La prise par le cou finalement autorisée lors des interventions : retour sur une valse-hésitation

La prise par le cou finalement autorisée lors des interventions : retour sur une valse-hésitation
Dans une note du 15 juin, le directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, annonce que la clef d'étranglement est finalement autorisée aux policiers jusqu'à son remplacement.
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La fameuse clef d'étranglement pratiquée momentanément par les membres des forces de l'ordre pour amener un individu récalcitrant au sol, avait été annoncée comme abandonnée ; elle est finalement autorisée à nouveau... jusqu'à son remplacement.

Coup de théâtre : Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale fait parvenir à ses personnels d'encadrement le 15 juin une note portant sur les «techniques d'intervention» dans laquelle il explique que la technique dite d'étranglement, ou prise par le cou, sera finalement autorisée lors d'une interpellation pour amener un individu récalcitrant jusqu'au sol, mais «sera remplacée au fur et à mesure de la formation individuelle dispensée sur la base des résultats du groupe de travail».

RT France a pu se procurer ce courrier : 

La prise par le cou finalement autorisée lors des interventions : retour sur une valse-hésitation

Il s'agit en réalité d'un nouveau chapitre dans la longue histoire qui dure depuis la mort de George Floyd lors de son interpellation par la police américaine le 25 mai à Minneapolis. A la suite de cet événement, des manifestations ont eu lieu outre-Atlantique pour dénoncer le racisme supposé des forces de l'ordre, mais aussi en France, soutenues notamment par l'entourage d'Assa Traoré (sœur d'Adama Traoré, mort dans une gendarmerie française en 2016 après une longue course-poursuite) ou SOS Racisme.

En France, le ministre de l'Intérieur a réagi à ces événements en multipliant des déclarations très mal perçues par les policiers nationaux. Mais surtout, il a annoncé l'abandon de la prise par le cou le 8 juin lors d'une conférence de presse sans consultation avec les corps intermédiaires de la police nationale. Il n'en fallait pas plus pour déclencher l'ire des policiers de la base et des syndicalistes. Ainsi que l'a résumé le secrétaire général d'Alliance, Fabien Vanhemelryck lors d'un rassemblement intersyndical le le 12 juin devant Beauvau, c'était «la goutte d'eau».

Contactés par RT France, les policiers en colère, sans étiquette syndicale, ont dénoncé une forme d'«amateurisme» de Christophe Castaner et ont appelé à sa démission tandis qu'un usage plus généralisé du pistolet à impulsion électrique était envisagé pour remplacer la prise par le cou, qu'un policier interrogé au téléphone n'a pas hésité à qualifier de «prise de judo» et d'ajouter : «Ils vont interdire le judo, aussi ?»

Le remplacement par le Taser n'a pas convaincu tous les policiers

Le remplacement envisagé de cette technique d'étranglement par ce qu'on appelle communément le Taser a fait sourciller certains patrons de syndicats du secteur, car si Alliance trouvait l'idée à son goût, plusieurs responsables de l'Unsa-Police interrogés par RT France ont jugé cette trouvaille de mauvais aloi, faisant valoir que l'habilitation pour porter et utiliser cette arme était plutôt rare à l'heure actuelle dans les rangs des forces de sécurité intérieure.

Christophe Canon, délégué zonal Hauts-de-France CRS pour l'Unsa Police, a ainsi résumé au téléphone : «Il y a deux Tasers par compagnie [de CRS] et en général on ne les sort même pas.» Surtout, cette organisation syndicale veut que les pistolets à impulsion électrique soient couplés à des caméras, ainsi que préconisé par le fabricant américain Axon qui a initialement doté cette arme d'une caméra.

Par ailleurs, nouvelle manifestation d'un manque recul patent sur le dossier de la part du pouvoir politique actuel : le Taser est connu pour être une arme dangereuse pour les personnes souffrant d'une fragilité cardiaque et pourrait in fine s'avérer plus létal qu'une «prise de judo» momentanée et destinée à amener un mis en cause vers le sol pour lui passer les menottes, tel que nous l'a décrit un policier anonyme.

Les industriels qui fabriquent des solutions de défense pour les forces de l'ordre, interrogés par RT France, ont déjà saisi l'opportunité commerciale et anticipent le marché à venir. L'un d'entre eux, basé dans le Centre de la France, résumait ainsi la situation le 15 juin au téléphone en avertissant : «La vraie question que les Français devraient se poser c'est : si ça dérape, est-ce-que je préfère être amené au sol avec une prise de bras ou avec une décharge électrique violente ?»

Une première tentative de clarification le 12 juin

L'institution policière a visiblement compris que le ministre de l'Intérieur avait commis un impair et a tenté de rectifier le tir dès le 12 juin dans une note du directeur central de la formation de la police nationale, Philippe Lutz, dont RT France a eu connaissance.

On pouvait y lire une tentative de désamorcer les difficultés à venir, ainsi qu'une volonté manifeste de clarifier la situation pour les policiers : après avoir expliqué que les deux formes d'étranglement (respiratoire ou sanguine) ne seraient plus enseignées à l'école de police conformément à l'annonce du ministre, le courrier rappelait qu'au moins une autre technique de self-défense pouvait être employée par les agents.

La prise par le cou finalement autorisée lors des interventions : retour sur une valse-hésitation

La note soulignait la pertinence de la «prise arrière» permettant le «contrôle du haut du corps aux fins d'immobilisation debout ou le déséquilibre de la personne à maîtriser, afin de l'amener au sol».

La prise par le cou finalement autorisée lors des interventions : retour sur une valse-hésitation

Hélas pour le ministère, la machine était lancée et entre temps, les manifestations syndicales comme sans étiquette se multipliaient dans le monde policier, dans les commissariats, sur la voie publique, à Paris et de nombreuses autres villes... La colère policière à l'endroit de l'administration, de la hiérarchie et du domaine politique, contenue depuis des années éclate dorénavant sans retenue.

Le syndicat Alternative-Police appelait dans un tweet du 15 juin à ne plus réaliser d'interpellation sauf urgence pour l'intégrité physique des personnes, comme la plupart de ses camarades syndicalistes, mais surtout son tract soulignait que les solutions à l'interdiction de la clef d'étranglement n'interviendraient qu'au mois de septembre 2020... Remarque du syndicat : «Pendant dix semaines, aucune alternative à la clef d'étranglement n'est proposée.»

La direction générale de la police nationale a-t-elle lu ce tract ou les grands esprits se sont-ils rencontrés ? De fait, les nouvelles consignes sont apparues le jour-même, qui réaffirment la «mise en œuvre avec mesure et discernement» de la technique de l'étranglement...

Interrogé par RT France ce 16 juin, Denis Jacob, secrétaire général d'Alternative a déploré : «Dans un certain passage de la dernière note du DGPN [en date du 15 juin, voir ci-dessus], on voit clairement que l'administration se défausse de sa responsabilité en cas de tout éventuel incident et la reporte sur le fonctionnaire, lorsqu'elle utilise les termes de "mesure et discernement"... En attendant, les nouvelles instructions et les formations adéquates, les policiers sont donc renvoyés à leurs responsabilités individuelles.»

Une longue valse-hésitation au ministère de l'Intérieur qui selon Jean-Pierre Colombies, porte-parole de l'Union de policiers nationaux indépendants, signe une forme de désaveu du ministre de tutelle par la direction de la police et peut-être même, une exfiltration prochaine de Christophe Castaner de ce ministère lors d'un remaniement attendu au sommet de l'Etat. L'avenir le dira.

Antoine Boitel

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