réserve le droit d'intervenir militairement en Irak comme en Syrie pour défendre ses intérêts. Ankara affirme vouloir se protéger de l'Etat islamique tandis que les Kurdes syriens accusent Ankara de «voler au secours de Daesh».
«S'il y a une menace contre la Turquie, nous utiliserons tous nos moyens, y compris une opération terrestre […] pour éliminer cette menace», a déclaré Mevlüt Cavusoglu, le chef de la diplomatie turque interrogé le 25 octobre par la chaîne de télévision Kanal 24 sur l'éventualité d'une opération terrestre turque depuis la base de Bachiqa, dans le nord de l'Irak.
«C'est notre droit le plus naturel», a-t-il ajouté.
La Turquie demande avec insistance à être associée à l'offensive en cours contre la ville de Mossoul, fief du groupe Etat islamique (EI) dans le nord de l'Irak, affirmant que la présence du groupe djihadiste de l'autre côté de sa frontière représente une menace.
Mevlüt Cavusoglu a rappelé que la Turquie avait lancé en août une opération terrestre contre l'EI dans le nord de la Syrie. Le ministre a en outre déclaré que son pays était prêt à faire de même en Irak : «Si, à Sinjar ou dans d'autres régions [irakiennes], la menace de l'EI, se renforce, alors nous utiliserons toute notre force» pour l'éliminer.
Cavusoglu: "La Turquie va renforcer ses opérations en Irak pour sécuriser la région"https://t.co/jJnLX55Q0epic.twitter.com/XQ8hE3i1qG
— TRT Français (@TRTFrancais) 25 octobre 2016
Ankara affirme que son artillerie déployée à Bachiqa a bombardé des cibles de l'EI à la demande des Peshmergas [combattants kurdes irakiens du Gouvernement régional du Kurdistan] qui participent à l'opération de Mossoul. Une information démentie par Bagdad.
L'offensive des forces armées irakiennes sur Mossoul, entrée dans sa deuxième semaine, vise à reprendre la deuxième ville du pays qui est aux mains des djihadistes depuis juin 2014.
Depuis le début de la guerre en Syrie, puis en Irak, le renforcement des revendications autonomistes des zones peuplées par les Kurdes fait peur à la Turquie. Ankara redoute la consolidation d'un mouvement favorable à la création d'un Kurdistan regroupant ses parties turques, syrienne, iranienne et irakienne.
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Le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), fondé en Turquie mène une guerilla en faveur de l'autonmie de la partie kurde du pays depuis les années 1980. Mais le PKK porte également un projet politique transnational.
Le Parti de l'Union Démocratique (PYD), une organisation politique proche idéologiquement du PKK, dirige désormais le Kurdistan syrien. Il a mis en place un système politique autonome tout en réclamant la fédéralisation de la Syrie. Les Unités de Protection du Peuple (YPG), rendues célèbres par leur victoire contre Daesh à Kobané, sont le bras armé du PYD.
Le gouvernement turc considère le PYD et les YPG comme des organisations «terroristes» étroitement liées au Parti des travailleurs du Kurdistan. Pour Ankara, ces organisations représentent une menace équivalente à celle de Daesh. Cette position a conduit la Turquie à bombarder à de nombreuses reprises les positions des milices kurdes et à intervenir au sol lors d'une opération militaire à la fin du mois d'août 2016.
L'aviation turque intervient aussi en Irak et bombarde régulièrement les positions du PKK dans les monts Kandil, base arrière de l'organisation kurde en Irak, à la frontière avec la Turquie.
En Turquie même, les autorités ont lancé en 2015 une opération militaire contre les militants et les sympathisants du PKK. Elles ont mis en place de véritables sièges contre des villes comme Cizre ou des quartiers pro-PKK dans le Kurdistan turc et au début de l'année 2016. Cette opération militaire a fait de très nombreuses victimes civiles parmi la population kurde.
Des agissements qui valent à la Turquie d'être accusée de collusion avec l'Etat islamique. «Ce qui s’est passé à Cizre est un crime de guerre. Des actes similaires ont eu lieu dans d’autres pays et la majorité ont été condamnés en tant que crimes de guerre. Mais en Turquie, le pouvoir peut facilement commettre de tels actes et personne n’a le courage de les condamner», a ainsi expliqué la co-présidente, Figen Yuksekdag du Parti Démocratique des Peuples (HDP) en ajoutant : «Le gouvernement turc est organiquement lié à l’Etat islamique.»
Les Kurdes syriens accusent la Turquie de «complicité» avec l'Etat islamique
Lors d'une conférence de presse à Paris, le 25 octobre, le représentant en France des Kurdes de Syrie, Khaled Issa, a accusé le régime turc d'«attaquer massivement» les combattants kurdes pour les empêcher de reprendre Racca, la «capitale» de l’Etat islamique en Syrie. Le responsable kurde a accusé Ankara de «complicité» avec les djihadistes.
D'après Khaled Issa, l'armée turque a de nouveau bombardé dans la nuit du 24 octobre au 25 octobre des positions des Forces Démocratiques Syriennes (FDS).
«On ne peut pas aller se battre à Racca alors que l'armée turque nous bombarde», a-t-il souligné, jugeant que pour l'heure «les conditions ne sont pas réunies pour prendre Racca».
Il serait bon que la France demande une enquête internationale sur les agissements d'Erdogan... https://t.co/fYSnCOz5gV
— David Fabre (@DavidFabre2014) 22 octobre 2016
Khaled Issa a accusé le président Recep Tayyip Erdogan de «voler au secours de Daesh». Le représentant en France des Kurdes de Syrie a appelé le gouvernement français et les autres membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU à «mettre un terme aux agissements irresponsables d'Erdogan qui entrave la lutte contre Daesh».
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Le responsable kurde a précisé que dans le cadre des préparatifs de la libération de Racca, plusieurs villages occupés par Daesh au nord-est d'Alep, avaient été libérés par les Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition de combattants kurdes et arabes soutenue par les Etats-Unis.
«Si l'artillerie et l'aviation turques bombardent violemment les positions des FDS dans cette zone et dans le canton d'Afrine c'est, d'une part pour les empêcher de couper les voies d'approvisionnement de Daech à Raqqa et d'autre part pour que la Turquie puisse maintenir le contrôle de ses 70 km de frontières avec la Syrie», a encore expliqué Khaled Issa.
La semaine dernière, la Turqui a frappé à plusieurs reprises les milices kurdres syriennes dans le nord de la Syrie, a rapporté Anadolu, l'agence de presse turque officielle.